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Senghor, Diouf, Me Wade, Macky : QUATRE HOMMES, UN ETAT (Par Henriette Niang Kandé)

Samedi 20 Avril 2024

Le 4 avril dernier, après que le Sénégal a célébré le 64ème anniversaire de son accession à la souveraineté nationale et internationale, dans une sobriété marquée par la prise de pouvoir du nouveau Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, Sud quotidien revisite les magistères de ses quatre prédécesseurs.



Sous ces différents régimes, la contestation a été permanente du fait de l’hyperprésidentialisme. 
Si l’ère senghorienne reste dominée par les doutes d’une Nation naissante, elle demeure hésitante à rompre les amarres avec l’ancien colonisateur, la France.
 Sous le magistère de son successeur Abdou Diouf, la situation sera plus contrastée. Promu à la tête de l’Etat grâce à l’article 35, il avait une marge de deux ans pour mener à terme le dernier mandat de son mentor, Léopold Sédar Senghor.


 En 2000, en dépit de l’avènement de la première alternance démocratique et la grande ferveur qui a accompagné l’accession de Abdoulaye Wade à la magistrature suprême, la nature présidentialiste de l’Etat sous Senghor et Diouf ne sera substantiellement pas remise en cause.  Avec Macky Sall, président élu en 2012, consacrant ainsi, la deuxième alternance démocratique, la situation va perdurer. Il rendra les clés de la République, deux mandats plus tard, dans le contexte d’un Sénégal divisé entre Républicains et Patriotes. 


Dans ce premier jet du dossier « Quatre hommes, un Etat », Henriette Niang Kandé revient à grands traits sur le régime de Léopold Sédar Senghor, premier président de la République.Toujours est-il que tout au long de son histoire, le pays a montré que quand il s’agace, tout comme lorsqu’ il s’ennuie, le Sénégal devient volontiers imprévisible.

Léopold Sédar Senghor : Le père du présidentialisme


Léopold Sédar Senghor ou une gouvernance politique où la pratique présidentialiste du pouvoir n’a cessé de s’imposer, de rentrer dans les usages et de devenir une habitude. Tout au long de la vingtaine d’années passée à la tête de l’Etat, le premier président du Sénégal s’est évertué avec « organisation et méthode » à matérialiser sa conception du pouvoir, via une reproduction du modèle constitutionnel français, doublée de la prépondérance du chef de l’Etat.
Ce présidentialisme poussé, au point de personnaliser le parti, le groupe parlementaire, les affaires de l’Etat.



 Tout se passait au Palais de la République. Cette forme de gouvernance politique s’accentuera au cours de l’histoire politique du Sénégal post-indépendant malgré l’avènement du multipartisme encadré.
Plus d’une vingtaine d’années après l’enterrement à Dakar du premier président de la République et plus de quarante ans après l’annonce de sa démission, le dernier jour de l’an 1980, voilà que Léopold Sédar Senghor, qui avait déjà huit ans lorsqu’éclatait la Première Guerre Mondiale, n’est plus un référent.
 La vente aux enchères de ses biens à Verson où il a vécu pendant vingt ans, jusqu’à sa mort en 2001 (suspendue in extremis pour permettre des négociations directes avec le Sénégal  qui souhaite les acquérir, subitement réveillé d’une inertie coupable) et l’appel à sécuriser sa bibliothèque par l’Etat en sont une parfaite illustration. S’il est une ombre, une énigme pour la génération des jeunes Sénégalais, il est encore moins une référence dans l’histoire politique officielle, lui, le concepteur de la théorie du « socialisme africain ».
 
Aux grandes heures de son histoire, et de la nôtre, il a su maitriser son « timing ».
C’est en s’opposant à lui et à l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS) devenue plus tard Parti Socialiste (PS), qu’un grand nombre de concitoyens ont fait clandestinement, leurs premiers pas en politique – même si la dissension était tolérée - jusqu’en mai 1974, date à laquelle Senghor instaure le multipartisme limité à quatre courants. Ils accusaient le chef de l’Etat d’alors d’être « le valet de l’impérialisme français » et n’hésitaient pas à lui rappeler, chaque fois qu’ils en avaient l’occasion, qu’il avait servi la France, appelé par Georges Pompidou, son condisciple au lycée Louis-Le- Grand.
 
Ils ne s’arrêtaient pas là, dénonçant « l’idéologie de la Négritude servante de la Francophonie » (titre d’un ouvrage de Pathé Diagne), dont Senghor fut, avec Hamani Diori du Niger et Habib Bourguiba de Tunisie, l’un des promoteurs.
Au passage, ses opposants se gaussaient du « rebelle » dont il se qualifiait lui-même dans ses poésies des années 30, qui promettait de « déchirer le rire Banania sur tous les murs de France », fort distinct de celui qui finira parmi les Immortels du Quai Conti, à l’Académie Française.
 
Entre ces deux bornes temporelles, il dit une prière : « Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par des sentiers obliques (Hosties noires- Prières de paix- 1948), dénonçant le contraste entre la France idéale des arts, de la philosophie, et de la littérature (la voie droite) et la France historique de la brutalité coloniale, du racisme et de la xénophobie (les sentiers obliques).   
N’y a-t-il pas un sens du drame dans la poésie ?


Ce que Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice sous François Mitterrand a dit avec d’autres mots lors d’une conférence : « Lorsque la France se targue d’être la patrie des Droits de l’Homme, c’est une figure de style. Elle est la patrie de la Déclaration des Droits de l’Homme ».
 
La personnalité du francophile Senghor qui n’a pas su rompre les amarres avec l’ancienne puissance coloniale est sans doute pour quelque chose dans cet attrait qui se traduit en 1960, sur le plan institutionnel, par une reproduction du modèle constitutionnel français.Il faut aussi, à la vérité de dire que tous les Etats de l’empire français qui venaient d’être indépendants, ont eu du mal à se départir du modèle d’organisation légué par le colon.
 
Le problème constitutionnel de Senghor fut celui de l’aménagement du pouvoir au sommet de l’Etat. Très vite, l’exercice du pouvoir révèle la difficulté d’avoir un Exécutif à deux têtes avec un Président de la République et un Président du Conseil, c’est-à-dire l’équivalent d’un chef de gouvernement, comme la France en a connu lors des 3ème et 4ème Républiques.
 
La crise de décembre 1962 achève de prouver la difficulté d’avoir un tel binôme, du point de vue de leurs personnalités respectives.Dans la Constitution de 1959, (tout part de là), le Président de la République n’exerce qu’une magistrature d’influence et laisse le président du Conseil administrer et diriger le Conseil des ministres et définir la politique de la République du Sénégal.
 
Il s’agit là, d’un modèle inspiré de la France dont le président, avant la venue du Général Charles de Gaulle et la naissance de la Vème République, détient un pouvoir très limité.
La formule consacrée a été prononcée par de Gaulle lui-même : « Qui n’a jamais cru, que le Général de Gaulle ayant été appelé à la barre, devrait se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes »
 
La Constitution de 1963 dérive directement de la crise de décembre 1962. Senghor sort « victorieux » du conflit qui l’oppose au président du Conseil, Mamadou Dia.
 
 
Elle traduit en termes constitutionnels, la nouvelle prépondérance du chef de l’Etat. Le poste de Président du Conseil est supprimé, les ministres et secrétaires d’Etat rendent compte directement au président de la République qui peut les démettre. Mieux, ils ne sont responsables que devant lui et non devant l’Assemblée nationale.
 
Le Sénégal rompt ainsi donc avec sa tradition parlementaire.
 Au-delà du nouveau montage constitutionnel, c’est la conception senghorienne du pouvoir politique qui se trouve mise en exergue. Celui-ci, au moins, ne se partage plus. Il est désormais nécessaire que dans l’Etat, le pouvoir soit clairement identifié. La bonne marche de l’Etat requiert que soit effacé tout schéma de type dyarchique. Celui qui plaçait la culture au-dessus de toute forme d’activité, se dévoile alors en Senghor politique. « Le politique », c’est-à-dire l’adepte de la realpolitik, l’homme averti des rapports de force et sachant jouer de ceux-ci ». La prépondérance du chef de l’Etat est confirmée par la première révision de la Constitution de 1963.
 
Présidentialisme
Par la loi constitutionnelle du 20 juin 1967, le président de la République se voit reconnaître le droit de dissoudre l’Assemblée nationale, alors que le type de régime adopté selon la Constitution de 1963, n’admet pas une telle prérogative.
C’est ainsi que démarre le présidentialisme qui s’est accentué au cours de l’histoire politique du Sénégal. Depuis lors, nous n’avons cessé de nous habituer à une croissante anormalité : la prépondérance croissante de l’institution présidentielle sur l’institution parlementaire.   
 
En effet, le droit de dissolution est en principe la contrepartie du droit, pour les députés, de renverser le gouvernement.
La troisième révision de la Constitution, celle du 2 février 1967, traduit encore l’obsession senghorienne de l’aménagement du pouvoir au sommet de l’Etat.


On a peine à croire que les députés sont les premiers élus de la Nation, chargés de faire la loi et de contrôler son exécution, d’élaborer et de voter les règles et objectifs que le pays se fixe, tout en surveillant leur mise en œuvre par le gouvernement.
Senghor aimait plus que tout, les tournées économiques et en profitait pour procéder à des remises de dettes en faveur des paysans, à qui il avait promis d’acheter leur production d’arachide à «barigo junni» (5000 francs la tonne).
Mais après que les paysans refusent de s’acquitter de leur impôt suite à une période de sécheresse et face aux abus de l’Oncad, (organisme d’encadrement rural), il n’hésite pas à les faire saupoudrer de pesticides.  
On peut inscrire à son tableau le fait de tout vouloir faire encadrer par l’Etat qu’il voulait pionnier et promoteur d’une politique agricole dont il n’a pu empêcher le naufrage.

En 1968, la situation se dégrade dans le monde rural, suite à une série de périodes de sécheresse, la chute du prix des matières premières, la stagnation des surfaces cultivées. La production agricole fortement perturbée se répercute sur les conditions de vie paysanne. La migration vers les centres urbains commence. Le phénomène est qualifié d’exode rural.
Entre 1968 et 1974, le Sénégal bouillonne de revendications et de contestations de toutes sortes.


Les grèves des employés de banques, de la Poste, de l’ONCAD, ponctuent la vie politique et syndicale.Senghor réorganise l’Etat tout en élaborant une règlementation destinée à freiner le mouvement revendicatif à l’Université.
La foudre s’abat sur des étudiants grévistes : «la quinzaine d’étudiants qui, violant la loi, pris en flagrant délit de s’opposer à la liberté des cours, ont été déférés à la justice. On leur fera faire leur service militaire. Ils rejoindront ainsi, parmi d’autres, deux anciens élèves de l’Ecole de santé militaire qui avaient fait la grève.
D’autres étudiants, moins coupables, mais coupables tout de même de s’opposer à la liberté des cours, seront exclus des établissements d’enseignement supérieur et d’abord de l’Université. Des élèves des enseignements moyen et secondaire convaincus des mêmes fautes, subiront le même sort que ces étudiants. Ils seront renvoyés des écoles publiques : collèges et  lycées ».


 Quelques autres sont mis en résidence surveillée par un éloignement du centre du mouvement revendicatif. Pour ce faire, ils sont envoyés dans des environnements climatiques sévères.
Le poète n’a pas hésité à opérer le bannissement d’adolescents ou de jeunes adultes pétris d’idéaux, rendus cauchemardesques par une répression du mouvement social en 1968 et 1969, puis en 1971 et 1973.
A l’Université de Dakar, le déni de promotion était une arme privilégiée. Sans parler des bourses refusées, des thèses rejetées et des mentions niées, à tout le moins, délibérément ignorées. L’emprisonnement systématique a été appliqué aux hommes politiques : Mamadou Dia et ses compagnons, des cadres du Parti Africain de l’Indépendance….


De Senghor, l’histoire politique n’effacera pas le peloton d’exécution pour Abdou Ndaffé Faye, accusé d’avoir tué le député Demba Diop et Moustapha Lo, qui avait été incriminé de tentative d’assassinat sur la personne du président de la République. Justice sévère, comme il en a été convenu dans le discours officiel pour justifier le verdict de 1962 contre Mamadou Dia et ses compagnons.
Cependant, il faut mettre à son crédit, dans son comportement, cette fixation sur l’ «organisation et la méthode » sans qui, rien de grand ne se réalise.
C’est ainsi qu’il fit adopter la loi sur le Domaine national (1964) et le Code de la Famille (1972).


Ce code, (qui pourrait faire l’objet d’un dossier spécial), avait vu ses travaux lancés dès 1961 avec la création d’une Commission de «Codification du droit des personnes et du droit des obligations». L’exploitation des questionnaires avait recensé 79 coutumes et autant de droits. En 1965, un comité des «options», composé de 32 membres est créé pour inventorier les informations récoltées et ses conclusions ont permis de nourrir les réflexions du «Comité de rédaction du Code de la Famille» désigné par arrêté en juillet 1966.
Après examen de la Cour suprême (juillet 1967), le projet a été soumis et adopté par l’Assemblée nationale en mai 1972.
Derrière l’apparence des discours et des réformes, la pratique présidentialiste du pouvoir n’a cessé de s’imposer, de rentrer dans les usages et de devenir une habitude.Du passage de Senghor, il est juste de noter son œuvre (qu’on oublie bien trop souvent), en faveur de la promotion des langues nationales, en permettant la codification et l’enseignement de six d’entre elles (wolof, sereer, pulaar, joola, manding et soninké), bien que leur intégration dans le système éducatif scolaire n’a pas été effective.L’agrégé de grammaire française qu’il était n’a pas hésité à utiliser l’orthographe wolof, pour régler ses divergences politiques avec ses opposants, avec «organisation et méthode».  C’est ainsi qu’il contraint Cheikh Anta Diop à changer le titre du journal de son parti, le Rassemblement National Démocratique, «Siggi» (relever la tête) parce qu’il trouvait dans l’orthographe, un «g» de trop.


