Menu

Le président Macky Sall hors-jeu en 2024

Jeudi 24 Décembre 2020

Des partisans du pouvoir évoquent une pseudo-jurisprudence Wade sans en connaitre ni le sens, ni la portée. Le projet de suppression des villes n’a qu’une et seule finalité : celle électorale - ENTRETIEN AVEC SEYBANI SOUGOU


Le juriste Seybani Sougou se prononce sur le 3e mandat et démonte les arguments fallacieux des manipulateurs qui distillent la potentielle 3e candidature de Macky Sall en 2024. Il n’a pas manqué de souligner l’ignorance profonde du ministre Oumar Guèye des textes du Code général des collectivités territoriales quand il parle de l’éventuelle suppression de la Ville.

SenePlus : Le débat sur le 3e mandat ressurgit. Pourquoi tout d’un coup, les partisans de Macky Sall investissent les médias et distillent la possibilité d’une 3e candidature de leur leader ?

Seybani Sougou : C’est un débat abject et indigne du point de vue de l’éthique, de la morale et du droit. Du point de vue de l’éthique et de la morale, ce débat heurte profondément et choque les citoyens sénégalais. A la veille de la présidentielle de 2019, le candidat Macky Sall a écrit un ouvrage intitulé « Le Sénégal au cœur » dans lequel, il déclinait sa foi et son ambition pour le Sénégal et où il précisait de manière claire, nette et précise à la page 165, qu’il sollicitait la confiance de nos compatriotes pour un second et dernier mandat. Le comportement de Macky Sall relève d’une forme d’escroquerie politique indigne de quelqu’un qui a abaissé la fonction présidentielle à un niveau jusque-là insoupçonné. Par ailleurs, le fait de se dédire «Wakh Wakheet» constitue une transgression absolue des règles morales. En Afrique, berceau de la tradition orale, la parole revêt un caractère sacré qui se transmettait de génération en génération. Si l’histoire de l’Afrique ancienne a été en grande partie reconstituée, c’est grâce à la fiabilité des sources orales, considérées comme des sources à part entière, au même titre que les sources écrites. Du point de vue du Droit, ce débat est un non-sens total, puisque les textes et notamment la Constitution sont très clairs : Macky Sall ne peut en aucun cas être en situation de briguer un troisième mandat (il n’y a aucun doute, à ce niveau, sauf pour les charlatans).

Le journaliste Madiambal Diagne parle de la jurisprudence de Wade pour légitimer le 3e mandat. Son confrère Mouth Bane, lui, parle du Conseil constitutionnel qui a validé depuis 2016 la 3e candidature de l’actuel président. Quelle appréciation faites-vous de ces sorties qui s’apparentent de plus en plus à de la manipulation ?

De nombreux partisans du régime comme Madiambal Diagne évoquent à hue et à dia une pseudo-jurisprudence Wade, sans en connaitre ni le sens, ni la portée. Primo, il faut comparer ce qui est comparable. La situation de Wade n’a rien à voir avec celle de Macky Sall. Elu en 2000 sous l’empire de la Constitution de 1963, Abdoulaye Wade a proposé aux Sénégalais une nouvelle Constitution qui a été approuvée par référendum en 2001. Dans le considérant 13 de la décision du 29 janvier 2012, le Conseil constitutionnel a écarté le mandat de Wade de 2000, au motif que l’article 104 a placé le mandat de Wade, hors du champ d’application de l’article 27, en le faisant régir par la Constitution de 1963. Autrement dit, en 2001, le Sénégal a eu une nouvelle Constitution. Depuis 2001, le Sénégal a connu plusieurs révisions constitutionnelles dont celles de 2008 et 2016 portant précisément sur la modification de la durée du mandat. La question à poser à tous les constitutionnalistes et juristes du Sénégal est la suivante : est-ce que le mandat de Wade de 2007 au cours duquel la durée a été modifiée de 5 à 7 ans (révision constitutionnelle de 2008) a été comptabilisé par le Conseil constitutionnel ? La réponse est claire, nette, précise et sans appel : oui (voir considérant 15 de la décision du 29 janvier 2012). Conclusion : la modification de la durée du mandat du président n'écarte jamais le mandat. Donc, le mandat de Macky Sall de 2012 au cours duquel il a fait passer la durée du mandat de 7 à 5 ans fait bel et bien partie du décompte des mandats. Par conséquent, Macky ne pourra jamais briguer un 3e mandat.  En 2008, Abdoulaye Wade a fait passer la durée du mandat de 5 à 7 ans dans le cadre d’une révision constitutionnelle (son mandat a été comptabilisé par le Conseil constitutionnel). 

