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RDC-Rwanda : le casse-tête de Félix Tshisekedi

Mercredi 20 Juillet 2022

À l’heure où une force régionale doit être déployée pour combattre les groupes armés dans l’est du pays, les Congolais suspectent le Rwanda et l’Ouganda de jouer double jeu.


Le temps des sourires et des franches accolades semblent bien loin. Le 6 juillet, à Luanda, en Angola, Félix Tshisekedi et Paul Kagame se sont à peine regardés dans les yeux. Droits comme des piquets, visages fermés, les deux chefs d’État ont bien été obligés de se prêter au jeu de la photo, mais leur attitude en dit long sur l’ambiance qui a régné sur ce sommet organisé par le président angolais João Lourenço.

Depuis des mois, Félix Tshisekedi accuse son homologue rwandais de soutenir les rebelles du M23, qui multiplient les affrontements avec l’armée congolaise depuis novembre 2021. Dans une interview publiée la veille du sommet de Luanda, le chef de l’État congolais a même affirmé ne pas exclure une guerre avec son voisin. Paul Kagame nie et dénonce de son côté une coopération entre cette même armée congolaise et le groupe armé des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Scepticisme
Désigné médiateur en sa qualité de président de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), João Lourenço s’affairait depuis plusieurs semaines à ramener ses deux homologues autour de la même table. Le résultat aura finalement été mitigé, comme en témoigne l’absence de communiqué final.


Une feuille de route, qui prévoit, entre autres, la mise en place d’une commission ad hoc, un cessez-le-feu et un retrait du M23 – qui a notamment pris le contrôle de la ville de Bunagana, dans le Nord-Kivu, non loin de la frontière avec l’Ouganda –, a tout de même été conclue. Elle a cependant, elle aussi, immédiatement suscité le scepticisme des différentes délégations.

« L’Angola n’a pas cherché à harmoniser les positions rwandaises et congolaises car, à ce stade, c’est quasiment inenvisageable. Lourenço a d’abord essayé de séquencer les problèmes en proposant qu’on s’attelle à la question du M23, puis des FDLR », explique un diplomate qui suit ce dossier. « Le chemin sera long », reconnaît un proche de Tshisekedi, pour qui « aucun progrès ne sera possible tant que le Rwanda ne reconnaîtra pas son implication ».

Des rebelles « pas concernés »
Le scepticisme des participants a été rapidement justifié par la reprise, dès le lendemain du sommet, des combats entre l’armée congolaise et les rebelles, qui réclament un dialogue direct avec Kinshasa et ne se disent « pas concernés » par la feuille de route conclue à Luanda. Plus que jamais, le Rwanda et la RD Congo paraissent dans l’impasse. « Ce n’est pas de la naïveté que de vouloir négocier. Mais sont-ils sincères ? » interrogeait dans la foulée du sommet le ministre congolais de la Communication, Patrick Muyaya, avant que le chef de la diplomatie rwandaise, Vincent Biruta, ne mette en garde contre la « désinformation et le populisme, [qui] sabotent l’objectif de paix en RDC ».


Loin d’avoir dissipé le malaise, cette tentative de médiation intervient alors que Félix Tshisekedi souhaite accélérer la mise en place d’une force régionale dans l’est de la RD Congo. En gestation depuis l’adhésion de cette dernière à la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) à la fin de mars et remis sur la table lors du dernier sommet des chefs d’État de la sous-région, le 20 juin, ce projet doit en principe voir le jour en août. Mais son format suscite encore des débats. Surtout, le président congolais s’est opposé à ce que le Rwanda participe à ces opérations conjointes, en raison de son soutien présumé au M23.

S’il a, sur ce point, obtenu gain de cause, l’hypothèse d’une arrivée d’armées voisines n’en reste pas moins un pari risqué pour Tshisekedi, lequel doit composer avec le scepticisme d’une partie de son administration.

Deuxième front
Ces dernières semaines, outre le soutien présumé du Rwanda au M23, c’est l’attitude de l’Ouganda qui a alimenté les suspicions de l’entourage du chef de l’État congolais. Le 15 juin, le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, a ainsi annoncé le gel du processus de ratification des accords économiques conclus entre le gouvernement et l’Ouganda. La raison ? Des soupçons d’alliance entre Kigali et Kampala après la chute de Bunagana, un carrefour commercial stratégique. Félix Tshisekedi s’est jusqu’à présent abstenu de tenir des propos similaires. « Nous ne pouvons pas ouvrir un autre front avec l’Ouganda alors que la situation est déjà difficile avec le Rwanda », estime l’un de ses conseillers.

Les opérations conjointes lancées à la fin de novembre 2021 avec l’armée ougandaise pour combattre les Forces démocratiques alliées (ADF) sont notamment l’une des raisons de cette prudence, leur bilan étant pour le moment incertain. Si le porte-parole des Forces armées de RDC (FARDC) affirmait, le 27 mars dernier, que toutes les places fortes des terroristes avaient été détruites, l’impact réel de cette mission reste difficile à mesurer, puisqu’aucune analyse indépendante n’a été conduite sur le terrain et, surtout, que les massacres attribués au groupe des ADF n’ont pas semblé diminuer. Selon un récent rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), cette opération a surtout permis de protéger les projets économiques de l’Ouganda dans la région, à commencer par les gisements de pétrole et les infrastructures autour du lac Albert, ainsi que les tronçons routiers que Kampala a prévu de réhabiliter.


Ce bilan mitigé est à mettre en balance avec le coût géopolitique du lancement de cette offensive conjointe. Négociée dans la plus grande discrétion, cette dernière a été ouvertement critiquée par le Rwanda, qui s’est estimé injustement tenu à l’écart de telles discussions. Elle a en outre été interprétée comme l’un des facteurs susceptibles d’avoir conduit à un regain d’activité du M23, lequel a intensifié ses attaques à partir du début du mois de novembre. Le Burundi et le Rwanda sont par ailleurs régulièrement accusés de mener des incursions militaires sur le territoire congolais.

Dans ces conditions, la perspective du lancement d’une force conjointe impliquant des armées « régulièrement accusées » de contribuer à l’insécurité dans l’Est, suscitent de nombreuses questions. Le format décidé, celui d’une coalition où chaque armée aurait son périmètre d’action, fait craindre que cette force régionale ne serve qu’à régler des problèmes sécuritaires nationaux pour les voisins impliqués. Par ailleurs le degré d’investissement des différents participants semble variable. La Tanzanie n’a pas encore précisé si elle comptait envoyer des soldats.

Pour Félix Tshisekedi, cette force régionale doit notamment permettre, à un an et demi des élections générales, d’obtenir des résultats, tandis que les différentes stratégies instaurées jusqu’à présent – qu’il s’agisse de l’état de siège ou de l’opération Shujaa (« héros, champion », en swahili) engagée avec l’Ouganda pour combattre les ADF – n’ont pas produit les effets escomptés.
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