 Le journal prit alors le titre de «Taxaw» (debout) qui avait fait l’objet, dans la chute bien à propos d’un éditorial de l’époque : «Ñulaay tere siggi nga taxaw nak faf» (On t’interdit de lever la tête et tu te relèves). Il en a été de même avec le cinéaste Ousmane Sembène, très critique de la bourgeoisie compradore et bureaucratique qui n’a pu projeter son film «Ceddo», qu’une fois Senghor parti vivre en Normandie. Le motif est que ce dernier lui voulait faire immoler un «d», que Sembène refusa.


De ce catholique si cher au second khalife des Mourides, Serigne Mouhamadou Falilou Mbacké et à Seydou Nourou Tall, il est juste de retenir l’ouverture pluraliste, cette particularité longtemps sénégalaise, en un temps où le monopartisme était la règle sur la quasi-totalité du continent africain.
 Il autorise Abdoulaye Wade, l’ancien militant de l’UPS, après un dîner à Mogadiscio, en marge d’un sommet de la défunte Organisation de l’Unité Africaine (OUA), à créer le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) comme parti dit, de «contribution», non sans l’affubler du sobriquet - «N’Diombor le lièvre» - qui, pendant longtemps, fit prendre pour un tacticien habile, et même redoutable, celui qui allait incarner la première alternance politique du Sénégal en 2000. 
Il a été également le premier président d’une République de l’Afrique de l’Ouest à avoir fait élire une femme, madame Caroline Diop, député et ministre d’un gouvernement.
 
Quid de ses rapports avec la presse ?
«Profitant» de cette période où les partis politiques étaient interdits, ce qui ne les empêchaient nullement de publier clandestinement et que les libertés étaient particulièrement surveillées, seuls «Promotion» et «le Politicien» (premier hebdomadaire satirique africain), incarnaient la presse indépendante de l’époque, dont il n’a pas hésité à envoyer leurs  promoteurs en prison, à un moment ou à un autre. 
Si la presse étrangère a eu ses faveurs, Senghor ne s’adressait à ses compatriotes qu’à travers des allocutions radiophoniques d’abord, puis télévisées plus tard quand la télévision est entrée dans les ménages.
En 1979, le Code de la Presse est adopté, véritable corset couplé avec des dispositions du code pénal.
 
Déconcentration
 
Fatigué d’être le centre de la vie politique, lassé d’une prépondérance qui pourrait très vite « dévaloriser » la fonction présidentielle en la « banalisant », car le Président est bien obligé de se mêler de tout, Senghor rétablit le poste de Premier ministre, en 1970.
Mais la fonction n’a plus rien à voir avec celle du Président du Conseil de 1962. 
Le Premier ministre est sous la dépendance étroite du Président de la République, lequel détermine la politique de la Nation et peut, quand il veut, le révoquer. 
C’est ce que l’on a appelé, l’ère des « Premiers ministres de la déconcentration ».
La création de la fonction ne doit pas, non plus, faire illusion.
Il n’y a aucune volonté de changer la substance du régime, il n’est pas question de retourner au régime parlementaire, qui est celui dans lequel, l’institution primo ministérielle a un sens.
Il s’agit simplement de trouver au Président Senghor un «collaborateur», dont la « loyauté » sera, on le devine bien après les événements de 1962, une qualité essentielle.
 
L’homme qui est choisi pour occuper le poste est conforme aux arrière-pensées du Président : administrateur effacé, ancien secrétaire général de la Présidence, n’ayant a priori nulle ambition politique, Abdou Diouf paraît bien faire l’affaire. Sa longévité à ce poste en atteste : il l’a occupé sans discontinuer de 1970 à 1981.
Cependant, tout au long de cette dizaine d’années, le rôle du Premier ministre est de plus en plus pâle.
Celui du président de la République se dilate, se répand et s’épanouit.
Les calendriers électoraux, plaçant les législatives après la présidentielle, ont potentiellement affermi cette évolution, en l’identification des majorités parlementaires à une majorité présidentielle compacte et obéissante.
Le pouvoir n’est plus en rien réparti : le parti, la coalition, le groupe parlementaire, les affaires de l’Etat. Tout se passe au Palais de la République.
La révision constitutionnelle du 28 décembre 1978 qui consacre le multipartisme, est resté limité, le Président voyant dans un pluralisme sans borne un «péril mortel» pour une jeune démocratie.
Le rapport que le Président Senghor a entretenu avec les institutions constitutionnelles est ambivalent.
Il a utilisé la Loi fondamentale comme instrument de consécration de rapports de forces politiques, et s’est appuyé dans le même temps, sur son pouvoir de susciter des réformes pour ouvrir des voies assurément «progressistes», pour figer dans le marbre de la loi, des audaces salutaires.
 
Son souci de la Constitution doit toutefois être relativisé par la particularité de son époque, époque placide, qui ne baigna pas à vrai dire, dans une ambiance de débats et de contradictions.
Dans un style proconsulaire, il fit modifier un article, pour propulser son Premier ministre Abdou Diouf, à la tête de l’Etat.
 
 C’est ainsi que le cycle politique du premier président du Sénégal entamé plus d’une vingtaine années avant l’indépendance, est arrivé à son terme.
 
Dans le discours senghorien qui s’appuie sur la Négritude, le socialisme africain, la Francophonie, des historiens font remarquer une faiblesse par rapport à la « tradition » et au folklore historique : « tout en réarrangeant la tradition, il s’en écartait de manière souveraine et dédaigneuse ».
C’est ainsi qu’il est resté « le griot de son projet culturel », laissant les intellectuels investir l’espace public.
 En dehors des reportages lors de la fête du 4 avril, des  commentaires de combats de lutte ou de courses hippiques, les griots contaient dans leurs émissions radiophoniques, le passé du pays, sans une instrumentalisation de l’histoire au service du politique.
 
Au moment de l’indépendance, le souci était de consolider la Nation.
Des émissions culturelles et historiques, animées par des griots ont contribué à cela. Après la crise de 1962, leur fonctionnarisation a été effective.
 Pour diffuser sa propagande lors des crises de 1962 et de mai 1968, Senghor s’attache les services de El Hadj Ousseynou Seck, chroniqueur « politique », à Radio Sénégal, qui ripostait aux étudiants et même à Sékou Touré, dans la crise entre le Sénégal et la Guinée.
Il n’est cependant pas superflu de noter que Yandé Codou Sène, griotte attitrée a servi elle, à établir une filiation de Guélewar à Senghor. 
 
Obsèques
 
A son enterrement à Dakar, le 29 décembre 2001, la France n’est représentée « que » par le président de son Assemblée nationale, Monsieur Raymond Forni et par le ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie. 
Ni Jacques Chirac, alors président de la République française, ni Lionel Jospin, son Premier ministre de la cohabitation n’ont fait le déplacement.
Ami et défenseur indéfectible de la France, celle-ci s’est montrée ingrate en l’ignorant superbement dans le froid de son cercueil.
D’aucuns pensent que Jacques Chirac, héritier de Charles de Gaulle lui avait fait payer son absence aux obsèques de ce dernier en 1970.
Ignorait-il que Senghor avait à l’époque, dit-on, écrit une lettre adressée à Madame de Gaulle dans laquelle il donnait la raison de son absence : le Général voulait des funérailles familiales et intimes.
 
En 2006, est organisé sous les dorures de l’Assemblée nationale française un colloque traitant de : «Léopold Sédar Senghor : la pensée et l’action politique».  Parmi les nombreux textes publiés qui étaient les communications des intervenants, un témoignage a un gout particulièrement savoureux.
C’est celui d’une ancienne fonctionnaire de l’administration française à Dakar, Madame Mauricette  Landeroin qui avait fait la connaissance de Senghor à Tours, en 1936 quand ce dernier y enseignait. 
Dans un registre intimiste, elle présenta lors de ce colloque, des lettres qu’il lui avait adressées, dans lesquelles il lui déclarait sa flamme et disait même son intention de l’épouser.
Voilà ce qu’en dit Madame Landeroin : «Les sentiments exprimés dans ces quelques lettres avec tant de délicatesse témoignent, je crois, de l'intérêt que me portait le professeur Senghor.
Lors de réceptions auxquelles il était convié par la bourgeoisie tourangelle, il confiait : «Je voudrais épouser une jeune fille qui ait le baccalauréat comme minimum d'instruction, qui soit de la bourgeoisie, et qui soit dotée».
 Il faut croire que je répondais à ces trois critères, puisqu'à deux reprises il m'a demandée en mariage ! En vain ! A l'époque, j'étais amoureuse d'un Russe aux yeux bleus que je rencontrais chez mes correspondants.
On dit que les contraires s'attirent. Durant ma carrière en Afrique, il m'a été donné de rencontrer le président Senghor au cours des diverses conférences qui réunissaient les chefs d'Etat.A l'occasion de l'une d'elles, il m'a dit : «Mauricette, dans ma vie, j'ai eu tous les honneurs que l'on peut souhaiter, mais vous êtes, vous, l'échec de ma vie !»
 
 
 
 

 
ABDOU DIOUF :L’homme des paradoxes
 Malgré de remarquables avancées démocratiques (multipartisme intégral en 1981 et adoption du code électoral consensuel en 1992), la gouvernance politique du président Abdou Diouf fut marquée par une dérive, consubstantielle au présidentialisme hérité de Senghor.

Elu à la tête du pays, deux années après le retrait de Senghor dont il continua la présidence, Abdou Diouf inaugura son cycle électoral par « la désenghorisation » dans la gestion du parti et de l’Etat. Sous le pilotage de Jean Collin, il donna libre cours à un « régime présidentiel déconcentré » mais avec des pouvoirs plus étendus pour le président. Entre 1996 et 2000, c’est le temps des réformes presqu’unilatérales, initiées par le PS, dont la longévité au pouvoir a réduit la lucidité et donné l’illusion d’une invincibilité dont il ne va pas tarder à revenir. bdou Diouf ne s’était pas converti à l’autocratie, mais l’usure du pouvoir l’avait éloigné de certaines réalités et affaibli son jugement politique.
Et survint la première alternance à la tête de l’Etat sénégalais.
“Sénégalaises, Sénégalais, Une fois de plus, me voici devant vous, en ce soir du 31 décembre 1980, pour vous présenter mes vœux.
Auparavant, je voudrais, comme président de la République du Sénégal, vous faire mes adieux.
C’est par ces mots que Senghor entama son dernier discours à la Nation sénégalaise. Auparavant, il avait propulsé au pouvoir, son premier ministre, Abdou Diouf, en modifiant, au profit de celui-ci, au grand dam des barons du Parti socialiste de l’époque, un article d’une Constitution jusqu’alors sacrée.
Une révision qui établissait une règle successorale de transfert du pouvoir du Président au Premier ministre, en cas de démission ou d’empêchement, en cours de mandat.
Le deuxième Président de la République du Sénégal demeure, à ce jour, à bien y réfléchir, le seul acteur politique socialiste à ne s’être jamais défini ou positionné comme héritier de Senghor, contrairement à Moustapha Niasse ou à Djibo Kâ, en leur temps.
« Je suis fidèle à Senghor […]. Mais je sais que le monde évolue. Les problèmes sont complexes, difficiles, changent tout le temps et il faut changer avec son temps.
Par ailleurs, je n’ai pas le tempérament de Senghor. Je n’ai pas suivi le même cursus que lui. Il est d’une certaine formation.Je suis d’une autre formation. ».
Ce à quoi Samba Diouldé Thiam, un des leaders de l’opposition de tradition marxiste, avait répondu : « Vous avez enterré Senghor politiquement, affectivement et psychologiquement et pourtant, il fut votre bienfaiteur, votre maître à penser ».
Une telle posture relève, à bien des égards, du paradoxe.
Ce qui est frappant est qu’Abdou Diouf, soutenu par ses partisans, s’est attelé à gommer le triptyque : négritude- socialisme africain - francophonie, a dirigé après sa défaite à l’élection présidentielle de 2000, l’Organisation Internationale de la Francophonie dont Senghor fut un des initiateurs.
Le second paradoxe réside dans le fait que Diouf a introduit de remarquables avancées démocratiques telles que le multipartisme intégral en 1981, l’adoption du code électoral consensuel en 1992 et une grande élégance devant la défaite en 2000, alors que dans le même temps, son parcours est marqué par une dérive quasi monarchique, consubstantielle au présidentialisme hérité de Senghor. 
Au début de l’année 1980, l’annonce du départ de Senghor avait été savamment distillée dans la presse étrangère d’abord, confirmée par la presse officielle sénégalaise ensuite.
Mais dans ses Mémoires, Abdou Diouf, révèle qu’il avait été pressenti dès 1964 comme le successeur de Senghor : « J’étais encore Directeur de Cabinet et en janvier 1964, il y avait une réception au Palais.
 Le Président Senghor avait longuement discuté avec mon épouse et je m’étais d’ailleurs posé des questions sur le sujet de cette discussion.
 Après la réception, une fois à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes, elle me révéla ce que le Président lui avait textuellement dit : « Madame Diouf, je vous demande de soutenir votre époux. Il a toutes les qualités. C’est d’ailleurs à lui que je pense pour ma succession ».
De celui qui fut le plus jeune gouverneur, Secrétaire de la présidence à 27 ans, ministre à 32, Premier ministre à 34 et président de la République à 45 ans, l’histoire retiendra que son arrivée à la tête de l’Etat a eu pour conséquence une redistribution du pouvoir.
De son premier poste à celui de Président de la République, voilà celui qui a été au pouvoir le plus longtemps depuis l’indépendance  !
En évinçant petit à petit les chefs historiques (les barons), comme s’il avait choisi leur faire avaler une cuillère de fiel à l’aigre mixture, il promeut une nouvelle catégorie de « leaders », dont la plupart n’ont ni base politique, ni réseaux clientélistes. En revanche, la nouvelle classe politique, formée dans les arcanes administratifs et dotée d’une légitimité technocratique, est largement dépendante de lui.
Les fonctions gouvernementales conditionnent la distribution des positions dans le parti.Elles facilitent les « parachutages » dans les sections de base. Affaire de méthode et de tempérament.

