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Armes turques en Afrique : Près de 4,5 milliards d’exportations

Lundi 16 Octobre 2023

Drones, hélicoptères d’attaque, blindés, engins de déminage… Quasi inexistante il y a encore vingt ans, l’industrie turque de l’armement est en plein essor. Et nombre de ses clients sont Africains.


Merci aux embargos qui nous ont contraints à construire notre propre complexe militaro-industriel, pourraient dire les Turcs, qui, en l’espace de vingt ans, sont devenus des fabricants et des vendeurs d’armes mondialement reconnus. Leur dépendance en matière de défense était de 80% en 2000. Elle n’est plus que de 20%. Régulièrement privée de certaines livraisons par ses propres alliés européens et américains à la suite de son intervention à Chypre (en 1974), et, plus récemment, au motif qu’elle s’en sert pour lutter contre les indépendantistes kurdes du PKK-PYD, la Turquie a décidé de compter sur ses propres forces à partir du début des années 2000.


En 2002, le secteur n’était représenté que par 56 entreprises nationales. Elles sont aujourd’hui plus de 1 500, et emploient 100 000 personnes. Selon le Sipri, le budget de la défense est passé de 5,4% du PIB en 2015 à 7,5% en 2020. Les crédits affectés à la recherche ont crû de manière spectaculaire, s’établissant à 1,5 milliard de dollars en 2019 (contre 50 millions en 2002). Quelque 800 projets sont en cours, parfois sous l’égide de l’organisme public Tübitak, et les partenariats se multiplient, par exemple avec le britannique BAE.


Portées par Aselsan, Baykar, Turkish Aerospace Industries (TAI), Havelsan ou encore Roketsan, les exportations, qui n’étaient que de 248 millions de dollars en 2002, ont atteint 4,4 milliards en 2022. Ankara vise le seuil de 6 milliards cette année et de 10 milliards à court terme.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan entouré (de g. à dr.) de ses homologues 
Rien ne semble arrêter cette progression, qui s’applique à toutes sortes de matériels : systèmes électroniques de surveillance, hélicoptères de combat, missiles, plateformes navales, engins de déminage, etc. Du côté des blindés, la société Nurol a vendu des Ejder Yalçin à la Tunisie, et la société Katmerciler, des Hizir à la Gambie, à l’Ouganda et au Kenya.

Des drones dans le ciel
Mais ce sont bien sûr les drones qui ont servi de locomotive. Leurs succès sur plusieurs théâtres d’opérations ont attiré de nombreux clients, en particulier africains, faisant de la Turquie le troisième exportateur mondial de ces appareils sans pilote, derrière la Chine et les États-Unis, dont les modèles sont plus chers et parfois plus difficiles à utiliser.

Qualifiés de « game changers » par Ben Wallace, l’ancien ministre britannique de la Défense, les drones turcs ont permis au Gouvernement d’unité nationale libyen de contrer l’offensive du maréchal Haftar, au Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, de damer le pion aux rebelles du Tigré, aux Azerbaïdjanais de vaincre les Arméniens, et aux Ukrainiens de mettre en difficulté les Russes.

TAI a ainsi vendu ses Aksungur à l’Algérie et ses Anka à la Tunisie ; STM ses Togan au Nigeria ; Baykar ses célèbres TB2 à 28 pays dans le monde, parmi lesquels le Maroc, Djibouti, le Togo, la Somalie, le Mali, le Burkina Faso et le Rwanda.

Succès dans le Sahel
Ankara réussit le tour de force de vendre à la fois aux Algériens et aux Marocains, ou encore de construire une usine de fabrication de drones sur le sol ukrainien tout en maintenant de bonnes relations avec Moscou. Accords de coopération militaire ou livraisons d’armes n’ont pas non plus souffert des changements de régime en Afrique subsaharienne.


En septembre 2021, le président Erdogan a proposé à Assimi Goïta de renforcer la coopération bilatérale, et des TB2 ont été livrés au Mali l’année suivante. Le Burkina Faso, qui, en 2021, a acheté des drones de déminage terrestres au turc Afsat, possède aussi des TB2. En avril dernier, on a vu Haluk Bayraktar, l’un des dirigeants de la firme Baykar, poser aux côtés d’Ibrahim Traoré, à Ouagadougou, après avoir reçu la médaille de l’Ordre de l’étalon officier, la plus haute distinction du pays. Le Niger, qui a signé un accord de coopération militaire avec la Turquie en 2020, s’est lui aussi doté de TB2. Comme le Tchad, il a reçu – ou s’apprête à recevoir – des avions d’entraînement Hürkus, fabriqués par TAI.

Base militaire en Somalie
En première ligne des promoteurs de cette industrie florissante, le président Erdogan, qui aborde le sujet avec ses pairs africains à chacun de ses déplacements et insiste sur l’expérience de son pays en matière de lutte antiterroriste. La communication est parfaitement maîtrisée : industriels regroupés au sein de la Sasad, presse nationale enthousiaste, organisation de salons. Plus de 1 500 compagnies et 200 délégations ont ainsi participé à la 16e édition de l’IDEF (Salon international de l’industrie de l’armement), en juillet.

La Turquie est par ailleurs active en matière de conseil et de formation. Elle possède une base militaire en Somalie, où elle entraîne le tiers de l’armée nationale, y compris des commandos d’élite. Enfin, nul doute que Hakan Fidan, le nouveau ministre des Affaires étrangères, qui a dirigé les services secrets turcs pendant treize ans, développera la coopération avec les capitales africaines dans le domaine du renseignement.

Jeune Afrique
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