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Portrait – Makha Diop alias «El Capo» : flic ou « voyou »

Vendredi 23 Août 2019

Installé au cœur de l’affaire qui défraie la chronique à Thiès, l’agent de police, Makha Diop, la quarantaine, est un personnage controversé. A Thiès, désormais, deux camps se dressent, à l’évocation du nom de ce policier aux dreadlocks. Ceux qui le soutiennent sans réserve sont d’avis que ces méthodes d’intervention et d’interpellation musclée sont à l’aune des exactions des malfaiteurs qu’il traque et ses détracteurs le crayonnent comme un «ver» à extirper du service de police. Un personnage, deux clichés que «L’Obs» a tenté de cerner à travers des témoignages.



En ce mercredi 21 août, soit cinq jours après les échauffourées qui ont secoué Thiès, la capitale du Rail ne bruit que de la mort tragique du jeune boulanger du nom de Amar Mbaye. Cinq jours que les éléments du poste de police des Parcelles Assainies de Thiès sont sur le qui-vive. Ici, désormais, la vigilance est de mise. Attaqué à coups de pierres par un groupe de motocyclistes appelés «Jakartamen», le soir du vendredi 16 août dernier, le poste de police des Parcelles Assainies de Thiès ressemble à un bunker. Depuis ces incidents qui ont coûté la vie à Amar Mbaye, le boulanger, c’est un détachement du Groupement mobile d’Intervention (Gmi) qui veille sur la sécurité des agents. Ils sont reconnaissables à la couleur bleue marine de leur tenue. Certains, l’arme au poing, préfèrent rester au chaud dans le camion, alors que d’autres sont positionnés de part et d’autre dans la rue qui fait face au bâtiment du poste de police.


A l’intérieur du poste, aucun signe de nervosité. Et pourtant, c’est ici dans ce poste de police qu’a servi Makha Diop, plus connu sous le pseudo d’El capo et cité dans la mort du boulanger Mafatim Mbaye. Makha a, pendant six mois, dirigé la Section Recherches de ce poste de police, composée d’éléments le plus souvent, habillés en civil pour mieux traquer les délinquants. Il faut passer par le comptoir qui tient la main courante pour rencontrer le chef de service, tranquillement assis dans un couloir, entouré de ses hommes. Une poignée de main puis la discussion peut démarrer. Les yeux rougis par les nuits blanches qu’il passe depuis la survenue de cette affaire, le Lieutenant Malick Sow, patron du poste de police des Parcelles Assainies, assène avec force : «En six mois, je n’ai jamais servi de demande d’explication à Makha Diop. Je n’ai eu à le recadrer qu’une seule fois, lorsqu’il a eu un accrochage avec un individu. J’ai assisté à la scène et je lui ai ordonné de ne plus refaire un truc pareil. En six mois, c’est la seule fois où j’ai eu à le recadrer. C’est la preuve que dans l’exercice du service, c’est un bon élément. Pour le reste, comprenez que je ne peux pas parler de sa vie privée.» Un ange passe.


Dans la cour du poste de police, plusieurs motos «Jakarta» sont immobilisées.  La plupart dépourvues de plaques d’immatriculation, d’autres portant comme une estampille, le motif de leur immobilisation. Un de ses motifs attire notre attention. En effet, sur quelques-unes de ces motos, il est mentionné C.I (comprenez chanvre indien). «C’est souvent le principal motif d’interpellation des Jakartamen ; ils sont dans le trafic», souffle un policier qui n’a pas souhaité en dire plus. Au poste des Pa de Thiès, le mot d’ordre du jour semble être «silence radio» sur tout, y compris l’affaire «El Capo». L’obligation de réserve qui régit leur corps est passée par là. Mais s’arrête là. Dans les rues des quartiers voisins, les langues se délient à la moindre interpellation.

«Très présent dans les bars, il se fait filmer fumer du chicha ou distribuant des billets de banque à des chanteurs»

A Mbour 2, un quartier situé en face du poste de police des Parcelles Assainies de Thiès, c’est plus le look et le port vestimentaire de Makha Diop qui sont pointés du doigt par les habitants. Parmi eux, Mamadou Diallo, un émigré, revenu au bercail après quinze années de séjour à Mulhouse, en France. Présent lorsque Makha Diop, originaire de Kaolack, nouvellement affecté au poste de police des Parcelles Assainies de Thiès après un passage aux commissariats du Point E et de Grand-Dakar, était à la recherche d’un appartement, Mamadou Diallo raconte avoir été surpris par la mise d’El Capo. «Il était à la recherche d’un appartement. Je l’ai reçu dans ma maison pour le mettre ensuite en rapport avec un ami du nom de Guissé qui travaille dans l’immobilier. Il avait l’air d’un loubard et j’ai tiqué un peu quand j’ai appris qu’il est policier. Ses dreadlocks et ses nombreux tatouages au corps m’ont fait douter», avoue l’émigré qui a compris plus tard, que cet aspect loubard était une couverture pour le Capo afin d’infiltrer les milieux interlopes. Malgré tous les «résultats probants obtenus» par «El capo», en mettant hors état de nuire plusieurs dealers à Thiès, l’émigré est d’avis que Makha Diop doit davantage soigner sa mise pour l’image de la police. «J’avoue que je me suis toujours demandé si un policier a le droit de s’habiller de la sorte. Je sais qu’il est très craint des malfaiteurs. C’est leur pire cauchemar.