En prêtant serment le 1er janvier 1981, Abdou Diouf disposait de deux années pour terminer le mandat de son prédécesseur, marquer son empreinte et asseoir son autorité. Mais, son influence, du fait de son statut d’héritier désigné était limitée par la nécessité de maintenir une politique dans la continuité de son prédécesseur. Or le pays était dans une conjoncture sociale, politique et économique en dégradation continue.   
Le parti socialiste purgé de ses « barons », il n’y avait plus de boucs émissaires qualifiés « d’adversaires de l’ouverture démocratique », de « responsables des fraudes électorales », « des incohérences et insuffisances du système politique dénoncés par l’opposition ». Une nouvelle tendance se fait jour, dans la gestion du parti et de l’Etat. C’est ce que l’on a appelé « la désenghorisation » : au plan politique, la Négritude est mise sous le boisseau et substituée par une théorie aux contours flous : « le sursaut national ».

Des ingénieurs, gestionnaires et administrateurs civils, forts d’un capital universitaire, mais ne disposant pas de base politique, répondent à l’appel. Un homme avisé, connaissant parfaitement le personnel politique du pays et à qui on a octroyé des ressources matérielles et financières exceptionnelles est à la manœuvre : Jean Collin. Le contexte à l’arrivée au pouvoir de Diouf, est celui de la grève générale des enseignants du Syndicat Unique et Démocratique des Enseignants du Sénégal (Sudes). Largement suivie, cette grève ouvre une période de conflits avec l’Etat qui sanctionne à tout-va : mutations, licenciements, rétention de salaires. C’est ainsi que furent lancés les Etats Généraux de l’Education et de la Formation en janvier 1981.

Dans ses conclusions, le rapport insistait sur une réforme de l’organigramme du système éducatif, l’introduction des langues nationales, la réorientation de l’enseignement supérieur vers la demande de l’économie et de la société, la formation en alternance. Mais les recommandations n’ont pu être appliquées pour cause essentiellement, de stagnation du budget de l’éducation qui ne laissait aucune marge de manœuvre pour le financement d’innovations majeures. A quoi il faut ajouter un prêt de la Banque mondiale au bénéfice du programme d’ajustement structurel qui imposait des limites aux dépenses d’éducation, notamment un quota très restreint de recrutement de nouveaux enseignants.
Aux perturbations du système d’enseignement, s’ajoutent les manifestations des formations politiques clandestines, mais surtout les exigences économiques et sociales liées aux effets de ce que l’on a appelé les « plans de stabilisation »
S’il faut se prononcer sur la valeur ajoutée qu’en termes démocratiques les réformes ont apporté, la palme serait sans doute attribuée à la révision du 6 mai 1981, qui, sur deux points importants, innove. D’une part, elle fait sauter le verrou de la limitation du nombre de partis d’une part, et consacre d’autre part, une liberté, celle de créer des formations politiques, que d’aucuns, aujourd’hui estiment l’usage abusif. Concomitamment, la loi portant sur l’enrichissement illicite contribue à tenir en respect les barons et leurs alliés, aménageant ainsi un espace pour les nouveaux ralliés au régime. 


En 1983, après sa victoire il décide de supprimer le poste de Premier ministre
Mais, la nature du projet politique posait question.
 Cependant, il s’impose par petites touches, en s’appuyant sur la réputation de « technocrate compétent, poli et honnête » dont Diouf bénéficiait.  Ce qui lui manquait pour asseoir son pouvoir c’était des ressources politiques, idéologiques et symboliques différentes de celles mise à l’œuvre et à l’épreuve par Senghor, pouvant être utilisées pour une consolidation.  La tradition et le personnage du griot sont appelés à la rescousse en la personne de El Hadj Mansour Mbaye. « Le gardien de la Constitution » (une appellation qu’avait donnée Lamine Guèye à Vincent Auriol, président socialiste de la France entre 1947 et 1954), « le président de tous les Sénégalais », « l’homme de Taïf », « le héros de Maïdiguri ».

Des slogans qui participent à la construction et à la diffusion d’une idéologie pour contrer celle de l’opposition qui ne voyait en Diouf que « l’homme de Senghor ». Le récit consistait à lui trouver une marque qui écrit l’histoire et la mythologie du et au quotidien.
On effaçait ainsi des mémoires de son parti sur lesquelles Diouf n’avait jamais exercé aucune influence, lui, le Secrétaire général adjoint du parti au pouvoir de Senghor, pendant dix ans. En contenant le Parti socialiste débarrassé de ses barons et de potentiels rivaux à l’interne, Diouf favorise parallèlement la liberté de la presse mais surtout le multipartisme intégral. Tout en prenant la précaution juridique d’exclure toute possibilité de coalition électorale, il donne les gages d’un scrutin libre et sincère, avec la promulgation d’une nouvelle loi électorale en 1982. Une loi qu’il qualifie de « meilleur code électoral du monde ». Cela n’a nullement empêché ses opposants de parler, au sujet des élections du 27 février 1983, de «coup d’État civil électoral ».

Tensions
Jean Collin et Habib Thiam s’attelent à l’administration de la continuité, en jouant sur plusieurs registres. Le nouveau président et ses partisans arrivent sans beaucoup de mal aux élections présidentielle et législatives de 1983. Le fait marquant est que Diouf a réussi à dissocier le parti des groupes de soutien nés dans le contexte de ces élections-là (les plus connus sont le Cosapad, le Gresen, le Conagrisapad).


Ces groupes, hors ou à la limite du parti au pouvoir, étaient quasi inexistants, de même que la cooptation de non-membres du PS au gouvernement.
 Il inaugure une nouvelle forme de clientélisme, les comités de soutien participant à la légitimation de celui qui a accédé aux fonctions de chef de l'Etat sans élection, mais grâce à une réforme constitutionnelle introduite par son prédécesseur moins d'un an avant sa démission. Après les élections de 1983, la liste des comités de soutien s’allonge dans la perspective de celles de 1988.
 Suggérée par Jean Collin, elle est complétée par  la création d’associations de soutien à sa propre action, doublure des comités de soutien, mais cette fois-ci à l’intérieur du parti : Association des amis de Jean Collin pour le soutien au Président Abdou Diouf, Regroupement autonome des policiers retraités, amis de Jean Collin pour le soutien à l’action du Président Abdou Diouf, Regroupement autonome des amis de Jean Collin , Fondation  Abdou Diouf Sport Vertu, Abdoo Ñu Dooy regroupant 1450 personnalités dont l’objectif est la réélection d’Abdou Diouf en février 1988, Comité national d’action et de soutien des enseignants pour la réélection du président Abdou Diouf.
 Au plan syndical, la même stratégie est adoptée pour capturer la Confédération Nationale des Travailleurs du Sénégal (Cnts) qui finit par se scinder en deux tendances : celle « conservatrice » et celle du « renouveau syndical ».
A l’élection présidentielle de 1983, du fait d’un score écrasant, Abdou Diouf inaugure son cycle électoral de nouveau chef du parti-État et de l’Etat.
Il entreprend de grandes réformes relatives au pouvoir d’Etat.
C’est ainsi que la fonction de Premier ministre est supprimée (puis rétablie en 1991) et ses attributions confiées au Secrétariat de la présidence de la République, qui devient le centre du nouvel environnement politique, économique et social et l’ « entrepôt de l’essentiel de l’économie de prébendes ».
 Ce faisant, consolide sa suprématie en imprimant à son action, un sceau plus personnel.


Les députés pouvaient introduire une motion de censure qui pourrait amener à présenter sa démission et celle de son gouvernement. Qualifié de « régime présidentiel déconcentré », on note une certaine analogie avec le régime français, sauf que le président sénégalais avait des pouvoirs plus étendus que son homologue français. On note également un réaménagement du pouvoir judiciaire avec la réforme de 1992 qui introduit le Conseil constitutionnel et un Conseil d’Etat- il existe un certain nombre de réformes dont la portée, en termes institutionnels est moindre : réorganisation des conditions de travail du Parlement, précisions sur les conditions d’élection du président de la République…


La Casamance et les voisins
Pendant qu’il renforçait son pouvoir, en Casamance, les tensions montent autour du foncier, particulièrement à Ziguinchor. Bien qu’elle soit toujours restée partie intégrante de la vie administrative et économique du Sénégal, le malaise s’approfondit même au Parti socialiste où des luttes factionnelles se font en partie, au nom de l’autochtonie. Les partis d’opposition, et en particulier le Parti démocratique sénégalais, alors influent à Ziguinchor, alimentent la contestation contre la mairie socialiste dénoncée à la fois comme « nordiste » et corrompue. Deux hommes en particulier concentrent et canalisent ces tendances variées au contenu politique très inégal : l’abbé Augustin Diamacoune Senghor en Casamance et Mamadou « Nkrumah » Sané à Paris. Ils formulent une revendication de type nationaliste, et exigent l’indépendance de la Casamance. Ils structurent la lutte, en reprenant à leur compte le sigle du MFDC.


La suite est connue : des arrestations « préventives » opérées par l’Etat, qui ne font pas échec à la manifestation du 26 décembre 1982. La nouvelle poussée de tension un an plus tard, autour du procès des personnes arrêtées, avec la mort violente de plusieurs gendarmes à Diabi, la marche, les armes à la main, organisée en décembre 1983, et la rude sanction qui s’abat sur les cercles séparatistes, pousse les militants réfugiés le long de la frontière bissau-guinéenne à s’organiser.

A la fin des années 1980, Atika, la branche armée du mouvement se procure des armes. 

L’Etat sénégalais adopte la politique de la carotte et du bâton : répression et gestes d’ouverture qui aboutissent en 1991 à la signature du premier d’une longue série d’accords entre l’Etat et les séparatistes. Le contexte a également balisé le chemin qui a débouché sur des conflits d’intensités inégales avec la Gambie et la Guinée Bissau. En 1981, Diouf inaugure sa politique étrangère avec la Gambie qui est à…l’intérieur du Sénégal.


Le président gambien, Dawda K. Jawara présent à Londres pour assister au mariage du Prince Charles et de Lady Diana, est victime d’une tentative de coup d’Etat.Il appelle à la rescousse Abdou Diouf qui le rétablit dans son fauteuil présidentiel. A la fin de la même année, nait la Confédération de la Sénégambie qui meurt en décembre 1989 suite à de nombreuses tensions. 

Pourtant durant cette période (1981-1989) des résultats notables sont enregistrés notamment dans les secteurs du transport et de la communication. 
Son échec se trouve dans l’insuccès des tentatives d’accord sur les modalités d’une union économique, dû aux grandes différences des systèmes économiques des deux pays. Sur le plan de la défense, les Gambiens en ont été les plus grands bénéficiaires, le Sénégal supportant 80% des dépenses.
L’écroulement de la Confédération réside également dans le fait de l’absence de soutien, de confiance ou de consensus des populations et s’inscrit dans le cadre plus global des conflits régionaux notamment entre le Sénégal et la Mauritanie d’une part et avec la Guinée Bissau, d’autre part.


La mort de la Sénégambie en décembre 1989, est décrétée alors qu’éclate en avril de la même année, un conflit avec la Mauritanie, résultat de conjonctions de problèmes en suspens et leurs interférences tant au niveau de la frontière qu’à l’intérieur des deux Etats.
Au Sénégal, la tension non gérée, encore vive entre le pouvoir et l’opposition du fait du contentieux électoral de 1988 et en Mauritanie, une opposition de plus en plus active des groupes de populations négro-africaines Un conflit à Diawara (village près de Bakel) a mis le feu aux poudres, opposant des cultivateurs et des pasteurs. Une répression sanglante s’en suit avec prise d’otages par des forces mauritaniennes.La réponse ne s’est pas faite attendre au Sénégal, où l’explosion a eu lieu dans les villes.
 
Aux pillages des échoppes mauritaniennes au Sénégal, la réaction en Mauritanie a été une chasse à l’homme selon le faciès, l’activité et l’origine ethnique.
Dans un pays comme dans l’autre, se révèle un réservoir insoupçonné de haine.
Le pont aérien mis en place, rapatrie plusieurs dizaines de milliers de ressortissants des deux pays, sans que l’on ne sache très bien leur nationalité, vu les critères d’exclusion mis en œuvre.

Abdou Diouf dut faire face à opposition qui lui reprochait son manque de fermeté et à la pression populaire pour organiser une expédition punitive.
Tous les deux segments convaincus de la supériorité de l’armée du Sénégal. La sagesse l’a emporté et Diouf, sourd aux critiques, refuse l’escalade.
C’était tant mieux, puisque plus tard, on a appris que Saddam Hussein avait livré à Ould Taya, le président mauritanien, des missiles capables de détruire non seulement Saint Louis, mais aussi Dakar.Peut-être est-ce la raison pour laquelle que Ould Taya, sur la question de l’Omvs et des Vallées Fossiles s’est montré intraitable.

En tous les cas, dès son arrivée au pouvoir en 2000, Abdoulaye Wade déclara haut et fort : « Je vais en France pour acheter des armes… ».
Dans le même temps, le tracé des frontières avec la Guinée Bissau ressurgit, d’autant plus que le conflit en Casamance devenait plus prégnant mais surtout la découverte d’un gisement de pétrole dans la zone maritime a occasionné un débat concernant l’interprétation des textes écrits pendant les colonisation française pour le Sénégal et portugaise pour la Guinée Bissau. N’ayant pas trouvé de réponse, un arbitrage international est demandé, dont le verdict a été rejeté par la Guinée Bissau. Décision fut prise de se tourner vers le tribunal de la Haye qui donna raison au Sénégal.La Guinée Bissau, une fois encore, conteste le verdict.

Un autre épisode avec la Guinée Bissau se déroule en 1998.
C’est l’opération Gabou qui avait deux objectifs.Le premier « officiel » était de « rétablir la légalité constitutionnelle » en venant en aide au président Nino Vieira en difficulté face à son ancien bras droit Ansoumane Mané soutenu par l’armée.

