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Bateaux-taxis : Près de 3 milliards jetés à l’eau !

Samedi 14 Décembre 2019

Un projet à 2,8 milliards de francs Cfa, 4 bateaux réceptionnés en grande pompe en 2008. Depuis, plus rien… Plus de 11 ans après, le projet des bateaux taxis pour la liaison maritime Dakar-Rufisque-Saly est à l’eau. Un programme phare du régime du Président Abdoulaye Wade où il était question de décongestionner Dakar. Jusqu’ici, les responsabilités de cet échec n’ont jamais été situées. Nous retraçons les péripéties de ce fiasco.


Bateaux-taxis : Près de 3 milliards jetés à l’eau !


«Les éléphants blancs sont devenus bleus.» En octobre 2008, le ministre de la Pêche et de l’économie maritime était euphorique au moment de réceptionner les 5 bateaux taxis pour assurer la liaison maritime Dakar-Rufisque. 11 ans plus tard, ce projet qui devait décongestionner Dakar par la mer est rangé aux oubliettes. Les bateaux n’ont jamais été utilisés. Malgré les 2,8 milliards de francs Cfa dépensés.


Aujourd’hui, le sujet est devenu épineux à la fois pour l’ancien régime et l’actuel. On l’évite au maximum. Le Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec) qui avait en charge le projet se réjouit presque de s’être débarrassé des 5 embarcations qu’il a financées sur fonds propres. «Le vieux dossier hérité de l’ancien régime avec les fameux bateaux acquis n’était pas adapté au transport de mer. Ces bateaux ont été finalement cédés aux communes de Saint-Louis et de Foundiougne qui en ont pris possession», renseigne Mamadou Ndione, directeur général du Cosec.


Au vu des déclarations, on croirait que les bateaux sont en circulation. Que nenni ! Ils se sont érodés au fil des années sous les assauts de la brise marine du Port autonome de Dakar. Aujourd’hui, deux sont cédés à Saint-Louis et 2 autres à Foundiougne. Contacté, le maire de Saint-Louis, par ailleurs ministre du Développement communautaire et de l’équité territoriale, demande qu’un questionnaire lui soit soumis. Ce que nous avons fait volontiers. Mais au dernier moment, Mansour Faye nous renvoie au secrétaire général de la mairie de Saint-Louis. Ce dernier, parlant du caractère «sensible» du dossier, demande d’avoir l’autorisation du maire au préalable. Selon lui, ses appels et sms envoyés au maire n’ont jamais connu de réponse.

Les 5 bateaux accostés à Dakar,Saint-Louis et Foundiougne
En réalité, les bateaux ont été acquis, mais n’ont pas jamais navigué sur le fleuve. «Lorsqu’en tant que député j’ai pu observer les résultats après l’achat des bateaux taxis par le Sénégal et qui se sont avérés inutilisables par l’axe Dakar-Rufisque, je me suis rendu compte qu’ils étaient faits pour le plan d’eau de Saint-Louis. J’ai pris la responsabilité d’écrire au Président de l’époque Me Abdoulaye Wade. Dans son élégance légendaire, il m’avait répondu favorablement en m’octroyant deux bateaux taxis alors que nous étions de l’opposition. Entre-temps, il y a eu une alternance et je suis entré dans le gouvernement et, Dieu m’est témoin, je n’ai pas eu toutes les difficultés pour que les bateaux soient donnés à Saint-Louis au nom du principe de la continuité de l’Etat», déclare l’opposant Cheikh Bamba Dièye, maire de Saint-Louis de 2009 à 2014. Finalement, les deux bateaux ont bien quitté Dakar pour Saint-Louis, mais n’ont jamais circulé dans les eaux du fleuve. Et l’actuelle mairie rechigne à communiquer sur le sujet.


La commune de Foundiougne n’est pas aussi peu prolixe sur la question après la réception de 2 bateaux taxis en avril dernier. Joint par téléphone, le maire Babacar Diamé confirme l’arrivée des embarcations en avril dernier. «Non, les bateaux ne sont pas encore en circulation. On attend de faire quelques études. Ils sont à la disposition de la mairie», sert-il laconiquement. Baptisés Yalla, Géllowar, Malaaw et Méla, les 4 bateaux taxis font chacun 57 places et ne devaient pas rouler quand il y a 1,5 mètre de houle ni s’éloigner de 5 km les côtes. Le 5ème, Mame Coumba Lamb, assure la navette Dakar-Gorée. Au début de ce projet cher au gouvernement, c’est un comité qui a été mis en place. Dans le comité qui a validé les termes de référence du projet siégeaient 2 représentants du Port autonome de Dakar avec un commandant conducteur de bateau et un ingénieur mécanicien naval. La Marine marchande, devenue Agence nationale des affaires maritimes (Anam), était représentée par deux membres. Le Cosec était représenté par deux personnes, un conseiller technique du directeur général et un expert maritime.


