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Justice : Sarkozy rattrapé par Kadhafi

Mercredi 21 Mars 2018

L’ex-chef de l’Etat a été placé en garde à vue mardi dans le cadre de l’enquête sur le présumé financement libyen de la campagne de 2007. Après cinq ans d’investigations, c’est la première fois que les magistrats l’entendent sur ce dossier.


C’est l’une des dernières interventions télévisées de Nicolas Sarkozy. Ce 17 novembre 2016, l’ex-chef d’Etat participe au troisième débat de la primaire de la droite et du centre. Alors que David Pujadas l’interroge sur les dernières accusations de l’intermédiaire Ziad Takieddine, qui a révélé, dans un entretien diffusé quelques jours plus tôt par Mediapart, lui avoir personnellement remis 1,5 million d’euros en cash début 2007, Sarkozy le coupe, l’air outré : «Vous n’avez pas honte ? s’étrangle-t-il. Vous n’avez pas honte de donner écho à un homme qui a fait de la prison, qui a été condamné à d’innombrables reprises pour diffamation et qui est un menteur ?» Défense classique pour celui qui a toujours démenti avoir reçu le moindre centime de Kadhafi.

Mais depuis, l’enquête sur le financement présumé de sa campagne de 2007 par le régime libyen s’est accélérée. Et après cinq ans d’investigations, les juges d’instruction Serge Tournaire, Aude Buresi et Clément Herbo semblent eux aussi considérer que les propos de l’ancien intermédiaire, en dépit de ses versions successives, ne sont pas forcément si farfelus. Comme l’ont révélé Mediapart et le Monde, Nicolas Sarkozy a été placé mardi matin en garde à vue dans les locaux de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, à Nanterre. Sa concurrente en 2007, Ségolène Royal, a réagi mardi soir sur Twitter : «Malgré des conditions difficiles, la justice avance. Ma pensée va aux millions de citoyens qui ont le droit de savoir si le match était à armes égales...»

Enquête tentaculaire
Déjà renvoyé en correctionnelle pour «financement illégal de campagne» dans l’affaire Bygmalion et mis en examen pour «corruption», «trafic d’influence» et «recel de violation du secret professionnel» dans le dossier «Bismuth», l’ancien chef de l’Etat n’avait encore jamais été entendu dans le dossier libyen. A l’issue d’une garde à vue susceptible de durer quarante-huit heures, il pourrait être présenté aux juges en vue d’une mise en examen. Son ancien ministre et ami Brice Hortefeux a été entendu de son côté en audition libre par la police - car protégé ponctuellement par son immunité de député européen. L’enquête, tentaculaire, vise des faits de «corruption active et passive», «trafic d’influence», «détournement de fonds publics», «abus de biens sociaux», «faux et usage de faux», «blanchiment de fraude fiscale» et recel. A défaut d’avoir identifié formellement un versement en provenance de Libye, les enquêteurs ont mis en lumière des flux de cash en marge de la campagne de 2007. «De nouvelles qualifications pourraient être retenues au regard des circulations d’espèces et de charges non intégrées dans les comptes de campagne de la présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy», soulignent-ils dans un rapport de septembre 2017 consulté par Libération. Selon l’AFP, l’enquête libyenne a été élargie depuis à des soupçons de «financement illégal de campagne électorale» (lire pages 4 et 5).

Colère noire
L’affaire principale se noue en avril 2012, lorsque Mediapart révèle l’existence d’une note secrète, datée de décembre 2006 et signée par le chef des services secrets extérieurs libyens, Moussa Koussa, qui acte un accord de principe pour le déblocage de 50 millions d’euros destinés à la campagne de Sarkozy. La publication de ce document, entre les deux tours de la campagne présidentielle, provoque une colère noire du président candidat, qui dénonce aussitôt un «faux grossier» et attaque le site en justice. Mais la note n’est pas le seul indice d’un possible financement libyen. Depuis déjà plusieurs mois, le site d’information documente le rôle du marchand d’armes franco-libanais Ziad Takieddine dans les négociations troubles entre Paris et Tripoli, sur fond de contrats mirifiques et de commissions occultes. Entendu en décembre 2012 par les juges dans un autre dossier, Takieddine revendique avoir joué un rôle clé dans le rapprochement entre les deux pays avec l’aide de Claude Guéant, mis en examen en mars 2015 dans le dossier (lire page 3).

Pendant des années, l’intermédiaire multipliera les déclarations tonitruantes, jusqu’à s’auto-incriminer, en novembre 2016, en affirmant avoir transporté lui-même 5 millions d’euros en liquide de Tripoli à Paris entre fin 2006 et début 2007, avant de les remettre en mains propres à Claude Guéant puis directement à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Mis en examen depuis pour «complicité de corruption d’agent public étranger» et pour «complicité de détournements de fonds publics en Libye», l’intermédiaire a largement contribué à étoffer le dossier. Mais il n’est pas le seul. Les magistrats disposent aujourd’hui de nombreux témoignages accréditant les soupçons d’un financement libyen.

Nouveaux témoignages
Selon l’Obs, le placement en garde à vue de l’ancien chef de l’Etat ferait suite aux dernières auditions par la justice française de plusieurs dignitaires libyens, dont Abdallah Senoussi, ex-directeur du renseignement militaire libyen. Déjà entendu en septembre 2012 dans le cadre de poursuites de la Cour pénale internationale, Senoussi avait indiqué avoir «personnellement supervisé» le transfert d’argent. «La somme de 5 millions d’euros a été versée pour la campagne du président français Nicolas Sarkozy en 2006-2007, a-t-il déclaré devant la cour. Je confirme que cette somme a bien été réceptionnée par Sarkozy.»

Les magistrats disposent aussi des carnets de l’ancien ministre libyen du Pétrole Choukri Ghanem, retrouvé mort en 2012 dans le Danube, qui mentionnent ces transferts d’argent. A la page du 29 avril 2007, Ghanem évoque ainsi le versement de 6,5 millions d’euros destinés à Nicolas Sarkozy. Outre ces témoignages, la justice française peut en outre s’appuyer sur une multitude d’écoutes téléphoniques et de nombreux documents, dont ceux saisis lors d’une perquisition menée en 2015 au domicile suisse d’un autre intermédiaire sulfureux, Alexandre Djouhri. Actuellement en détention à Londres dans l’attente de son extradition, cet ancien caïd de Sarcelles devenu pièce maîtresse de la sarkozie pourrait finir par passer à table à son tour. Les juges s’interrogent en particulier sur la revente au prix fort d’une villa lui appartenant à Mougins, dans les Alpes-Maritimes, au fonds libyen dirigé par Béchir Saleh, le grand argentier de Kadhafi, récemment blessé par balle lors d’une agression à Johannesburg. Dans un entretien accordé au Monde en septembre 2017, ce dernier semblait avoir choisi son camp : «Kadhafi a dit qu’il avait financé Sarkozy. Sarkozy a dit qu’il n’avait pas été financé. Je crois davantage Kadhafi que Sarkozy.»

Source: Liberation.fr
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