Le second objectif, officieux celui-là était de faire tomber les bases arrière du MFDC qui longent la frontière. De cette intervention mal préparée, les Jambars furent aux prises avec des soldats rompus à la guérilla, disposant d’orgues de Staline et, soutenus par la population. L’aile combattante du MFDC, dirigée par Salif Sadio prend part aux combats aux côtés d’Ansoumane Mané et investit l’ambassade du Sénégal. Il aura fallu toute la diplomatie du Général Mamadou Niang, ambassadeur à l’époque qui parlementa avec les soldats bissau-guinéens pour éviter un massacre.Dans son livre-Mémoires, qui passe très vite sur ce drame Abdou Diouf se contente d’un : « Et j’ai renvoyé les troupes à la maison ».


Le temps des crises et de la pacification
Ces crises de grande envergure et d’acuité croissante informent des limites de toutes les stratégies mises en œuvre pour consolider le pouvoir de Diouf.
En avril 1987, le pays n’a plus de police nationale. La condamnation de 7 policiers accusés d’avoir torturé à mort un jeune commerçant est à l’origine de protestations du corps. (Il y a eu un précédent en 1983, après une menace de grève pour des raisons liées à la condamnation de gardiens de la paix à des peines de prison pour coups et blessures ayant entrainer la mort d’un homme, au cours d’une enquête).


Des manifestations sont organisées à Dakar et à Thiès. L’Etat fait intervenir la Légion de gendarmerie d’intervention (Lgi) pour disperser la marche qui se hâtait vers le ministère de l’Intérieur. Dans la foulée, le ministre de l’Intérieur et ses collaborateurs sont démis de leurs fonctions et 6265 personnels de police successivement suspendus et radiés : 94 commissaires de police, 14 officiers de paix supérieurs, 201 officiers de police, 42 officiers de paix, 383 inspecteurs de police, 101 sous-officiers, 5430 gardiens de paix).
Les tâches de maintien de l’ordre sont confiées à la gendarmerie.
1988 est le temps des crises. La précampagne et la campagne électorale pour les élections présidentielle et législatives sont marquées par des manifestations folkloriques des comités de soutien et une vive polémique autour du code électoral. Des violences postélectorales obligent le président Diouf à décréter l’état d’urgence le 29 février 1988, après avoir fait arrêter les leaders de l’opposition. Abdoulaye Wade et ses co-inculpés, accusés d’atteinte à la sûreté de l’Etat et de violation de la loi anti-émeute sont jugés en avril et le procès remobilise les partis d’opposition.
Dans cette atmosphère plus que tendue de 1988, Abdou Diouf révèle dans ses Mémoires que « c’est d’ailleurs le moment que choisit le Général Tavarez pour essayer de faire un coup d’Etat ».
 D’après son récit, c’est l’épouse d’un des initiateurs qui avait parlé à son amie et cette dernière avait demandé une audience pour l’en informer.
Selon elle, et d’après Diouf, Tavares, avait sollicité les colonels Gomis (chef des Paras), Gabar Diop, (chef des Blindés) Bampassi, (chef des commandos), et l’intendant Oumar Ndiaye.

 Le principal accusé, avait répliqué : « on ne tente pas un coup d’Etat, on le fait ».
Il sera limogé et affecté en Allemagne en qualité d’ambassadeur.
A son retour, un an plus tard, il est traduit en conseil d’enquête et jugé par celui qui l’avait remplacé : le général de corps d’armée aérien Mamadou Mansour Seck
Au parti socialiste, le « Congrès d’ouverture et de rénovation cède la place au « sursaut national » et à la bataille entre « les barons » et « les technocrates ».
 Les Rénovateurs jouent les uns contre les autres selon les difficultés du moment. Jean Collin quitte le gouvernement et certains « barons » reprennent du service en qualité de contrôleurs du Parti.


 Le souci de pacification du front social et politique, ainsi que la restauration d’un ordre institutionnel légitime inclineront Abdou Diouf à négocier avec les principaux leaders de l’opposition regroupés au sein de la CONACPO, ce qui préfigurait la logique de cooptation de l’opposition et l’entrée de Wade au gouvernement de « majorité présidentielle élargie » en avril 1991.
De l’intérieur, il négocie l’adoption d’un nouveau code électoral en vue des élections de février 1993.Il n’empêche. Ces élections ont été les plus contestées et contestables depuis l’indépendance.Les ordonnances utilisées à grande échelle par toutes les parties font s’éterniser le contentieux. L’Observatoire National des Elections (Onel) est incapable de trancher.
C’est dans ce contexte que le Président du Conseil Constitutionnel Kéba Mbaye démissionne et le vice-président de la même institution assassiné. Abdou Diouf est réélu avec 58,40% des voix.
Commence une période d’affrontements avec les syndicats et les partis politiques à l’adoption du Plan Sakho-Loum, qui n’empêchera pas la dévaluation du F Cfa en 1994.Alors que les ajustements structurels suivent les années de sécheresse et envoient des milliers de chefs de famille au chômage une espèce de vigilance démocratique surgit.Entre 1996 et 2000, la démocratie sénégalaise prend un coup, alors qu’ailleurs, on découvre et cherche à perpétuer les délices de la démocratisation.
 
C’est l’heure des réformes presqu’unilatérales, initiées par le PS, dont la longévité au pouvoir a réduit la lucidité et a donné l’illusion d’une invincibilité dont il ne va pas tarder à revenir.
1996 voit la restructuration du Parti socialiste et la mise en orbite de Ousmane Tanor Dieng, après le « Congrès sans débat » au « préjudice » de Djibo Ka et de Moustapha Niasse, qui entrent en dissidence et quittent le parti.
Les élections de novembre dégradent encore plus l’image du parti socialiste.
Des partis d’opposition, regroupés autour du PDS, demandent la mise sur pied d’une Commission électorale nationale indépendante (CENI).


D’âpres échanges verbaux entre des Socialistes regroupés autour de Tanor Dieng et le « groupe des 19 », furent tranchés par la création de l’Observatoire national chargé des élections (ONEL).   En 1998, L’Assemblée nationale vote la création d’un Sénat, présenté comme une mesure logique dans le cadre de la politique de régionalisation et visant à donner une plus grande autonomie aux collectivités locales.« Le Sénat doit être dans la ligne de cette décentralisation, veiller à ce que les intérêts des collectivités locales soient également représentées au niveau central ».
Pour beaucoup, le Sénat avait été créé pour « caser » les députés ayant perdu leur siège lors des législatives. Sa création, la suppression du « quart bloquant », le retour au septennat, sont des initiatives regardées, au moins dans le pays, comme des reniements démocratiques.
La perspective de la présidentielle de 2000 avait fait naitre la rumeur qu’en cas de victoire, comme Senghor, Diouf ne terminerait pas son mandat et le transférerait à Ousmane Tanor Dieng.
Face à la détermination de l’opposition qui s’organisait en un bloc, l’administration locale qui était devenue brusquement « neutre », il lui était demandé par quelques membres de son parti, comme par ceux de l’opposition, de « sacrifier » Ousmane Tanor Dieng.

Diouf résista à cette demande et signait par là même sa perte et celle de son parti.  Ajoutés à cela, la détermination de l’opposition qui se regroupait, la « neutralité » de l’administration locale qui a toujours été favorable au pouvoir, la critique quotidienne des tares du régime, le mutisme des confréries qui traditionnellement appelaient à voter pour la classe dirigeante, et enfin la « demande sociale ». Le soutien de Djibo Ka et l’appel de Serigne Cheikh Tidiane Sy, le plan de campagne de Séguéla, n’y firent rien. Abdou Diouf ne s’était pas converti à l’autocratie, mais l’usure du pouvoir l’avait éloigné de certaines réalités et affaibli son jugement politique. C’est ainsi que le 19 mars 2000, les Sénégalais mirent un terme à son long bail avec le pouvoir et le Sénégal connut sa première alternance politique
Abdoulaye Wade :Au nom du père et du fils

Acteur principal de la première alternance politique à la tête de l’Etat sénégalais, le président Abdoulaye Wade suscita un grand espoir de changement de mœurs politiques, de plus de démocratie et de transparence, après 40 ans de règne d’un Parti socialiste devenu impopulaire, malgré le système politique pluraliste.
Celui qui s’était opposé pendant 26 ans avant d’accéder à la magistrature suprême géra cependant le pays et son parti comme son patrimoine en étant la « seule constante », s’abandonna dans une présidentialisation accrue du pouvoir, anoblit la transhumance, mit très souvent les institutions en question et s’enferra dans un projet de « dévolution monarchique » du pouvoir avant de passer la main, suite à l’échec d’une troisième candidature à la magistrature suprême.
En emportant avec lui l’espoir d’une consolidation du système démocratique par le retrécissement de l’extrême concentration des pouvoirs entre les mains du Chef de l’Etat.
Le 19 mars 2000, quand Maître Abdoulaye Wade arrive au pouvoir à 74 ans, il avait atteint toutes les majorités. L’appui massif de l’opposition qui est allée le chercher à Paris à la veille de l’élection, aida à faire basculer le Sénégal dans l’alternance. Désargenté, il fait sa campagne électorale au rythme de « la marche bleue », au cours de laquelle il culmine dans le port de bretelles (un accessoire vestimentaire que les suiveurs ont copié), les doigts en V de la victoire.
Improbable télégénie de la tradition « zazou » et de l’espoir.


Contemporain de ces générations de l’après deuxième guerre mondiale, il pensait mordicus que sa génération avait conduit les pays africains à la ruine et qu’il était de son devoir de réparer cette faute. De Senghor à Diouf, il avait traversé des périodes de complicité avec ses prédécesseurs.
Excluant de façon régulière ses principaux lieutenants dans sa marche vers l’Avenue Roume, il a géré son parti comme son patrimoine en étant la « seule constante ». Comme Sisyphe il a toujours remis l’ouvrage sur le métier et a opéré dans le pays, après des absences régulières plus ou moins longues, des retours spectaculaires, refusant ainsi d’être confronté à son propre effacement. Un réflexe chez lui. Le titre d’opposant qu’il avait porté pendant 26 ans, il le devait à Senghor, pas peu fier d’inaugurer en Afrique, le multipartisme.


Dès ce moment, Abdoulaye Wade fait de la rue son bastion et son tréteau, pendant un quart de siècle. Son habilité, sa ruse, très tôt décelées par Senghor, l’ont fait assimilé à « leuk-le-lièvre ».
 
Son ascension fut longue. Il lui fallut beaucoup d’opiniâtreté, de ténacité pour être élu sur la promesse de ramener le prix du riz à 60 francs le kilo, de régler le problème casamançais en 100 jours, de trouver du travail à tous ces jeunes qui avaient levé la main lorsqu’il avait demandé qui n’en n’avait pas.
Pour certains, Abdoulaye Wade était l’évidence même, parce qu’il est un autre homme.

Celui qui prendra le Sénégal à pleine main, comme le boulanger travaille sa pâte, la malaxe, la pétrit pour lui redonner une forme humaine après tant d’années perdues dans les calamités socialistes.  L’alternance de 2000 a été un grand espoir, après 40 ans de règne d’un Parti socialiste devenu impopulaire, même s’il avait maintenu le Sénégal dans la paix et organisé un système politique pluraliste, ce qui était une « curiosité », sinon une exception dans cette partie de l’Afrique.


La conquête
De Maître Wade, tout a été étudié : l’espoir incarné par le « sopi », celui d’un espoir de changement de mœurs politiques vers plus de démocratie et de transparence, les détours de la construction du pouvoir politique de l’alternance qu’il a incarnée, les malentendus qui ont balisé la composition de la coalition qui l’a fait élire et qui a été mise au ban, l’exercice du pouvoir et sa confiscation, ses interventions multiples et intempestives, les institutions mises très souvent en question, les nouveaux adhérents, ces transhumants, les féaux, le projet de « dévolution monarchique », son fils Karim, incarnant cette singulière aventure familiale qui a donné la trame d’une tragédie politique unique, le spectre des images de la vieillesse perçue comme un éventail de pertes.
Dans l’opposition, il ne se voyait jamais vaincu des suffrages.


En majesté, tous pouvoirs en main, régnant sur un peuple acquis à sa cause et une Assemblée nationale à sa botte, il continue de plonger dans des batailles procédurières face à des juges, surtout ceux du Conseil constitutionnel.
Une fois arrivé au pouvoir, il ne s’étouffa pas de principes et se montra plus politicien qu’homme d’Etat. Comme Appolon, il disperse la nuit et accompagne la course du soleil. « L’homme le plus diplômé du Caire au Cap » apporte la modernité, la force même en faisant fi de toutes les résistances.


L’ascension de Abdoulaye Wade et de son parti, le PDS, s’est faite graduellement. L’homme a bâti sa carrière sur une cuirasse. Increvable. Aux élections présidentielle et législatives de 1978, Senghor est déclaré vainqueur avec 82% des suffrages et Wade est crédité d’un peu plus de 17%. Mais ce qui est d’une toute nouveauté, c’est qu’à l’Assemblée nationale, l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS) devenue Parti socialiste pour la première fois dans l’histoire politique du pays, partage désormais les sièges avec un parti d’opposition.
Cinq années plus tard, en 1983, les élections présidentielle et législatives « débrident » Abdou Diouf, qui en en sortant vainqueur, n’est plus « l’homme de Senghor » arrivé à la tête du pays par une technique constitutionnelle.
Entre temps, l’Assemblée nationale est passée de 100 à 120 députés. Le Parti socialiste au pouvoir obtient 111 sièges, le PDS 8.


A la proclamation des résultats, l’étendue de la victoire du PS fit hurler l’opposition qui accuse le parti au pouvoir de fraudes massives.
Communicateur talentueux, Abdoulaye Wade lance, en février 1988, à quelques jours de la présidentielle, le journal Sopi.
Ce n’était pas la première fois qu’il créait un journal. A ses débuts dans l’opposition, il publie en juillet 1974, le « Démocrate » qui cesse de paraitre en 1979. Puis, Takussan voit le jour en 1983, pour dit-il, « équilibrer » le Soleil, le quotidien progouvernemental. Aux élections présidentielle et législatives du 28 février 1988, la bipolarité PS/PDS se confirme et Abdoulaye Wade continue à creuser sa voie : Abdou Diouf 73,20% et Abdoulaye Wade, 25,80%.
A l’Assemblée nationale, le rapport de force est encore inégal : 103 sièges pour le Parti socialiste, 17 au PDS.


