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Mimi Touré, la dame de pique de Macky Sall

Mardi 14 Juin 2022

Quelques jours après notre rencontre, les partisans de l’opposition affluaient sur la place de la Nation à l’appel des principaux partis de l’opposition. D’ici aux élections, ils ne comptent pas désemparer, même si le préfet de Dakar entend contrarier leurs plans. Il faut dire que durant cette campagne électorale atypique, le débat ne porte pas tant sur les programmes respectifs des coalitions en lice que sur les chausse-trappes – parrainages, parité… –, qui valent à de nombreux impétrants de voir leurs ambitions électorales tuées dans l’œuf. Sans parler de la procédure intentée devant la Cour suprême par l’avocat Abdoulaye Tine pour faire annuler in extremis la loi sénégalaise sur les parrainages, en se prévalant d’une décision de la Cour de justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). La requête, qui devait être audiencée le 9 juin à Dakar, a finalement été reportée au 23 juin.


 La liste nationale des suppléants de sa propre coalition (Benno Bokk Yakaar – BBY) a en effet été écartée par le ministère de l’Intérieur, une décision confirmée par le Conseil constitutionnel. Celle des titulaires de son principal adversaire de l’opposition, la coalition Yewwi Askan Wi (YAW), l’a été, elle aussi. Mais contrairement à Ousmane Sonko, l’ancienne Première ministre pourra, elle, demeurer tête de liste, tenant la barre en dépit des embruns.

Retour au front
Depuis notre première rencontre pour Jeune Afrique en janvier 2013, alors qu’elle occupait le poste hautement sensible de ministre de la Justice, Mimi Touré n’a guère changé. À l’époque, déjà, elle se trouvait sur la ligne de front, à l’approche de deux procédures judiciaires aussi sensibles que symboliques. Celle visant l’ancien président tchadien Hissène Habré, instruite puis jugée au Sénégal par des Chambres africaines extraordinaires ayant reçu leur mandat de l’Union africaine ; et celle, plus controversée, qui allait aboutir en mars 2015 à la condamnation de l’ancien ministre Karim Wade à six années de prison pour enrichissement illicite. Un baptême du feu qui allait forger la légende de la « Dame de fer », surnom qu’elle abhorre à juste titre.


Lorsque nous l’avons rencontrée à nouveau, en juin 2014, Aminata Touré était entre-temps devenue Première ministre. Une consécration pas seulement personnelle pour cette ancienne fonctionnaire internationale, militante (trotskiste) dès son plus jeune âge, qui plaide sans relâche pour la promotion des femmes africaines aux postes de responsabilité, notamment en politique. L’expérience sera brève et s’arrêtera brutalement. Désignée par Macky Sall pour une mission à haut risque – la conquête, lors des locales de juillet 2014, de la mairie de Dakar, alors détenue par le socialiste Khalifa Sall –, Mimi Touré échoue et perd son poste dans la foulée.

S’ensuivront une traversée du désert – elle endossera le titre, aux contours mal définis, d’envoyée spéciale du chef de l’État –, puis un retour en grâce relatif, à la présidence du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Une fonction de prestige, loin du champ de bataille politique, pour cette militante dévouée qui s’épanouit dans les joutes plus que dans l’ambiance feutrée des bureaux de la haute fonction publique.

C’est donc avec un enthousiasme non dissimulé qu’elle se frotte aujourd’hui à une compétition électorale où elle part en position de force mais où l’adversité est en embuscade. À la tête de la liste nationale de la coalition présidentielle, face à une liste « bis » de l’opposition, laquelle a perdu ses têtes d’affiche du fait de leur invalidation, la mouvance présidentielle est donnée favorite. Mais en face, le mot d’ordre est clair : « Imposer à Macky Sall une cohabitation. »


« Une cohabitation ? Nous ne l’envisageons pas ! », assène Mimi Touré, qui entend bien rafler la mise et assurer à Macky Sall une majorité confortable jusqu’au terme de son second mandat, en 2024. Quant à l’agitation créée ces derniers jours par l’opposition, qui demande – une fois n’est pas coutume – un report du scrutin en raison des invalidations en série, l’intéressée écarte ce scénario de façon cinglante : « Les élections législatives se tiendront à date échue, car le Sénégal reste un État de droit. Par conséquent, les menaces et les cris d’orfraie d’opposants déboussolés ne pourront constituer un frein à cet élan. »