En 2016, Macky Sall a fait le contraire et fait passer de 7 à 5 ans dans le cadre d’une révision constitutionnelle, suite à un référendum (son mandat est comptabilisé). Le parallélisme est parfait (prolongation de la durée du mandat avec Abdoulaye Wade, et réduction de la durée du mandat avec Macky Sall). S’il suffit de modifier la durée pour écarter un mandat (un non-sens juridique total), alors là ce serait la voie ouverte à toutes les dérives. Concernant le journaliste Mouth Bane, son interprétation du considérant 30 de l’avis du Conseil constitutionnel de 2016 consistant à dire que le Conseil constitutionnel a déjà validé la candidature de Macky Sall en 2016 est fausse et erronée. Nous avons eu à le démontrer dans une contribution intitulée « fake news : en 2016, le Conseil constitutionnel n’a jamais validé une 3e candidature de Macky Sall » et dans une contribution publiée dans le journal Dakartimes. En réalité, le Conseil constitutionnel s’est prononcé exclusivement sur la durée du mandat en 2016. Il est important que le débat soit posé dès maintenant, pour écarter tout projet de coup d’état constitutionnel en 2024.

Que dire de la sortie d’Aminata Touré qui soutient que Macky est en fin de mission en 2024 ?

L’interprétation d’Aminata Touré est parfaitement juste et conforme au droit : « Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs ». Je partage totalement son analyse sur ce point, comme l’immense majorité des sénégalais.

Le ministre Oumar Guèye parle de la suppression des villes parce que n’étant pas reconnu comme collectivité territoriale dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT). Partagez-vous une telle position ?

Visiblement, ce ministre ne connait pas son sujet et ne maitrise pas les textes. Ce qui est d’une extrême gravité. Le Chapitre V du CGCT de la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des collectivités territoriales est entièrement consacré aux villes. Le dernier alinéa de l’article 167 du CGCT précise que la ville a le statut de commune. Du reste, l’article 187 vient balayer les derniers doutes sur le statut juridique de la ville, en ces termes « les dispositions du présent code relatives à la commune sont applicables à la ville ». Quand on est à ce point nul, le seul conseil que nous pouvons donner à Oumar Gueye est de démissionner ou de changer de ministère.

N’y a-t-il pas des calculs politiciens dans ce projet de suppression des villes ?

Vous avez parfaitement cerné la problématique, car c’est bien ce dont il s’agit. Ce projet loufoque et insensé de suppression des villes n’a qu’une et seule finalité : électorale. La ville de Dakar est une réalité historique, politique, et économique, dotée d’un statut juridique et d’une personnalité morale. Personne n’acceptera sa suppression pour des motifs fallacieux.

Votre mot de la fin !

Sur la question de la 3e candidature de Macky Sall en 2024 totalement irrecevable, nous appelons tous les médias à la plus grande prudence : l’élection présidentielle est une affaire extrêmement sérieuse qui ne doit donner lieu à aucune propagande, ni aucune manipulation : cette question n’a pas à être tranchée par le Conseil constitutionnel, puisque les textes sont clairs et n’ont besoin d’aucune interprétation. Toutes les forces vives de la nation et tous les intellectuels doivent se mobiliser pour faire barrage au projet de coup d’état constitutionnel en gestation. En 2011, les constitutionnalistes étaient à l’avant-garde ! Que s’est-il passé depuis ?

sgueye@seneplus.com
Lisez encore

Nouveau commentaire :






AUTRES INFOS

Biens Mal acquis : Cheikh Bara Ndiaye enfonce l'ex ministre Thèrèse Faye Diouf (vidéo)

Au Maroc, cinquième mois de grève dans les facultés de médecine

Popenguine : ferveur et joie lors de la marche vers le nouveau sanctuaire

Interdit d’antenne à la RFM : Sidath Thioune réagit enfin ! (vidéo)

Bravador : L'Influenceur Ivoirien au Service d'Ousmane Sonko

Nécrologie : Décès de l'artiste Bah Moody

Mbao : Saisie de 150 kg de Yamba par la Gendarmerie, le conducteur en fuite

Etats Unis : Ibrahima Sall, fils de l'ancien Président Macky SALL, diplômé de l'Université de Fordham

Arabie saoudite : le premier défilé de maillots de bain organisé

Mariam BA LAGARÉ, l'étoile de la musique mandingue, a frappé fort avec son nouveau single "Ne Wolo la Bamako"


Flux RSS

Inscription à la newsletter