Les résultats proclamés sont suivis de manifestations monstres qui firent prendre à Abdou Diouf, la décision d’instaurer l’état d’urgence sur toute l’étendue de la région de Dakar et le couvre-feu à partir de 21 heures. Abdoulaye Wade, quelques-uns de ses proches, ainsi que Amath Dansokho et Abdoulaye Bathily furent arrêtés. La tension était si forte que le 4 avril, jour de l’anniversaire de l’indépendance, la fête fut réduite à une prise d’armes.


Abdou Diouf remanie son gouvernement sans tenir compte des manifestations post-électorales. Le procès de Maître Wade s’ouvre le 21 avril 1988 dans une ambiance d’extrême tension et devant une opposition remobilisée à bloc. Abdoulaye Wade s’était déclaré élu des Sénégalais avec 56% des suffrages et récusait toutes les charges retenues contre lui, contre ses collaborateurs et contre ses alliés. Au terme du procès, et après des médiations, une libération graduelle de Wade et de ses alliés favorise un rétablissement de l’ordre social et politique, même si l’opposition réunie au sein de la Conapco, continue à contester la régularité de l’élection présidentielle, demande l’organisation de nouvelles élections, la réforme du code électoral, l’accès aux médias d’Etat…


Le souci de pacification présageait la cooptation de l’opposition et l’entrée de Wade dans un « gouvernement de majorité présidentielle » en 1991.  
Un nouveau code électoral est adopté en 1992, mais qui, à terme n’a rien changé aux élections de 1993. Au contraire, elles sont les plus contestées.
Tout le monde en prend pour son grade : le pouvoir, l’opposition, les magistrats en charge de l’arbitrage car les fraudes sont manifestement opérées par tous et dans tous les camps.


Le contentieux traine en longueur. Dans la foulée, Kéba Mbaye, le Président du Conseil Constitutionnel démissionne et son Vice-président assassiné le 15 mai, donnant ainsi lieu à de nombreuses polémiques. Plusieurs personnes dans le camp du PDS sont arrêtées suite à ce meurtre dont le mobile semble politique.
Diouf sort vainqueur de cette élection et Wade réalise son meilleur score mais reste, avec l’opposition sur l’exigence de la création d’un observatoire des élections. Malgré le spectre du magistrat assassiné, Wade revient en 1995 jusqu’en 1997, dans le gouvernement de Habib Thiam.


Il y occupe le même poste de ministre d’Etat auprès du Président de la République, sans domaine de compétence, occupé à ce qu’il sait faire : la politique. Était-il contraint d’accepter les règles du jeu tout en contestant ceux qui mènent le jeu ?
En 1997, deux généraux de l’Armée sont nommés. Lamine Cissé, ministre de l’Intérieur, chargé d’organiser les élections législatives de mai 1998 (il aura les mêmes charges lors de l’élection présidentielle de 2000) et Mamadou Niang, à qui la présidence de l’ONEL est confiée, qui met un point d’honneur à procéder à la vérification du fichier électoral. Ce casting avait sorti le pays des débats et « arbitrages » de politiciens retors et des violences postélectorales de 1983, 1988 et 1993.

Les règles du jeu étaient devenues un peu plus transparentes, les composantes politiques et la gouvernance de l’administration plus rassurantes dans le système démocratique en construction. Sous l’Etat de droit, se profilait une alternance qui naitra de la nécrose puis de l’implosion du Parti socialiste, suite à la mise en orbite de Ousmane Tanor Dieng


Déséquilibres
Mars 2000. Les premières actions de Me Abdoulaye Wade après la « marche bleue » triomphale, donnent le ton d’une présidentialisation accrue du pouvoir, centrée autour de l’allégeance personnelle au nouveau président.
Le 1er avril, lors de sa prestation de serment, il fait passer  l’hymne national officiel par-dessus les murs du stade Léopold Sédar Senghor et fait faire résonner son « hymne à l’Afrique », parce que avait-il soutenu, le « pincez tous vos koras », dont les paroles avaient été écrites par Senghor, était rythmé sur la musique de « Printania », une chaine française de supermarchés, tout en insistant sur la nécessité de se focaliser sur le travail pour développer le pays:«Il n’y a pas de secret.Il faut travailler.

Beaucoup travailler. Toujours travailler ». Or, c’est sans doute dans cette perspective que le rêve de changement a le plus déçu. Le régime de la première alternance s’est inscrit dans une remarquable continuité par rapport aux lignes de force du système politique sénégalais antérieur, en en amplifiant tous les travers.


En janvier 2001, Maître Wade organise un référendum, (le 3ème depuis l’indépendance), qui pose les jalons des législatives anticipées d’avril 2001.
Le référendum proposait, dans ses grandes lignes, de réduire le futur mandat présidentiel de 7 à 5 ans, d’élargir les prérogatives du Président de la République qui peut désormais, dissoudre l’Assemblée nationale. Il ne faut pas oublier que l’une des revendications de l’opposition qui vient d’accéder au pouvoir, a été la mise en place d’un « régime parlementaire ».

Le débat institutionnel se trouve ainsi d’emblée placé au cœur du projet politique des nouveaux gouvernants. La nouvelle Constitution est adoptée, dont on escompte qu’elle évitera les dérives de l’ancienne. Le nombre de députés passe de 140 à 120. Le Sénat est supprimé – il sera rétabli en 2007 –de même que le Conseil économique et social.
 La présidentialisation poussée passe par la marginalisation du Premier ministre, ramené au poste de super directeur de cabinet. Dans une ferveur primatoriale , il en a nommé six en douze ans.
En comparaison, Senghor en a eu deux en 20 ans (si Mamadou Dia est considéré comme tel), Abdou Diouf, trois en vingt ans, et Macky Sall, cinq en douze ans). La Constitution de 2001, qualifiée de meilleure que ces devancières, était une illusion. L’illusion qu’il suffit d’avoir de bons textes pour avoir une bonne pratique des institutions. Comme jamais dans notre histoire, notre Loi Fondamentale n’a paru aussi compromise dans des querelles partisanes, voire personnelles.
Entre 2001 et 2012, elle a été modifiée quinze fois (la seizième n’ayant pas abouti).

Elle perd de sa solennité, tant les réformes de circonstances en ont tué sa majesté. Si l’objectivité commande de reconnaître que certaines révisions ont pu procéder d’une vision au service de l’approfondissement de la démocratie, on doit admettre que d’autres changements ont, au contraire affaibli l’Etat de droit dont la stabilité constitutionnelle peut être la marque. En juin 2007, fait inédit dans une République, il fait jurer le nouveau gouvernement mis en place après sa victoire au 1er tour de la présidentielle ce qui avait amené beaucoup d’observateurs à dénoncer une personnalisation accrue du pouvoir, centrée sur l’allégeance au chef de l’Etat.

 Cette décision de faire prêter serment n’était pas seulement anecdotique, ni folklorique. Loin de là. Elle aggravait très sérieusement les déséquilibres d’un système que Wade qualifiait de dangereux, avant lui. Avec lui, il le sera tout autant. Sinon plus.


Un pouvoir économique et financier s’était constitué en dehors des sites légitimes de l’exercice du pouvoir : l’administration et les assemblées représentatives.
Il s’est aussi arrogé le privilège de choisir et de marquer de son empreinte, voire de son nom, un Monument de la Renaissance africaine, révérence et référence aux antiques mégalomanies de tous les tyrans de l’histoire.
Sous prétexte qu’il en est l’auteur, il récupère 35% des recettes touristiques générées par le Monument. A cela, il faut ajouter les opérations foncière et financière opaques ayant permis l’édification du monument.
Sa recherche obstinée d’une historicité « restaurait » t-elle la continuité avec le Poète-président ? Il est important de rappeler que Wade avait, sous les yeux d’un Abdou Diouf présent sur les lieux des funérailles de Senghor qu’on venait enterrer à Dakar, mais qui ne brilla que par son silence, littéralement récupéré, « l’héritage senghoriste ».


On peut insérer dans ce même chapitre, le Festival mondial des Arts nègres (le 1er avait été initié par Senghor en 1966) qui n’était pas un projet du peuple sénégalais mais la volonté du président lui-même. Pour son égo, la relecture de la mémoire coloniale l’amène à une orchestration, une mise en scène autour de lui-même, de son panafricanisme, de sa culture populaire, les valeurs du mouridisme.

Il propose une réforme territoriale qui érige les départements en provinces et baptise les collectivités selon les « réalités historiques du pays ». N’ayant trouvé un écho favorable ni dans la presse, ni un accord des populations concernées qui ne se sont pas entendues sur le nom des différentes provinces, le projet fut vite enterré.  
La statue de « Demba et Dupont » qui trônait en face de l’Assemblée nationale, puis remisée par Abdou Diouf, a été ressuscitée lors de la commémoration de la « Journée du Tirailleur », lancée en pleine polémique sur la « cristallisation des pensions » tenue par d’anciens combattants de la Deuxième guerre mondiale.
 Il en profite pour capitaliser les revendications des concernés, et entendait immortaliser et réhabiliter leurs efforts de participation des Tirailleurs à la libération de la France de l’emprise de Hitler.Si Senghor et Diouf s’étaient laissés aller par opportunisme politique, aux liaisons avec les pouvoirs religieux, ils ne se sont pas moins soucié des équilibres de la République et se sont gardé d’abjurer leur serment de fidélité à l’Etat. On pourrait penser que c’est un élément essentiel de la consolidation des bases de notre Nation.


Abdoulaye Wade lui, par populisme a posé des actes attentatoires à la cohésion nationale, tenu des propos qui ont profondément choqué des composantes de la Nation, entretenu une attitude ostentatoirement confrérique et anti-laïque.
C’est un homme plein de contradictions et parfois dans une insondable démagogie marquée d’une forte instabilité par de fréquents changements de gouvernement. Mais quoiqu’on dise, c’est lui, Abdoulaye Wade qui a rompu une règle jusque-là observée par ses prédécesseurs.

La nomination d’une femme au poste de Premier ministre. Il brise cette « tradition » jusque-là appliquée : le poste, depuis l’indépendance, avait été occupé par des hommes, de confession musulmane et de culture wolof.
Il a également fait réaliser un progrès notable : la suppression de la peine de mort.
On lui doit l’instauration de la parité homme-femme dans les fonctions électives après que des résultats d’un plaidoyer dans ce sens lui a été soumis.
Il s’est battu farouchement et son rôle a été décisif dans le débat relatif à la fracture numérique en Afrique. Le 3 avril 2004, lors du traditionnel message à la Nation de la veille de la fête de l’indépendance, il propose une nouvelle forme non violente de revendication, s’inspirant « du modèle japonais » : arborer un ruban rouge en guise de protestation.

Plus tard, il reprocha à ceux qui appliquaient la méthode à son endroit, d’en faire un usage abusif ! Il fait également adopter une loi octroyant le droit de vote des militaires. Si l’intégration des femmes au sein de la Police (1981), de l’administration pénitentiaire (1984) et de l’Armée sénégalaise s’est faite progressivement (intégration à l’Ecole militaire de santé en 1984), la mixité dans les casernes militaires a fait l’objet d’un décret en 2007.


Le Joola et la Casamance
En septembre 2002, la côte maritime sud du pays est devenue le funérarium de 1863 personnes de douze nationalités par le naufrage du bateau « le Joola », surchargé, qui assurait depuis 1991, la liaison maritime Dakar-Ziguinchor et retour.  Le rapport d’enquête indiquait que « Le Joola ne disposait d’aucun titre de sécurité depuis 1996 et de navigation depuis 1998 ». En 2001, les avaries de propulsion et les arrêts techniques se multiplient et le bateau est mis en cale sèche pendant un an. Il reprend ses rotations en septembre 2002, malgré les doutes et les avertissements de journalistes-reporters, embarqués.


Abdoulaye Wade manœuvre à tel point qu’en fin de compte, en aout 2003, l’Etat sénégalais décide de classer l’affaire sans suites pénales. La responsabilité du naufrage a été « portée » par le commandant du bateau, lui-même disparu au cours de ce même naufrage ! Une des promesses de campagne de Wade a été le « règlement du conflit casamançais en 100 jours ». Au pouvoir, il pose des actes forts : nomination d’un ministre des Forces armées issu du terroir, réception à Dakar de l’Abbé Diamacoune Senghor à qui il a rendu visite (ce que Diouf n’a fait qu’en 1999, soit 17 ans après le début de la rébellion).


C’est en comptant sur l’assise déjà ancienne du PDS dans la région qu’il signe en 2001, un cessez-le feu, après trois autres paraphés sous Diouf, sans aucun effet, du fait essentiellement de désaccords internes au MFDC. La crispation du pouvoir sur ce dossier avait amené le pouvoir d’expulser du pays, une journaliste française qui avait interviewé une faction hostile à Diamacoune.
En 2004, le délai des 100 jours largement dépassé, la signature d’un accord portant sur « la renonciation définitive à la lutte armée » par Diamacoune Senghor est remise en cause par l’aile dure du mouvement qui ne le considère plus que comme « président d'honneur » depuis le mois de septembre de la même année en raison de son « incapacité objective » à occuper des postes de direction opérationnelle.
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Le texte, objet de la signature de 2004, avait été interprété par les observateurs comme le pari de Wade qui avait compris que c'est en développant économiquement la Casamance qu’il espérait pacifier cette région instable.
En effet le texte prévoyait l’engagement de 19 bailleurs de fonds internationaux à débloquer 94 millions d’euros pour financer la reconstruction des villages, la démobilisation des combattants et le déminage du territoire, la construction du quai du port de Ziguinchor…


«Le plus diplômé du Caire au Cap »
Pressé de mettre en œuvre ses innombrables projets, il se méfie des services de l’Etat, contourne les ministères en multipliant les agences ad hoc – 27 dans le gouvernement de novembre 2006 - et assouplit le fonctionnement de l’administration en l’informalisant. Au plan politique et institutionnel, il fait preuve d'un zèle dévastateur au point de nourrir des controverses quant à sa participation à la présidentielle de 2012, pour un 3ème mandat, légitimée par les juges du Conseil constitutionnel, tous nommés par lui.