Sous la houlette du directeur général Amadou Kane Diallo et du président du Conseil d’administration Ahmet Fall Braya, le Cosec pilote le projet sous la supervision de la crème du domaine maritime. Les travaux de construction devaient se dérouler à Peniche, une ville portugaise située une trentaine de km de Lisbonne. Lancé en 2006, le projet de liaison maritime Dakar-Rufisque entre dans une nouvelle phase avec la réception des bateaux. La Marine marchande délivre le certificat de navigabilité. Le ministre de la Pêche de l’époque, Souleymane Ndéné Ndiaye, fait même le voyage Dakar-Gorée avec l’un des bateaux. C’est finalement un bulletin de la météo commandité par le Président Wade qui indique qu’ils «ne sont pas adaptés à a mer».

Mame Coumba Lamb à l’arrêt
Le bulletin de l’Anacim auquel Le Quotidien a eu accès renseigne qu’il y a «une houle supérieure à 1,5 m durant 20 jours dans l’année à Rufisque et 3 mois de houle supérieure à 1,5 m à Dakar pendant 90 jours». 6 ans après le naufrage du bateau le Joola et ses 2 000 morts environ, le régime libéral ne pouvait se permettre de prendre des risques. Finalement, une réunion s’est tenue à la Présidence entre le Président Abdoulaye Wade, le commandant Seydou Diallo, directeur du Cosama, qui gérait les bateaux, Amadou Kane Diallo, directeur général du Cosec, et le Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye. Finalement, Wade abandonne le projet qui a eu la certification de Véritas international, organisme de validation de la navigation maritime. Le Président Wade qui n’a jamais visité les bateaux n’en revenait pas. En juin 2010, il actionne l’Inspection générale d’Etat (Ige) sur la gestion du directeur général du Cosec. Limogé en juin 2010, Amadou Kane Diallo est arrêté et emprisonné en 2012 pour «détournements de deniers publics, corruption passive, faux et usage de faux en écriture publique authentique». Au moment de l’interpellation, il était accompagné de Abdou Kane Gaye, ex-directeur administratif et financier, de l’ancien Pca Ahmet Fall Braya qui avait payé une caution ainsi que de la comptable Fatou Mbaye Diallo. Ces trois ex-collaborateurs du Dg ont été tous relâchés par la suite. Ils vont tous bénéficier d’un non-lieu en juillet 2018.
Dans le projet de liaison maritime Dakar-Rufisque figure la construction d’une gare maritime dans la vieille ville. Mais les choses non plus ne se passent pas comme tel. Prévue pour des bateaux taxis, la gare sera réfectionnée par le régime de Macky Sall qui décide de relancer le projet. Le bateau Mame Coumba Lamb voit le jour pour un coût d’1 milliard 746 millions de francs Cfa. Il fallait réadapter la gare au bateau avec sa capacité de 200 places. Les lenteurs et la volonté politique vont faire défaut. «Comme le ponton de Rufisque a été construit pour les bateaux taxis avec un tyran d’eau de 0,6 mètre et que le bateau Mame Coumba Lamb a un tyran d’eau d’1m 46, il fallait donc adapter. C’est dans ce cadre qu’un appel d’offres a été fait et l’entreprise pour réaliser le ponton», explique Demba Faye, économiste, qui a occupé de nombreuses directions techniques au Cosec de 1999 à 2017.


Lancés en 2017, les travaux du ponton ne devaient durer que 4 mois. Réceptionné il y a quelques mois, il ne reçoit pas encore de passagers. Si le Cosec dit que le bateau Mame Coumba Lamb est prêté à la commune de Goréé pour assurer la desserte entre Dakar et l’île mémoire, une vérification a permis de savoir que le bateau a servi à un moment donné au transport vers l’île de Gorée suite à l’arrêt de l’une des chaloupes, à savoir Beer. Sinon, Mame Coumba Lamb est immobilisé au Port de Dakar, alors que le Cosec envisage d’acheter un autre bateau pour relancer le projet. Les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets.

Le Quotidien 
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