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VIH et Coronavirus : La peur d’une seconde infection

Samedi 13 Février 2021

Pour limiter les risques chez les personnes atteintes de Vih de développer des formes graves du Covid-19 s’ils sont contaminés, le Centre de traitement ambulatoire de l’Hôpital Fann a mis en place des stratégies pour assurer la continuité des soins. Malgré cela, les patients sont toujours craintifs devant la progression rapide du virus à travers le pays.




C’est la boule au ventre que Mbourai Sow* se rend au Centre de traitement ambulatoire (Cta) de l’hôpital de Fann, à Dakar, tous les trois mois, pour récupérer sa dotation trimestrielle de médicaments Antirétroviraux (Arv) pour son traitement. « Les personnes vivant avec le Vih sont vulnérables au Coronavirus. Dieu seul sait la peur d’être contaminée qui m’habite chaque jour », dit-elle. « Nous vivons déjà avec une comorbidité. Au Sénégal, 0,5% de la population vit avec le VIH», confirme Soukeyna Ndiaye, présidente du Réseau national des personnes vivant avec le Vih (Rnp+). Au Sénégal, le Covid-19 continue ses ravages et n’épargne aucun profil, ni tranche d’âge. Jeune baraqué ou vieux rachitique, tous peuvent tomber sous la virulence du virus qui circule dans le pays depuis le 02 mars 2020. Mais généralement, le Coronavirus est particulièrement redoutable pour les séniors. C’est ce qui est constaté partout dans le monde. Le Covid-19 qui n’est pas seulement une infection respiratoire, est une agression qui provoque, chez certains, une violente réaction immunitaire de l’organisme. Les personnes avec des conditions médicales préexistantes, comme le Vih, s’avèrent être, d’après plusieurs études scientifiques, plus exposées à développer des formes graves de la maladie. Mbourai Sow connaît donc les risques auxquels elle s’expose en permanence. Sa crainte était plus accentuée durant les premiers mois de circulation du virus. Période où elle disposait de peu d’informations sur la pandémie. « J’avais très peur d'aller dans les structures médicales même si je devais prendre mes Arv à Fann. En plus, j'habite très loin et seul le taxi sied à mes déplacements. Heureusement, mon mari m'a appuyée financièrement et moralement, sinon j’allais rater mes rendez-vous par peur de piquer le virus », ajoute-t-elle. Elle se rappelle de cette période de forte fièvre qui lui avait automatiquement fait penser au Covid-19. Hantée par le Covid-19, elle n’est pas allée se faire consulter par peur de choper le virus. « Au début de la pandémie, j'avais eu une forte accès de fièvre, un rhume ainsi qu'un mal de gorge. J’avais très peur de piquer le virus. J’avais peur d'aller à l'hôpital et j'ai eu recours aux pratiques traditionnelles et Dieu merci, je m'en suis remise très vite. Mon médecin traitant m’a sermonnée car, selon lui, je m’exposais plus en ne respectant pas mes Rv», sourit-elle, aujourd’hui. Depuis, elle ne les rate plus.  


« Déjà infectée au Vih, j’ai peur de contracter un autre virus »


Son dernier rendez-vous à Fann remonte à deux mois. Au Centre de traitement ambulatoire (Cta) de l’hôpital de Fann où Mbourai se fait traiter, aucun malade ne circule ce vendredi 12 février 2020. C’est parce que « le vendredi, informe-t-on, seuls les cas compliqués sont traités ». Dans la salle d’attente pour le dépistage, pas l’ombre d’une silhouette. Le Covid-19 est passé par là. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Avec les effets du Coronavirus, les dépistages ont été considérablement diminués. En 2020, 2 911 personnes se sont faits dépister, contre 5 878 en 2019. Beaucoup de malades désertent les hôpitaux par crainte du virus », renseigne Dr Ndèye Fatou Ngom Guèye, coordonnatrice du Cta. Soukeyna Ndiaye avoue sa peur panique de vivre une seconde infection. Présidente du Rnp+, la dame connaît son statut sérologique depuis 2005, année à laquelle elle a accouché de son 6e enfant. Elle avoue vivre dans la panique. Elle souffle : « Je vis déjà avec un virus. Même s’il a été canalisé et ne peut plus se multiplier dans mon corps. Mais, il est normal que j’aie peur de contracter un autre virus. Les informations qui sont divulguées sur le virus nous font peur. Nous savons que le virus du Covid-19 est virulent. Sa vitesse de propagation et sa capacité de contamination sont beaucoup plus élevées que celle du VIH. C’est pourquoi, nous faisons tout pour éviter le virus », s’explique la présidente du Rnp+.


Tout comme elle, Mbourai Sow apprend progressivement à vaincre cette frayeur. Depuis le début de l’épidémie, Mbourai Sow s’est rendue à plusieurs reprises au Cta de Fann. Tous les trois mois pour récupérer les Arv et tous les six mois pour effectuer un bilan. C’est parce qu’elle est tenue de respecter ses rendez-vous, au risque d’être confrontée à une augmentation de la charge virale et une immunodépression qui la rendrait davantage vulnérable au Covid-19. « Les personnes vivant avec le Vih qui ne suivent pas de Traitement antirétroviral (Tar) et qui présentent une faible numération de CD4, en particulier celles chez qui la maladie à Vih est à un stade avancé, courent un risque plus élevé d’infections opportunistes et de complications liées au Sida. La prévalence des facteurs de risques connus d’infection par le virus du Covid-19 et de complications associées, tels que les cardiopathies, les maladies rénales, le diabète, les pneumopathies chroniques, l’obésité, ainsi que d’autres comorbidités et co-infections, comme la tuberculose, peut-être plus élevée chez les personnes vivant avec le Vih», lit-on sur le site de l’Organisation mondiale de la Santé (Oms). Mbourai Sow en est consciente, mais n’est pas pour autant totalement débarrassée de son angoisse. Elle prend toutes ses précautions pour ne pas choper le virus. La dame ne sort plus sans son masque, son gel hydro-alcoolique, évite les transports collectifs et les déplacements inutiles. « Je l'instaure aussi au sein de ma famille, lance-t-elle. Pour le reste, je m’en remets à Dieu. »