Il investit aussi des chantiers géostratégiques en délogeant les bases françaises installées sur la presqu’ile du Cap Vert. Plus tard, on comprendra que ce n’était que pour des calculs fonciers. Au plan sous-régional, et africain, il regarde de haut les chefs d’Etat ouest-africains avec qui pourtant il faut travailler pour continuer à construire la sécurité et l’espace économique de la CEDEAO et de l’UMOA.


Vexé de n’avoir été invité à la conception du Millenium African Plan (Map) aux côtés de l’Algérien Bouteflika, du Nigérian Obasanjo et du Sud Africain Mbeki, lui, « l’Africain le plus diplômé du Caire au Cap » propose un plan Omega.
Plus tard, les deux plans sont fusionnés pour donner naissance au NEPAD. Au plan local, la GOANA est lancée en grandes pompes. Mais les improvisations sur des spéculations hasardeuses ont fait qu’elle a fait long feu.
 
La famille
Le premier mandat d’Abdoulaye Wade a vu l’émergence progressive de son fils Karim qui devient peu à peu, la figure incontournable de la gestion patrimoniale du pouvoir, ce qui préfigurait, pour quelques observateurs une succession héréditaire biologique.
La préférence s’est faite à la faveur d’un double processus dans deux familles distinctes. Dans la famille nucléaire d’abord.Sindjély, la fille est nommée conseillère de son père dans le domaine des arts, des sports et de la culture.
Elle est très active dans la participation de son père au Sommet de Davos en 2001, et dans la Tanière des Lions du football lors de la Coupe du Monde en 2002.

Pour la 3ème édition du Festival mondial des Arts Nègres, elle nommée déléguée adjointe. En 2013, elle est citée dans le rapport de l’Inspection Générale d’Etat et les 400 millions de francs injustifiés ont été miraculeusement remboursés à l’Etat du Sénégal. Il y a ensuite la mère. Madame Wade, devenue, Madame la Présidente en 2000, dispose d’un cabinet faisant partie de la Présidence de la République.
 
Elle s’investit dans l’éducation et la santé et fait construire un hôpital inauguré en 2003, à Ninéfécha à plus de 700 km de Dakar. En 2013, l’hôpital ferme ses portes. Aujourd’hui, c’est un poste de santé intégré dans le système sanitaire de la région de Kédougou.

Il est essentiel de rappeler que jusque-là Mesdames Senghor et Diouf ont toujours été et encore aujourd’hui, appelées Madame Colette Senghor et Madame Elisabeth Diouf.
Le fils Karim est en miroir, sur le plan politique et administratif, de l’implication de la mère et de la fille. Sur ce plan politique, la lutte pour la succession l’opposera, selon différentes configurations au cours des deux mandats de Wade à Idrissa Seck, puis à Macky Sall, qui, en réaction à la destitution de leur filiation politique, créeront chacun leur parti politique, en vue de l’élection présidentielle de 2012.
Dès la prise de fonction de son père, il est nommé conseiller personnel dans l’ombre. Mais il est très vite sous les feux des projecteurs lorsqu’il est nommé à la tête de l’Agence nationale de l’Organisation de la Conférence islamique, chargée de la 11ème tenue de l’OCI en 2008. Les rideaux tombés sur le sommet, des accusations de gestion opaque des fonds et d’affairisme se font jour. Il entre au PDS par le biais d’un mouvement appelé « la génération du concret » qui devient le cœur d’une stratégie politique, qu’il co-anime avec celui qui a été son directeur exécutif à l’Anoci.

Aux élections locales de 2009, la Génération du Concret présente Karim Wade à un mandat électif mais il est battu. La Gc explose en 2012 et c’est le début des poursuites judiciaires contre Karim Wade. Malgré la défaite du fils le père n’hésite pas à le porter à des postes nominatifs : ministre de la coopération internationale, du développement régional, des transports aériens et des infrastructures, ce qui le fait qualifier de « ministre du ciel et de la terre ».


Le baroud d’honneur
Réélu au premier tour en 2007, Wade ressuscite le Sénat.
 Pour d’aucuns, la conjugaison de quatre éléments principaux explique, l’ampleur de la victoire d’Abdoulaye Wade : le temps, le vide offert par l’opposition qui s’était présentée en ordre dispersé, l’« achat de conscience » dès la proclamation provisoire des résultats, le rêve et … quelques réalités. Parmi elles, le meilleur positionnement du pays, suite à la désaffection des investisseurs étrangers vis-à-vis de la Côte d'Ivoire, qui traversait une crise profonde.

Dans le domaine fiscal, des réformes ont concouru à une meilleure maîtrise de la Tva, ce qui a permis l’octroi de bourses à tous les étudiants, puis quelques mois avant la présidentielle la gratuité des soins aux personnes âgées.
 L’Etat a également considérablement investit dans la construction de collèges et de lycées et les grands travaux répondant aux besoins de fluidité urbaine ont été opportunément inaugurés.

Le succès en 2007 s’explique aussi par une meilleure situation économique.
 Des économistes annoncent un taux de croissance supérieur à 5% de 2000 à 2005, avant de connaitre un fléchissement en fin 2006. Si le transfert des émigrés contribue pour beaucoup à huiler les rouages du système social, l’origine de la circulation monétaire est alimentée également par l’aide extérieure très diversifiée que le régime a su capter, mais aussi celles des monarchies du monde arabe et de la Chine, ces dernières se caractérisant par une certaine opacité de nature à élargir les marges de manœuvre politiques du régime.
Une contestation majeure nait, confirmée par la tenue des Assises nationales dont l’objectif premier était de dresser un état des lieux de la crise politique et institutionnelle par une «refonte de l’Etat et de la Nation».
En juin 2011, un projet de double réforme institutionnelle est lancé : ticket présidentiel et élection à 25% des voix. Une vive opposition dénonce une tentative de « dévolution monarchique du pouvoir », la contestation craignant que Wade puisse démissionner en cours de mandat pour faire la place à son fils. portait également sur la production des cartes nationales d’identité et d’électeur.


La réponse politique, face au « manque de crédibilité de Ousmane Ngom » est la nomination d’un ministre chargé des élections Ses talents de communicateur ont fait la différence de Abdoulaye Wade d’avec ses prédécesseurs. Dans la rhétorique du pouvoir jusque-là confinée au « Sénégal émergent », et les mises en scène qu’il écrit lui-même, il en fut en tantôt l'acteur, tantôt le réalisateur qui renouvelait ses hommes afin d'assurer la représentation de sa pièce, confiant le récit à Abdoulaye Mbaye Pekh. 

Le pouvoir de Wade a trouvé en cet homme, le chantre de sa propagande, « le griot de l’alternance ». Ce passionné de chevaux et de courses hippiques, n’a rencontré Wade qu’au second tour de l’élection présidentielle de 2000.
N’étant allé ni au daara, ni à l’école française, Abdoulaye Mbaye Pekh, n’a également ni la culture, ni l’expérience de El Hadj Mansour Mbaye dont le parcours a permis de connaitre les hommes qui ont participé à l’exercice du pouvoir.

Mbaye Pekh lui, sans séduction, sans technique oratoire, ne tient que des propos laudatifs très souvent qualifiés de dérapages et de bavardages.
Wade méritait-il quelques années de plus, malgré son grand âge ne serait-ce que pour terminer les nombreux chantiers entamés ?
L’homme avait capitalisé sur son endurance et son énergie.
Pour tenter un ultime assaut, un mélange d'incantation et de bricolage ne donneront pas au président la maîtrise de l’élection de 2012, qui a été au mieux pour lui, l'année du baroud d'honneur.
 
 Macky Sall :Du triomphe à l’égarement
 

Avec Macky Sall, la gestion libérale du pouvoir allait prendre un autre souffle. Premier ministre et directeur de campagne pour la réélection de Abdoulaye Wade en 2007, Macky Sall fut le vainqueur de la deuxième alternance à la tête du Sénégal : un autre espoir après la fin des 12 années de règne mouvementé du « Pape du Sopi ».

 Quoiqu’incarnant, à ses débuts, un nouveau style politique, celui d’un président « moral », transparent, sobre, Macky Sall n’incarna pas la rupture tant attendue. Le mode clientéliste de gestion du pouvoir poussa son parti à tout truster sur fond de patrimonialisation et de privatisation accélérées de l’appareil d’Etat.
Le référendum de 2016 consacre la réalité du pouvoir par laquelle Macky Sall « vampirise » autant les institutions constitutionnelles que le processus de sélection des candidats à la présidentielle. 
On assiste de fait, à la reconstitution d’un Etat superpuissant flottant au-dessus de la société dans laquelle la parole libre devient suspecte.
Le point d’orgue en sera le « mortal kombat » entre Macky Sall et Ousmane Sonko, une opposition frontale et « meurtrière » qui livre, à terme, le pouvoir au cinquième président du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
L’élection de Macky Sall à la tête du Sénégal en mars 2012 n’avait ressemblé à aucune autre et ne s’était réduite à aucune précédente.  Cette année-là, il gagne très vite le soutien des foules, mais personne ne le perdit aussi facilement la dernière année de son second mandat.
Si l’élection relève d’un mécanisme institutionnel et d’un rituel démocratique bien rodé, il n’en demeure pas moins que celle de 2012, s’est inscrite dans le sillage d’une famille politique (les Libéraux) qui a dominé les années 2000.
Ce n’est pas un hasard si le tiercé gagnant sorti de la course au premier tour appartient à cette famille : Abdoulaye Wade, Macky Sall, Idrissa Seck. 
Le trio partage les mêmes caractéristiques : volontaire, téméraire avec une détermination d’airain. De ces trois hommes, Macky Sall a été celui qui a le plus poussé chacun de ces trois traits.
D’eux, on ne saurait pas retenir que les incompatibilités de caractères après que leurs tempéraments se sont accordés, dans une harmonie qu’ils ont célébrée maintes fois, publiquement.
Pour l'un comme pour les autres, il y eut toujours ce but qu'il leur a fallu apprivoiser, et que le commun des mortels ne saurait envisager sans trembler : le palais de la République. 
La deuxième alternance qu’a connue le pays procède d’un vote démocratique, sur un mode référendaire (pour ou contre Abdoulaye Wade).
Au lancement de la campagne électorale de 2012, Wade avait-il conscience que s'ouvrait devant lui, sur une pente de 21 jours de campagne, l'ubac de son quinquennat ?
Idrissa Seck lui, a été incapable de voir dans le regard des autres, autre chose que son propre reflet.
Devenu réfractaire à Wade, il a osé se gausser du « monarque républicain ».
 Et publiquement ! Avec l'insolence en guise d'insoumission.
Quant à Macky Sall, il a profité d’une image qui prenait les couleurs d’une aurore naïve.
Il est arrivé en se pressant… lentement tout en gagnant du terrain, sans avoir l’air d’y toucher, convainquant les sceptiques, les hésitants, les grincheux. 
Les choix de Macky Sall
En 2008, beaucoup de ses camarades de parti et de Sénégalais, ne lui reconnaissaient une épaisseur encore moins une intelligence politique, lorsqu’il se coupait d’Abdoulaye Wade et du Pds.
Sa carrière politique commence au lycée, quand il fréquente les maoïstes.
Etudiant, il « milite » dans le mouvement marxiste-léniniste duquel il s’éloigne, adhère au Pds et vote Abdoulaye Wade aux élections présidentielles de 1983 et 1988.
La même année, il est le secrétaire général de la Convention régionale du parti à Fatick, son lieu de naissance.
Son ascension s’esquisse dans le Pds et dans l’administration en 2000.
Cette année-là, il est nommé directeur général de Petrosen, la société des Pétroles du Sénégal où il occupait le poste de chef de la division Banque de données.
Sa carrière se poursuit dans les différents gouvernements de Wade : ministre de l’Energie et des Mines, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales (chargé de l’organisation des élections), Premier ministre et directeur de campagne pour la réélection de Wade en 2007, Président de l’Assemblée nationale.
 
Son apprentissage des leçons politiques s’affermit, il acquiert de plus en plus d’expériences et tisse ses réseaux de clientèles politiques, économiques, religieux, dans et en dehors du pays.
Il aiguise ses armes sans se faire remarquer dans les agitations fratricides qui minent et secouent dangereusement le PDS, qui le  place loin derrière,  dans la lignée des héritiers que sont Idrissa Seck et Karim Wade.
Abdoulaye Wade en fait le principal instrument mis en action pour faire passer à la trappe, Idrissa Seck. Il s’attelle à la tâche sans état d’âme.
Il accompagne la montée en puissance de Karim Wade, le fils du président dans l’appareil d’Etat et tolère ses manœuvres qui visent la création de la Génération du concret.
Mais ses gages et ses accompagnements n’empêchent pas sa descente aux enfers, et la guérilla menée contre lui par Wade et par ses camarades de parti.
 En 2007, après les élections législatives, il devient Président sous surveillance de l’Assemblée nationale, rétif au projet de « dévolution monarchique » du pouvoir de Wade au fils Karim.
Il entre ouvertement en dissidence en convoquant ce dernier devant le Parlement pour répondre de la gestion décriée de l’Agence Nationale de la Conférence Islamique (Anoci).
 Abdoulaye Wade invite alors ses députés à voter une loi réduisant le mandat du président et du bureau de l’Assemblée nationale de cinq à une année.
En 2008, il fait face au harcèlement politique des proches partisans et des représentants de la frange la plus belliqueuse et arrogante du Pds, qui lui reprochent ses velléités d’autonomie politique ou économique (il est convoqué et auditionné à la police pour cause de blanchiment d’argent).
On lui transmet un message non équivoque : s’aligner ou se faire écraser.
En lui faisant vivre ces affres, Wade et le Pds venaient de dégoupiller une grenade qui leur explosera dans les mains.
En réponse à ce traitement, Macky Sall démissionne du Pds et se défait de tous ses mandats électifs.
 Il réussit ainsi à faire voler en éclat cette image de débonnaire qu’il renvoyait. Il n’était pas nouveau. Il devenait neuf.
Il adopte une stratégie qui déborde du cadre de la succession pour celle de la conquête. Elle lui offre une démarche gagnante.
 Il a fallu de l’habilité, de la détermination et une grande dose de baraka.
 
