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Joseph Kony, le mystique « saigneur » de guerre ougandais

Dimanche 1 Janvier 2023

D'après "Jeune Afrique", c’est l’homme le plus recherché d’Afrique. Le fondateur de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), un groupe rebelle qui a semé la terreur pendant plus de trente ans en Ouganda, est traqué depuis 2005 par la justice internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.


Vingt années de recherche, cinq mille soldats lancés à ses trousses par l’Union africaine, près de 800 millions de dollars dépensés. Et pourtant, Joseph Kony reste introuvable. Jamais la traque d’un fugitif africain n’avait mobilisé autant de ressources et d’hommes. Invisible, le chef de guerre ougandais, aujourd’hui âgé de 61 ans, court toujours, tapi dans les bois, quelque part dans les immenses forêts d’Afrique centrale.


À plusieurs reprises, les forces spéciales américaines avaient semblé à deux doigts de le capturer. Chaque fois, le fondateur de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), un sanglant mouvement rebelle ougandais, a su déjouer les pièges. Comme en 2014, où l’on a cru le débusquer dans les galeries forestières du Haut-Mbomou, une région située dans l’extrême sud-est de la Centrafrique, frontalière avec le Soudan du Sud et la RD Congo. Les membres de la LRA s’étaient dispersés dans ces trois pays, après avoir été définitivement boutés hors des frontières ougandaises en 2005.

Alors que l’assaut américain s’était concentré aux alentours de la ville d’Obo, en Centrafrique, Joseph Kony s’était enfui vers le Darfour, d’où il a, pendant des années, bénéficié du soutien logistique et armé du régime d’Omar el-Béchir. « Kony n’avait pas peur des Américains. Il vit dans la brousse. Il va où il veut. La stratégie américaine consistait à le localiser, puis à envoyer des avions et des soldats au sol pour l’arrêter. Mais Kony était déjà parti », raconte un ancien commandant de la LRA dans Croisade américaine en Afrique, un documentaire de Jean-Baptiste Renaud, diffusé en 2019 sur la chaîne franco-allemande Arte.

Mystique 
Passé maître dans l’art du camouflage, l’Africain le plus recherché du monde a toujours eu une longueur d’avance. Sa tactique : la diversion. « Quand il doit changer de planque, ses combattants commettent des exactions un peu plus loin, afin d’entraîner les forces locales sur leur piste. Kony se déplace ensuite discrètement, en suivant un sentier parallèle, protégé par ses femmes et ses enfants, confiait cette même année à Libération Moctar Tidjani, ancien préfet du Haut-Mbomou. J’ai passé des années en brousse à guetter chaque signe, à scruter chaque détail. Je suis certain de m’être souvent approché de lui. [Mais] personne ne l’a jamais trouvé parce qu’il applique une stratégie dont nous n’avons jamais cerné l’entière logique, une stratégie qui reste un mystère. »


Créée dans la deuxième moitié des années 1980, la LRA a sévi pendant plus de trois décennies dans le nord de l’Ouganda. À sa tête, Joseph Kony, surnommé « le messie sanglant », est accusé d’avoir tué plus de 100 000 personnes et enlevé entre 60 000 et 80 000 enfants afin de garnir ses troupes. Viols, meurtres, tortures… Les crimes de ces enfants-soldats, qui ont grandi dans la brousse et dans la violence, ont provoqué le déplacement de plus de 2 millions d’habitants.

Issu de l’ethnie acholi, le chef rebelle se présente comme un mystique. Il voulait renverser le gouvernement de Yoweri Museveni – qui a pris le pouvoir en 1986 à la suite d’une guerre civile fratricide –, afin d’instaurer une théocratie chrétienne fondée sur les dix commandements de la Bible.