Jamais élue
« Le mérite de Mimi Touré est que lorsqu’elle mène un combat, c’est avec courage et abnégation », lui rend hommage un opposant, tout en soulignant que « son parcours est le reflet du jeu de yoyo auquel joue Macky Sall avec plusieurs responsables politiques de son propre camp ». Selon la même source, Aminata Touré « a la capacité de se rebeller sans totalement s’éloigner de sa mouvance politique. Et elle a cette faculté de toujours revenir au premier plan ». Une trajectoire politique qui évoque en effet le mouvement du Culbuto, ce jouet pour enfants qui revient toujours à la verticale, droit comme un « i », quels que soient les mouvements de bascule qu’on lui inflige.

Comme elle le déclarait à JA il y a encore quelques mois, « en politique, l’ambition n’est pas un délit, au contraire. Dans un système politique concurrentiel, on ne reste pas assis à regarder passer les trains ». Une antienne qu’elle répète aujourd’hui, à la veille d’une joute capitale : « Un responsable politique qui vous dit qu’il n’a pas d’ambition, il vous ment ! »


De fait, sur la scène politique nationale, difficile de trouver une femme plus capée. Si Mame Madior Boye, issue de la magistrature, l’avait précédée à la Primature – elles ne sont que deux femmes à avoir occupé la fonction de Première ministre depuis l’indépendance –, sa carrière en politique s’était arrêtée là. Quant à l’ex-socialiste (frondeuse) Aïssata Tall Sall, devenue ministre des Affaires étrangères en novembre 2020, elle peut se prévaloir d’une carrière politique plus ancienne et d’un poste de ministre de la Communication et de porte-parole du gouvernement à la fin du règne d’Abdou Diouf. Mais son parcours, depuis l’élection de Macky Sall, en 2012, est moins étoffé que celui de l’actuelle tête de liste de BBY. Il manque toutefois à Mimi Touré un trophée à accrocher au mur de sa carrière politique : celui de députée. Car jusque-là, elle a toujours été nommée… sans jamais n’avoir été élue.

Ville rebelle
Au nombre de ses ambitions affichées, outre la victoire finale, Mimi Touré évoque la conquête de la capitale, cette enclave frondeuse qui échappe depuis 2009 – sous Abdoulaye Wade – au pouvoir en place. « C’est une ville rebelle où se concentrent les difficultés que peuvent rencontrer les populations sénégalaises, comme le coût de la vie en général et celui du logement en particulier », analyse-t-elle.

Si elle rappelle qu’aux précédentes législatives, en 2017, la majorité présidentielle avait devancé l’opposition dans le département de Dakar, elle omet cependant de préciser qu’à l’époque, cette victoire s’était jouée à seulement 2 000 voix d’écart face à la coalition emmenée par Khalifa Sall, alors emprisonné. À la présidentielle de 2019, là aussi, le résultat fut mitigé. Face à Macky Sall, les deux principaux opposants à l’époque, Idrissa Seck et Ousmane Sonko, avaient, à eux deux, cumulés plus de voix à Dakar et dans sa région que le président sortant. Si Idrissa Seck a depuis rallié la majorité en étant nommé au Cese, où il a justement ravi sa place à Mimi Touré, il est peu probable que son électorat de l’époque l’ait suivi dans cette migration.

Il n’en reste pas moins que les sept sièges de députés dévolus à la capitale ne feront pas l’élection. Et que même en cas de victoire de la liste emmenée par l’opposant Barthélémy Dias, élu maire de Dakar à l’occasion des locales de janvier 2022, il en faudrait plus aux détracteurs de Macky Sall pour imposer au chef de l’État la cohabitation à laquelle ils aspirent.

En attendant l’issue de ce scrutin sous haute tension, « la vie sans Premier ministre » ne saurait s’éterniser, estime celle qui a eu à exercer cette fonction. « Je pense qu’il faudra en nommer un au lendemain des législatives, car celui-ci devra sortir des rangs de la nouvelle majorité parlementaire. C’est une fonction importante, une tâche nécessaire. »,Dépourvue de suppléant pour lui succéder à l’Assemblée, il est toutefois peu probable que Mimi Touré réponde favorablement, cette fois-ci, au casting.

Jeune Afrique
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