L’Alliance pour la République (Apr) qu’il crée en 2008 se démarque du Pds et des principaux partis de l’opposition (Ps, Pit, Ld, Reewmi…).
 En sa qualité de Président,il prépare sa revanche,la rage au ventre,mais il n’inquiète personne.
Il sillonne le pays pour présenter son offre politique basée sur une « nouveauté » : la rupture dont lui-même est un symbole, et laisse Dakar aux activités politiques des principaux leaders des autres partis.
 Les points les plus saillants de son discours et de son agenda politiques ont été : 
-         Les marabouts sont des citoyens comme les autres ;
-         La patrie avant le parti ;
-         La lutte contre la corruption ;
-         Le rejet catégorique de la transhumance ;
-         La réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans.
-         La suppression du Sénat ;
-         Le rétablissement du mandat du bureau de l’assemblée de 1 à 5 ans.
-         La déflation institutionnelle et administrative.
En quittant la Place de la Nation, son « mergadou » sous l’aisselle, les cris d’orfraie fusent, mais sur lui, tout semble glisser.
Il devient omniprésent sur le terrain, poursuit sa tâche de laboureur sans relâche. Coup de poker insensé.
 Face à l’omniprésence brouillonne des partisans de Abdoulaye Wade, il avance d’un pas tranquille enveloppé d’une certaine rondeur.
Un de ses ex intimes, dans une confession m’a révélé : « je l’ai observé pendant plusieurs années. Je ne sais pas qui il est ».
Ceux qui ont tenté de le percer donnent l’impression de s’enfoncer dans un labyrinthe. Il fait un pied de nez à tous ceux qui l’avaient sous-estimé.
Il n’assiste pas à la grand’messe des Assises nationales et n’occupe pas les premiers rangs des manifestations organisées par l’opposition et la société civile.
 Face à la coalition de l’opposition Benno Siggil Sénégal, qui ne parvient pas à s’accorder sur une candidature unique (Moustapha Niasse- Tanor Dieng), Macky Sall creuse son sillon et cultive la différence, dans la critique tout en retenue des autres candidats. 
Au soir du 26 février 2012, jour du premier tour de l’élection présidentielle, il se place derrière Abdoulaye Wade, devance Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, mais surtout Idrissa Seck.
 
Macky Sall peut commencer à préparer le second tour de l’élection présidentielle.
 Il bénéficie de l’engagement des candidats de l’opposition à soutenir le mieux placé parmi eux.
Il commence à tisser sa toile, s’écartant de manière stratégique de certains éléments de son agenda du premier tour.
 Il adopte, à partir de ce moment une position d’héritier de Wade, que sa dissidence avait masquée.
Il revient sur sa proclamation de la qualité de citoyen ordinaire des marabouts et sur son rejet des conclusions de Assises nationales qu’il embrasse désormais « avec réserve » dit-on. 
Le jeu de yoyo entre l’agenda politique du premier tour qui affiche l’autonomie vis-à-vis des appareils politiques et des associations de la société civile et promeut la rupture et celui du second tour qui s’aménage des espaces de compromis et des alliances avec certaines forces politiques et de la société civile annonce une gouvernance heurtée, sinon très opportuniste. L’héritier de Wade se dépouille déjà des oripeaux du candidat de la rupture.
 
L’exercice du pouvoir
Au début de son mandat, il s’emploie à incarner un nouveau style politique, celui d’un président moral, transparent, sobre.
Sa volonté d’afficher la rupture lui fait déclarer son patrimoine, engager une politique de réduction du train de vie de l’Etat en restreignant le premier gouvernement à 25 ministres.
Il engage des audits réclamés à cor et à cris par les populations, sur les dignitaires de l’ancien régime, ressuscite la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite, crée l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), n’intercède pas en faveur de Serigne Béthio Thioune emprisonné pour complicité de meurtre de deux de ses disciples.
Suite au réaménagement gouvernemental d’octobre 2012, il supprime le ministère chargé des élections et rend au ministère de l’Intérieur, toutes ses prérogatives dans l’organisation des élections.
Il dissout le Sénat pour cause de réaffectation de son budget à la gestion des inondations de l’hivernage 2012.
Ce qui lui ôte, par ailleurs la possibilité de caser ses partisans et autres alliés qui n’avaient pas trouvé de place dans le gouvernement ou à l’Assemblée nationale. Mais tout cela ne l’a pas empêché d’être pris dans le jeu des alliances politiques et n’a pas permis, on le verra plus tard de « réparer l’image de la politique ».
Les élections législatives qui se tiennent trois mois après la présidentielle ne passionnent pas franchement les Sénégalais car seuls 37% des inscrits ont voté.
La coalition Benno Bokk Yakaar sort vainqueur.
Dès le soir de sa victoire au deuxième tour de la présidentielle de 2012, Macky Sall, se révèle dans l’exercice du pouvoir, marqué par un seul souci, sa réélection pour un deuxième mandat. Son parti, l’APR n’est pas structurée.
 Le PDS, malgré son affaiblissement reste une force avec laquelle il faut compter.
 
 Les différents autres groupes qui se manifestent dans son entourage, y compris familial, revendiquent des agendas différents sinon opposés et en compétition.
La rupture se fait attendre. Le mode clientéliste de gestion de pouvoir n’a pas disparu.
La nomination abusive de ministres-conseillers et l’élargissement du gouvernement, comme les audits engagés et qui tardent à aboutir sont de plus en plus dénoncés.
Le parti prend le pas sur la patrie.
 L’APR truste toutes les positions de directions dans l’administration et les sociétés publiques et parapubliques.
 Les sinécures et le pillage des ressources financières dénoncés par les organes de contrôle sont sans effet, si ce n’est lui-même qui déclare « avoir mis le coude sur certains dossiers ».
Par petites touches, Macky Sall reconduit le modèle dont il a toujours revendiqué le démantèlement : il mène une politique de la fragmentation qui a des conséquences sur l’espace public, en particulier sur les partis politiques, remettant en cause, dans le même temps des stratégies de coalitions.
S’installe par conséquent, une crise de leadership au sein du Parti socialiste, du PIT, de l’AFP et de la LD.
Pour les réfractaires, une cavalerie administrative et judiciaire qui piétine tout sur son chemin est lancée et l’opposition est menacée d’être « réduite à sa plus simple expression ».
 Les différences de traitement sont manifestes, selon que l’on membre du parti ou non, un droit qui n’est pas égal pour tous, parfois teinté d’humiliation, parfois de violence.
Sans dire les pressions exercées sur les concernés par la politique dite de la « traque des biens mal acquis » 
il consacre publiquement la transhumance lors d’un conseil ministériel à Kaffrine en 2015 : « Un homme politique ne doit pas être rancunier, revanchard.
Pourquoi ne devrais-je pas recevoir des gens du Pds ou d’un autre parti qui veulent intégrer l’Apr ?
Je n’ai aucun problème à les recevoir !
La transhumance est un terme péjoratif qui ne devrait jamais être utilisé en politique parce qu’elle est réservée au bétail qui quitte des prairies moins fournies pour aller vers des prairies plus fournies.
Selon les saisons, le bétail a besoin de se mouvoir.
 C’est vrai que c’est par analogie que les gens ont taxé les perdants qui vont vers les vainqueurs.
Ça peut se concevoir mais le terme n’est pas acceptable. Nous avons tous la liberté d’aller et de venir, c’est la Constitution qui nous le garantit.
Ensuite, les acteurs politiques au Sénégal ne sont pas nombreux. Nous avons à peu près 5 millions d’électeurs sur 13 millions de Sénégalais ».
Ce à quoi un observateur avait soufflé avec dépit : “Il a pour lui l’argent, la calculatrice, le coffre-fort et tous les hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que la honte.”
Peu à peu, il détricote la politique de passation des marchés.
 L’inclusion ou l’exclusion des prébendes aux ressources publiques deviennent dès lors, l’unique enjeu des activités politiques.
On assiste à un contournement, voire un détournement des appareils de l’Etat mais elle correspond à des prises de position par rapport à ce dernier qui est concomitant à la reconstitution d’un Etat super-puissant flottant au-dessus de la société dans laquelle la parole libre devient suspecte.
Il met fin aux fonctions officielles de quiconque se déclare contre son 3ème mandat.
Sans en revendiquer l’héritage, il se vêt des habits de Abdoulaye Wade, relativement aux infrastructures, qu’on affichera à la fin de son mandat, sur le tableau des réalisations, que c’est l’élément le plus visible de son « bilan matériel ».
Ce qui n’est pas faux. Face à l’indiscipline et au chantage au vote-sanction, le pays connait une inflation institutionnelle et administrative.
La mise en place du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) est un exemple parmi d’autres, tandis que la patrimonialisation et la privatisation accélérées de l’appareil d’Etat suivent leurs cours.
Aujourd’hui, il se dit que le patrimoine bâti de l’Etat, se réduit à une vingtaine de biens.
 
Première dame
 
Dans une « chronique de l’improviste » en date d’octobre 2016, le statut de l’épouse est posé. « Le texte de Monsieur Mody Niang publié (…) dans la presse pose clairement le cas du statut de ce qu’il est convenu d’appeler Première dame de la République. (…) En son temps. Madame Colette Senghor s’est distinguée par une discrétion, un mutisme, si ce n’était une mutité.
Durant les années 1980-1990, (…) au plan politique (politicien), une campagne de désenghorisation est lancée. Elle n’a pas seulement pour objet, de trouver une nouvelle honnêteté à Abdou Diouf. Son épouse est également dans la propagande qui fit entendre à tous les Sénégalais que le Palais venait d’être occupé par (presque) d’authentiques Sénégalais (…)
Après une décennie de silence, Madame Diouf opère sa mue, prononce un discours, est aux premiers rangs des fidèles lors de la visite du Pape Jean Paul II, sort de sous le couvert de la Fédération nationale de l’action sociale (Fnass).
L’histoire retient qu’en pleine période de préparatifs du 20ème anniversaire de cette fédération, Abdou Diouf trouve un prétexte pour le faire reporter. Deux mois après, la Fondation de son épouse était créée. Madame Diouf s’affirme alors comme actrice de la vie publique, notamment avec sa fondation Solidarité-Partage.
A l’époque déjà, et plus encore après la chute du Président Diouf, des voix se sont élevées pour dire l’opacité qui entourait l’objet, son fonctionnement et sa gestion et ont rebaptisé la « Fondation Solidarité, Partage… du gâteau ».
Les années 2000 seront celles de la Sénégalaise décomplexée, qui revendique sa part de légitimité dans la construction nationale, comme Viviane Wade réclame sa sienne dans le Sopi. (…).
 Exaltée par la victoire de son époux, elle sort du Palais, va faire son marché, participe à une marche pour protester contre les violences faites aux femmes, interpelle des soldats en partance pour le Congo en les mettant en garde contre les risques que des vendanges non protégées pourraient causer des récoltes sidéennes et précipite dans la nuit d’un tombeau, la Fondation de Madame Diouf.
 Elle crée l’«Association Education-Santé », fait construire un hôpital à Ninéfécha, administré par le ministère des Forces Armées.
 Le ministère de la Santé de l’époque avait mis à sa disposition un personnel médical. Ce qui avait fait dire à un opposant de son présidentiel époux, non sans raison d’ailleurs : « En réalité c’est un président bis ». Maître Wade avait, quant à lui qualifié son épouse de « sa première opposition » (…).
Quant à Marième Faye Sall, elle est décrite comme étant « cette femme qui s’était engagée sur le terrain politique aux côtés de son époux, participant à la mobilisation des électeurs, en pantalon jean et un T shirt à l’effigie du candidat, une casquette vissée sur la tête »
Le couple qu’elle forme avec l’actuel président de la République, constitué de deux êtres nés après l’indépendance du pays, nous renvoie sa différence avec la vieille classe politique et son engagement « naturel » avec la rupture.
Dès l’accession de son époux à la Présidence de la République, le ton est donné : elle, Sénégalaise bon teint, de père et mère, n’est pas venue d’ailleurs.
Cette fois-ci (…), pas d’étrangère. Mais très vite, elle fait l’objet, à tort ou à raison d’alarme dynastique, entre faits de Première Dame, bon plaisir et esprit de cour. Sur son blog, il est inscrit : Marième Faye Sall, Première Dame du Sénégal- Blog officiel, mettant en exergue un lien privé qui donne un privilège public.
La Fondation elle-même, n’a ni site, ni blog. Ou s’ils existent, ils ne sont pas référencés. Quand ce n’est pas la société de Loterie nationale sénégalaise qui offre des ambulances à la « Fondation Servir le Sénégal » qu’elle a mise en place, «elle bénéficie de nombreux soutiens matériels et financiers de mécènes qui cherchent peut-être le retour de l’ascenseur », selon Monsieur Baba Tandian, (…). Toutes ces Premières dames ont quelques points communs.
A un moment ou à un autre du ou des mandats de leurs présidentiels époux, elles ont arbitré des querelles politiques, en faisant prévaloir leurs préférences e/ou leur détestation.