« Tuer n’était plus un crime »
Les enfants étaient arrachés à leurs parents lors de raids dans les villages ou dans les écoles. « Je n’ai jamais eu le choix. Ils m’ont fait tuer un tas de gens. Ma première victime a été une femme. Après, je me suis habitué à tuer. Tuer n’était plus un crime. Tu tues qui tu veux. C’était vraiment terrible », se repent Geofrey Otéma, qui fut kidnappé à l’âge de 12 ans, dans Wrong Elements, un film du journaliste franco-américain Jonathan Littell (2016). 

La traque de Joseph Kony, défait en 2002 à la suite des offensives de l’armée ougandaise, puis recherché par la Cour pénale internationale (CPI) à partir de 2005, s’est intensifiée en 2011 sous la présidence de Barack Obama après l’annonce de l’envoi d’une centaine de conseillers militaires américains en Ouganda et dans les pays limitrophes.

Les opérations militaires ont toutes échoué, et, en 2017, les États-Unis ont même renoncé à poursuivre la filature. Ils n’ont pas pour autant abandonné la partie, promettant une prime de 5 millions de dollars à quiconque contribuera à la capture de Kony. Ces traques ont par ailleurs abouti à la reddition de plusieurs combattants de la LRA, dont Dominic Ongwen, le bras droit de Kony. Sorti du bush en Centrafrique, il s’est rendu en janvier 2015.

Ongwen, « la fourmi blanche » 
Enlevé à l’âge de 9 ans sur le chemin de l’école, Ongwen, qui avait gravi pendant une trentaine d’années tous les échelons de la LRA, pensait pouvoir bénéficier d’une amnistie et réintégrer la vie civile, comme ce fut le cas pour plusieurs milliers d’enfants-soldats, le pouvoir central, engagé dans un processus de réconciliation nationale, ayant préféré « oublier » leurs crimes.

Jonathan Littell a filmé en exclusivité le moment de sa remise, par l’armée ougandaise, aux forces de l’UA. « À l’école, quand un professeur vous dit qu’une personne est comme ci ou comme ça, vous le croyez. Selon Kony, le président de l’Ouganda [Yoweri Museveni] a un plan pour tuer tous les Acholis. Et vous, les Acholis du bush, devriez savoir que votre mission consiste à sauver les autres Acholis. Vu mon jeune âge et l’étroitesse de mon esprit, j’ai cru que c’était vrai », avait alors justifié celui qui se faisait appeler « la fourmi blanche ».

Condamné en première instance, en mai 2021, à l’issue de six années de procès, Dominic Ongwen a été reconnu coupable de 61 chefs d’accusation, dont ceux de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, mais aussi de meurtres, viols, esclavage sexuel, enrôlement d’enfants-soldats, et, enfin, de « grossesses forcées », une notion que la CPI a utilisée pour la première fois. Le 15 décembre 2022, la Cour a confirmé, en appel, sa condamnation à une peine de vingt-cinq années de prison. 


Quant à celui qu’Ongwen considérait comme un dieu, il court toujours. La CPI n’a pas pour autant renoncé à l’arrêter. Le 28 novembre, Piotr Hofmanski, le président de la Cour, s’est rendu à Bangui quelques jours après que Karim Khan, son procureur, a demandé aux juges de confirmer les charges retenues contre Kony, qui, selon plusieurs sources, ne dirigerait plus qu’une poignée de fidèles.

Vers une reddition ?
Alors que la LRA faisait partie des groupes rebelles qui se livrent à des exactions en Centrafrique, les autorités de ce pays ont annoncé, il y a un an, étudier une demande de naturalisation du chef de guerre. « Ses hommes ont décidé de déposer les armes. Selon les informations dont je dispose, Joseph Kony veut prendre la nationalité centrafricaine et rester en Centrafrique. Une réflexion est en cours. Il a fait part de ses intentions, on les a prises en compte », avait confié Virginie Baïkoua, la ministre centrafricaine de l’Action humanitaire, sur les ondes de la radio allemande DW.

Sommes-nous enfin proches d’une reddition du « Messie sanglant » ? Pour les familles de ses dizaines de milliers de victimes, l’espoir reste permis. 
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