« Si on suit correctement le traitement et qu’on respecte les mesures de protection, on peut être à l’abri »


Les patients respectant leur traitement ne sont, néanmoins, pas plus vulnérables au Covid-19 que le reste de la population, affirme Soukeyna Ndiaye, présidente du Réseau national des personnes vivant avec le Vih (Rnp+). « Le risque est beaucoup plus élevé pour les personnes qui vivent avec le Vih et qui l’ignorent. Si on suit correctement le traitement et qu’on respecte les mesures de protection, on peut être à l’abri », dit-elle. Une thèse corroborée par des études réalisées par des scientifiques. « Plusieurs études de cas et de cohortes de tailles restreintes de personnes vivant avec le Vih hospitalisées positives pour le Covid-19 montrent des résultats cliniques et un risque d’infection par le Sars-CoV-2 comparables à ceux de la population générale, en particulier chez les patients dont l’infection à Vih est bien contrôlée (sous TAR, avec une numération des CD4 > 200 cellules/mm3 et une charge virale supprimée). (…) Plusieurs revues systématiques et non systématiques ont évalué les conséquences du Covid-19 chez les personnes vivant avec le Vih. La plupart font état de résultats comparables en termes de mortalité et de morbidité par rapport aux patients séronégatifs pour le Vih», affirme l’Oms. Aussi, pour préserver ses patients, le Centre de traitement ambulatoire de l’Hôpital Fann a mis en place des stratégies pour assurer la continuité du service. C’est parce que le suivi des pathologies chroniques était fortement impacté par le Covid-19 en raison de la peur de fréquenter les structures sanitaires. En collaboration avec des associations comme l’Alliance nationale des communautés pour la santé (Ancs), Atlas (Autotest Vih, libre d'accéder à la connaissance de son statut) et le Cnls (Conseil national de lutte contre le Sida), les responsables du Cta ont  pris des dispositions pour renforcer la sécurité dans la structure avec notamment l’installation de lave-mains mobiles, la distribution de masques aux malades et au personnel ainsi que la prise de température pour détecter d’éventuels symptômes du Covid-19. Selon la coordonnatrice du Cta de l’Hôpital Fann, entre mars et décembre 2020, trente cas suspects ont été détectés chez les patients qui fréquentent le centre. Ces personnes présentaient la dyspnée, le syndrome grippal ou l’anosmie. Dix parmi eux sont revenus positifs, dont six personnes vivant avec le Vih. « Ils ont été suivis dans les Centre de traitement des épidémies et sont maintenant guéris », explique Dr Ndèye Fatou Ngom Guèye. 


La dispensation communautaire des Arv pour protéger les patients à risque
Pour éviter tout contact, un maximum de dix consultations par jour est fixé, contre une trentaine habituellement. « Les appels téléphoniques nous permettent d’étaler les consultations pour nous limiter à 10 patients par jour. Là où, d’habitude, on pouvait recevoir jusqu’à 40 patients les lundi, mardi et jeudi », affirme le spécialiste des maladies infectieuses. La structure a également instauré la dispensation communautaire des Arv pour les patients de plus de 50 ans ou vivant avec d’autres comorbidités. Les 250 médiateurs de santé de l’Ancs distribuent en main propre les Antirétroviraux. La continuité des soins est ainsi assurée, sans nécessité de se déplacer. « L’équipe sociale se charge d’acheminer le traitement de 3 mois jusqu’aux patients. Cela nécessitait d’abord l’acceptation, par ces personnes, d’être visitées. Ainsi, en 2020, 304 dotations d’Arv ont été effectuées aux séniors, aux personnes à mobilité réduite et à des détenus », explique-t-elle. A côté de la dotation d’Arv, ces personnes reçoivent aussi le personnel de santé pour le bilan de suivi. « En 2020, 110 prélèvements et consultations à domicile ont été effectués », poursuit le docteur en Santé publique. Toujours en raison des restrictions liées à l’état d’urgence sanitaire, les patients vivant dans les régions et devant, à l’origine, suivre leur traitement à Dakar, sont référés vers des sites de prise en charge situés dans leur circonscription. Toutefois, selon Dr Ngom, la demande de dispensation communautaire est forte, même chez les patients jeunes. « Beaucoup de patients demandent à être visités pour une dispensation communautaire, malgré leur jeune âge. Si on a les moyens, on va élargir la stratégie à d’autres. Mais la priorité reste les personnes à risque », ajoute la coordonnatrice du Cta qui, au-delà du Vih, prend aussi en charge des patients souffrant d’hépatite virale et de toute autre pathologie infectieuses (tuberculose, paludisme…). Le Centre de traitement ambulatoire qui a un fil actif sous Arv de 1 498 patients, dont 96 dossiers ouverts en 2020, a effectué 3 036 consultations au cours de cette même année. 
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