Seule leur façon de faire est différente. Et c’est là où se situe le nœud du problème. Pas élues, (les électeurs votent pour un candidat et non pour un couple), elles ont plongé (hormis Madame Senghor), avec leur fondation ou association dans des domaines sociaux qui ne sont en rien liés à leurs trajectoires personnelles, mais dont une dynamique a pris forme en les faisant passer de l’effacement à une visibilité accrue grâce à leurs actions humanitaires ou sociales, leur octroyant un rôle politique manifeste.
L’objectif de leurs fondations, leur mot d’ordre est d’identifier les groupes vulnérables, de diminuer les souffrances, de dérouler une politique compassionnelle, s’arrimant ainsi dans cette niche sociale d’un Etat en ruine et d’une privatisation de la redistribution sociale.
C’est là que se sont affirmées et continuent de l’être, les activités les plus symboliques et les plus politiques. Le départ du pouvoir du Président battu s’accompagne généralement d’une vague de rejet de l’épouse, qui juste avant l’élection perdue avaient subjugué par leur charme, leur générosité, leur simplicité.
Dérivé du « First Lady » américain, le terme Première dame devient l’équivalent qui qualifie l’épouse du candidat sorti vainqueur de cette élection présidentielle, Macky Sall. (…).
Cette évolution a contribué à façonner les frontières des sphère publique et domestique que chevauche le pouvoir politique, au point où des voix se sont élevées pour qu’une fonction politique officielle leur soit attribuée.
 Mais officielle ou pas pourra-t-on un jour dissoudre les humeurs d’une première dame dans une solution constitutionnelle ? ».
Marième Faye Sall a toujours nié la place centrale qu’elle a occupée dans la gouvernance de son époux.
Malgré ses déclarations, elle a pesé de plus en plus lourd et son rôle s’est élargi au fil du temps.
 « Si nous sommes ministres, Matar Ba et moi, nous le devons à Marième Faye » avait lâché Mbagnick Ndiaye, nouvellement promu au ministère de la Culture.
Elle a intéressé, elle a intrigué, elle a choqué ou impressionné, boulet pour les uns, atout charme pour les autres. 
Quelques mois avant la présidentielle de 2024, sa fondation est officiellement dissoute. 
Le couple Sall, aujourd’hui installé au Maroc, a laissé la place à un tout nouveau président de la République du Sénégal, élu et… polygame. Mais je m’égare…
Découvertes gisements de gaz et de pétrole
En 2014 surviennent les premières découvertes en hydrocarbures dans le pays. D’abord le gisement de Sangomar, qui promettait des revenus à hauteur de 24 milliards USD ensuite ceux de GTA en partage avec la Mauritanie, dont les retombées étaient évaluées à environ 15 milliards USD.
Puis survient le scandale Petrotim avec le sulfureux homme d’affaires Frank Timis.
Quand bien même le fin mot de cette histoire n’est toujours pas connu, le gouvernement a rendu public tous les contrats sur le pétrole et le gaz conformément à l’adhésion du Sénégal à l’ITIE.
 Outre les sociétés américaines et britanniques, Total jadis prudent arrive en 2017.
Le major français paraphe un contrat avec l’État et se voit octroyer le bloc Rufisque Offshore profond, soulevant une grosse polémique ayant abouti au limogeage ou à la démission de Thierno Alassane Sall.
Entretemps le retard de la production s’accumule. Les premiers barils qui devaient être chargés en 2022 puis en 2023 devront attendre au plus tôt, le troisième trimestre 2024.
Rapports avec l’opposition
Il n’y a pas de succès politique sans l’échec des concurrents ou des adversaires et surtout de ceux qui avaient été des amis ou mieux des « frères ».  
D’anciennes pratiques sont reconduites : l’utilisation politique de la CREI, à la condamnation de Karim Wade et de celle de Khalifa Sall, la défenestration de Nafi Ngom Keita de l’OFNAC qui s’est rendue coupable de se plaindre de ne pas avoir été reçue pour transmettre les rapports de son organisation. 
Karim Wade sera la première tête de turc de Macky Sall, dans la « traque des biens mal acquis » conduite par la Crei en mars 2013.
Il disposait d’un mois pour justifier sa fortune que l’Etat estimait à 600 milliards de F Cfa.
Le délai arrivé, il est écroué et condamné après deux ans, en mars 2015 à 6 ans de prison et à une amende de plus de 135 milliards.
 Le procès fut une véritable traversée du miroir qui finit par coiffer un prévenu impopulaire d’une couronne de martyr et de prisonnier politique victime d’un acharnement judiciaire.
Libéré en catimini en juin 2016, suite à une grâce présidentielle (alors qu’il réclamait un nouveau procès), il s’envole, avec l’obligation de ne plus venir à Dakar, en compagnie du procureur général du Qatar, envoyé par l’Emir en direction de Doha.
Ce qui présageait une situation politique invalidante de sa participation à l’élection présidentielle à venir.
En mars 2016, un référendum constitutionnel est organisé, comportant 15 points dont la participation de candidats indépendants à tous les types d’élections, la reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens, la restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel, l’élargissement des pouvoirs de l’Assemblée nationale quatre points allaient s’avérer capitaux à veille de la présidentielle de 2014 : la  soumission au Conseil constitutionnel des lois organiques pour contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation , l’augmentation du nombre des membres du même conseil, la désignation par le président de l’Assemblée nationale de deux de ses sept membres, l’élargissement des compétences du Conseil constitutionnel pour donner des avis et connaitre des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’appel,  L'intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, la laïcité le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l'État, au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du Président de la République.
Khalifa Ababacar Sall, maire de Dakar, appelle à voter massivement non.
 Quelques mois après, en 2017, il est accusé de détournement de ce qu’on a appelé « la caisse d’avance », pour une valeur de 1,8 milliard.
Il est condamné à cinq ans de prison et incarcéré, après avoir été révoqué de sa fonction de maire.
 Auparavant, son immunité parlementaire a été levée. En mode fast track, il devient ni électeur, ni éligible.
Ces partisans et avocats ont très vite dénoncé cette décision contre l’un des principaux opposants de Macky Sall qui devait briguer un second mandat en 2019. 
Karim Wade et Khalifa Sall ont été les victimes d’opérations de moralisation de la vie politique sénégalaise qui dissimulait mal des sentiments moins nobles relevant davantage du règlement de compte. 
Le deuxième mandat
A l’élection de 2019, Macky Sall en sort vainqueur dès le premier tour, devançant Idrissa Seck et Ousmane Sonko.
 Si Idrissa Seck a été étrangement muet après cette élection, Ousmane Sonko, n’a pas hésité à réserver ses critiques et railleries aux petits et grands cénacles, lapidant de lazzi Macky Sall en place publique, qu’il réduisait en dictateur et qu’il menaçait d’occire comme Samuel Doe. 
Ses contestations étaient permanentes et avaient trouvé écho parmi de grandes franges de la population, particulièrement chez les jeunes, toujours habile de prendre l'opinion à témoin, la ranger du côté de sa bonne foi apparente, de sa victimisation, sinon de son bon droit.
Sa force, celle de son parti et de ses animateurs, a certainement résidé dans leur capacité à incarner une nouvelle figure de la politique qui replace, l’honnêteté, l’engagement, le patriotisme et la citoyenneté au cœur des récits et imaginaires d’une part importante de la jeunesse.
S’il est sans doute encore trop tôt pour évaluer les effets profonds de ces manières de se dire et de se penser dans l’espace social elles semblent néanmoins renouveler, sans nécessairement les épuiser, les formes d’inscription de la jeunesse dans le champ politique et social depuis l’indépendance.
En janvier 2018, un massacre est perpétré dans la forêt de Bayotte en Casamance. Le gouvernement prend des décisions quant  à l’exploitation (illicite) de bois.
Le MFDC a été le premier suspect des médias et du gouvernement.
Puis des soldats sénégalais ont été retenus en otage. Il n’en fallait pas plus, pour que Macky Sall, Chef suprême des Armées fasse bombarder les bases des rebelles et quand il  déloge Yaya Jammeh, obligé de s’enfuir en Guinée équatoriale, cela tient plus du style de commando que d’une négociation diplomatique.
L’épidémie de la Covid en février 2020 fait enregistrer une hécatombe sur le plan humain et met à nu, les fragilités système sanitaire et plus tard, au plan de la gestion des ressources financières qui avaient été affectées pour l’endiguer.
 Les restrictions qu’imposaient les risques sanitaires obligent les Sénégalais d’observer un couvre-feu, qui lui, un soir, n’a pas été respecté par Ousmane Sonko qui s’est vu accusé de viol par une jeune dame officiant dans le salon de beauté où il allait se faire masser pour calmer ses douleurs lombaires qu’il ressentait depuis sa tendre enfance.
 Un imbroglio s’ensuit. Tout le monde accuse tout le monde : viol, complot, subornation de témoins…
Sa convocation en mars 2021, au tribunal met le feu aux poudres.
Ses partisans, convaincus que l’Etat de Macky Sall veut lui faire subir le même sort que celui de Karim Wade et de Khalifa Sall, parce que non formel investissent la rue et tentent de l’empêcher d’aller répondre au juge qui l’avait convoqué.
La réplique des forces de l’ordre est ferme, la riposte l’est tout autant. Plus d’une soixantaine de morts que les deux camps font porter chacun à l’autre, des biens publics et privés pillés ou saccagés.
Du côté de la présidence de la République, c’est le mutisme face au bilan de la violence.
Macky Sall donne l’impression de compter sur la peur d’une situation chaotique et violente qui pourrait jouer dans l’essoufflement progressif des mobilisations. Il n’en a rien été. 
En réaction, l’Etat prend des mesures drastiques contre un discours violent, et qualifie les manifestants et leurs chefs de terroristes, mus par des forces occultes.
   D’autant que les médias locaux et étrangers, les réseaux sociaux, contribuent à alimenter l’image d’un pays à feu et à sang. 
Les élections législatives organisées en janvier 2022, ont vu l’Assemblée nationale être configurée autrement que ce que les résultats des législatives avaient donné depuis l’indépendance : un presqu’équilibre entre le nombre de députés de la coalition de la majorité et celle de l’opposition.
A l’ouverture de cette 14ème législature, on assiste à une impression de déliquescence, un cirque dans lequel chaque acteur s’est efforcé d’enfoncer un clou de plus dans le cercueil de la démocratie.
 Il y a eu le spectacle offert par les nouveaux députés, les insultes, les suspensions de séances, la transformation des élus du peuple en acteurs tik tok, et une ceinture de gendarmes protégeant l’urne pour que le vote puisse se tenir. Cette opération se répètera plus tard.
Le 1er juin 2023, le verdict tombe, du procès opposant Adji Sarr qui avait accusé Ousmane Sonko de viol : corruption de la jeunesse.
Les manifestants réinvestissent la rue, la violence refait surface, des nervis sont utilisés de part et d’autre, les pillages reprennent.
 On compte des morts, dont les plus emblématiques sont deux filles brulées dans un véhicule de transport en commun. 
En réaction, l’Etat emprisonne à tout va.
Manifestants ou soupçonnés tels. Les prisons sont surchargées de « terroristes et d’indépendantistes », plusieurs cadres du Pastef emprisonnés ou affublés d’un bracelet électronique, Ousmane Sonko est condamné par contumace, et le Pastef dissout.
Plus tard, il sera emprisonné dans le même temps son éligibilité et son droit d’électeur.
Macky Sall, évasif ou muet sur son éventuelle candidature à un 3ème mandat, fait réagir l’opposition à qui on peut tout reprocher sauf de manquer d’imagination dans les choix de création de collectifs, et ce, jusqu’à la veille de l’élection et que Macky Sall, après avoir déclaré sa non-candidature le 3 juillet 2024, s’est mis en tête de se raviser et développe des stratégies spécieuses pour faire reprendre le processus électoral.
Pendant trois ans, des coalitions de l’opposition se sont succédé, bâties par les mêmes hommes et femmes, et souvent avec le socle discursif.
Nous avons eu droit à toutes les compositions politiciennes d’hommes et de femmes qui sensiblement ont des parcours et des partis divergents mais savent faire front au nom d’intérêts propres.
Le tout entretenant un combat entre deux hommes.
Ousmane Sonko en prison, se résout à faire de Bassirou Diomaye Faye, le candidat de Pastef et de la coalition qui le soutient, après avoir porté son choix sur Habib Sy, dont la candidature avait été validée par le Conseil Constitutionnel, suite au parrainage des élus. Cheikh Tidiane Dièye lui, passé le tamis des parrainages, dont la candidature elle aussi a été validée par le Conseil constitutionnel, renonce à sa candidature.
Habib Sy en a fait de même. Décisions refusées par le Conseil Constitutionnel.
Du côté de la coalition au pouvoir, « le choix de raison » porté sur Amadou Bâ, fit naître des contestations reposant sur le fait « qu’il n’avait pas une légitimité historique ».
Les protestataires opèrent une intensification et une radicalisation contre ce choix, soutenus par Macky Sall aveuglé par une haine qui ne veut pas dire son nom, qui leur souffle à l’oreille, parfait connaisseur des méandres de la politique politicienne, dans une cacophonie favorable à toutes sortes de manœuvres, fait ouvrir les portes de la prison à ces centaines de manifestants « pro Pastef », et suite à ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui, le «Protocole du Cap Manuel », choisit d’amnistier Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye qui recouvrent la liberté.
 
Comme Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, les deux mandats de Macky Sall ont été traversés par Farba Ngom, son griot, dont on dit qu’il avait le pouvoir de faire ou défaire des carrières.
 Député et maire, il est nommé secrétaire national de l’Apr, chargé de l’organisation et de la mobilisation.
Sa richesse, il la doit à son travail et aux transactions immobilières qu’il opère depuis plus de 20 ans, dit-il.
Gent d’arme oral pour Macky Sall, il a été pendant tout le temps à ses côtés, un personnage clivant. 
La campagne électorale se tient en 10 jours au lieu des 21 prévus par la loi. Macky Sall organise un dialogue boudé par les candidats validés.
Dans une saute d’humeur, il lance, « mon départ, du pouvoir, c’est le 2 avril. J’en ai assez ».
Au soir du 24 février, Bassirou Diomaye Faye gagne l’élection, au premier tour, avec 54% des suffrages exprimés. 
Aucun recours n’a été porté.
C’est dans cette conjoncture qu’il faut lire le futur du Sénégal.
On dit que le premier mandat d'un Président de la République lui permet d'imprimer sa marque, et que le deuxième contribue à préparer sa place dans l'Histoire.

Le nouveau pouvoir est-il capable de bâtir de nouvelles formes d’interventions politiques et d’alliances pour promouvoir la rupture promise depuis 2000 ?
 D’autant plus que cette génération est la plus à même de trouver un langage qui lui est propre, pour enfin cesser d’être une héritière. Au passage, certains observateurs, analystes, de la scène politique, écrivent ou disent qu'il faut cent jours pour réussir. Mais que ces cent jours ne se situent pas à la fin mais au début d’un quinquennat.
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