C’est pour cela d’ailleurs que les gosses parlent souvent de lui en mal. Mais, je ne cautionne pas sa présence trop assidue dans les bars où il se fait filmer en train de fumer du chicha ou de distribuer des billets de banque à des chanteurs. Il doit changer cette image de loubard qu’il renvoie», conseille Diallo. Un avis que ne partage pas le vieux Sogui Sall, un ancien de la police judiciaire, qui a consacré trente ans de sa longue carrière de policier à traquer les malfaiteurs. Retraité, il vit désormais à Thiès. Sogui avoue que la mise importe peu pour un élément de la Section recherches qui a pour mission de traquer les malfaiteurs. «J’ai servi dans plusieurs régions du Sénégal, mais je vis à Thiès depuis ma retraite. J’avoue que les conducteurs de Jakarta nous font beaucoup de mal. Ils nous font ch…


Que le policier Makha Diop s’habille de la sorte pour les infiltrer et extirper ceux qui sont impliqués dans le trafic de drogue, je trouve que c’est bien. A chaque policier sa méthode, pourvu qu’il les applique dans le respect strict de la loi», confie le retraité de la police.

«Ces méthodes d’interpellations musclées sont très décriées»

Excepté sa mise diversement appréciée à Thiès, Makha Diop traîne une réputation de dur à cuir. Abdou*, conducteur de moto Jakarta, en sait un rayon sur l’homme, pour l’avoir connu alors qu’il servait au commissariat de Grand-Dakar, dans la capitale. Il souffle : «J’ai connu Makha Diop à Grand-Dakar où j’ai passé mon enfance. Plus tard, quand j’ai fini mon apprentissage comme électricien, je suis venu m’établir à Thiès et je l’y ai retrouvé.


A Dakar, on l’apercevait très souvent au «market» de Colobane où il traquait les malfaiteurs. Je sais qu’il n’est pas très ouvert. Il est plutôt taciturne et cette réputation n’a pas joué en sa faveur. Je l’ai vu une fois interpeler un trafiquant et j’avoue que c’était trop musclé. A Grand-Dakar, c’est cette réputation qu’il a laissée derrière lui. Quand il attrapait quelqu’un, il le rudoyait et le molestait, avant de l’embarquer. Il était sans pitié avec ses victimes. Sa réputation de dur à cuire qui l’a précédé à Thiès n’a pas arrangé les choses. Ses méthodes d’interpellations musclées sont très décriées». «A chacun sa méthode», ergote un ancien collègue de Makha Diop, sous le sceau de l’anonymat.


«Avec ces malfaiteurs, il ne faut pas miser sur la persuasion. Pendant une interpellation, c’est au choix de l’individu s’il accepte de se faire arrêter sans résistance, on le suit. Sinon, il faut de la force pour le maîtriser», confie-t-il, convaincu qu’«à l’image de la mafia en Europe, les malfaiteurs ne s’attaquent plus physiquement aux policiers qui les empêchent de mener tranquillement leurs activités. Pour les éloigner, ils préfèrent maintenant les discréditer. C’est juste le cas avec El Capo».

A Thiès où il sert depuis 8 mois, Makha Diop logeait chez les Gaye. Leur maison se dresse non loin du terrain de football des Parcelles assainies. «Il avait pris un appartement en location dans cette maison. Il y vivait avec ses chiens, mais depuis l’éclatement de cette affaire, il a pris ses bagages et est parti», souffle un voisin sous le couvert de l’anonymat. A la porte de ladite maison, il faut montrer patte blanche pour se faire accepter à l’intérieur où une dame d’âge mûr reçoit, entourée de ses deux filles. «A l’absence du chef de famille, comprenez que nous ne pouvons pas vous parler. Il a vécu ici c’est vrai», avoue la maitresse des lieux. Elle n’en dira pas plus. Le voisinage nous soufflera que la famille du logeur de Makha Diop, rangée et sans problème, a été très affectée par la descente musclée des conducteurs de Jakarta qui étaient à la recherche d’El Capo. «Ils sont bien venus ici, l’air menaçant, mais quand ils ont compris que Makha Diop avait pris les devants, en quittant la maison, ils sont partis furieux. Fort heureusement, ils ne l’ont pas trouvé», explique Bah Ahmed Daffé, un ancien conducteur de Jakarta reconverti dans la coiffure. Il enchaîne : «Makha Diop a vécu ici dans ce quartier de l’Unité 1 des Parcelles Assainies. J’avoue qu’il était un solitaire, mais presque tout le monde le connaît ici, car il ne passe pas inaperçu avec ses dreadlocks et ses tatouages. Il était tout le temps, à bord du véhicule de police en train de patrouiller.»

«El Capo, nouvelle cible des Jakartamen»

Aujourd’hui, les rôles semblent désormais inversés. A preuve, ce témoignage fait par un conducteur de Jakarta qui a été blessé par ses collègues, qui le soupçonnent de collaborer avec le poste de police des Parcelles assainies. Rudoyé par ses collègues, il avait été sommé de leur livrer les contacts d’El Capo. Il a refusé d’obtempérer. C’est dire qu’El Capo que nous n’avons pu rencontrer hier (mercredi) est dans la mire des conducteurs de Jakarta. «Pas tous», précise un habitant qui est d’avis qu’El Capo gêne beaucoup. «Certains dealers qui utilisent le métier de Jakartaman comme couverture veulent saisir cette occasion pour le discréditer et l’obliger à mettre la pédale douce ou à quitter le poste de police des Parcelles Assainies», souffle-t-on.
L'Obs
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