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Banditisme à Dakar : L'impact des caméras de surveillance sur la sécurité publique

Vendredi 25 Février 2022

Prévenir, circonscrire et neutraliser efficacement la plupart des menaces sécuritaires. Tel est le credo que s’était fixé le ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique dans le cadre de son programme d’installation de quelque 100 caméras de surveillance sur les 450 prévues à Dakar et sa banlieue. Aujourd’hui, leur impact sur la sécurité des populations est réel. En plus d’être d’un apport capital pour les forces de l’ordre.

La vieille Fatou Diop n’est pas totalement rassurée ! Malgré l’installation de caméras de surveillance, censées rassurer les populations contre les séries d’agressions et de cambriolages, ces dernières continuent de subir le diktat des malfrats. Confortablement assise sur son fauteuil, chapelet à la main, la mamie a les yeux braqués sur les deux voies des Allées du Centenaire. Elle ne cache pas sa déception, car malgré ces caméras de surveillance, les jeunes continuent d’agresser les usagers. «Ma déception est immense, car ces caméras de surveillance étaient censées faire régresser les agressions, mais personne n’ose se promener en manipulant son téléphone portable. Même les commerçants chinois ne se sentent pas totalement en sécurité. Raison pour laquelle, presque tous ont installé leur propre caméra devant et dans leur enseigne. Il n’empêche, des larcins sont toujours signalés», s’indigne-t-elle. Même rengaine au marché Sandaga. Ce jour-là, l’arrêt du bus est noir de monde. Des hommes et des femmes, toutes tranches d’âge confondues, sont surveillés discrètement par le viseur des caméras de surveillance. Mais eux nient encore l’impact positif de ces «veilleurs» sur leur sécurité. «Vraiment, ces caméras n’ont rien changé à la situation. Les agressions sont monnaie courante. C’est comme si les malfrats ignoraient totalement leur présence. Parfois, je me dis que c’est plus pour nous épier qu’autre chose. Je doute de leur caractère dissuasif.»   


Un scepticisme qui ne fait pas tache auprès du jeune bijoutier Modou Fall. Assis sur sa moto devant son échoppe à «Lalou Ourouss», le trentenaire estime que ces installations ont fortement diminué les séries de cambriolages dont sont victimes les bijoutiers. «Ces caméras sont une bonne chose parce qu’elles nous permettent de faire face à l’insécurité et de dissuader les malfaiteurs. Auparavant, nous étions tout le temps victimes de cambriolages. Ici, beaucoup de portes ont été défoncées par les bandits. Et cela prenait du temps avant que les auteurs de ces actes ne soient retrouvés et arrêtés.» Terrorisme oblige, Moussa Tine pense que ces outils de surveillance ne peuvent qu’être bénéfiques dans la sécurisation de la ville de Dakar. 



 
Un apport capital

Du côté des forces de l’ordre, on applaudit. Avec ces outils, il y a un nouveau souffle dans la prise en compte de la sécurité des populations. Une source policière de confier : «Nous passions parfois des mois à traquer des malfaiteurs, mais aujourd’hui avec ces caméras, les enquêtes avancent plus vite. Je me rappelle d’une enquête que je menais avant l’installation des caméras de surveillance. Elle m’avait pris plus de cinq mois avant de dénicher les bandits, mais aujourd’hui, cela prend à peine quelques jours.» Du côté de la Division des investigations criminelles (Dic), on magnifie aussi l’installation de ces caméras de surveillance. Selon ce policier spécialisé en Cybercriminalité, l’apport des caméras de surveillance dans la lutte contre le banditisme est de taille. «Ces caméras de surveillance sont d’un apport capital. Je me rappelle, tout récemment un de mes collègues qui menait une enquête a eu à faire recours à la vidéo de surveillance. Les bandits avaient pris l’avenue Cheikh Anta Diop afin d’entrée dans la mosquée Omarienne. Ils étaient au nombre de 6. Les caméras ont montré toutes leurs activités, le jour et l’heure. Ces installations sont très performantes, car en un temps record, nous avions pu mettre la main sur les bandits.» Pour accéder aux films de ces caméras, les enquêteurs, dans le cadre de leurs recherches, doivent faire une réquisition adressée au Bureau des relations publiques de la police afin d’avoir les différentes séquences. Notre source de poursuivre : «Nous faisons souvent recours à ces vidéos. Ce fut le cas lors des évènements dramatiques du mois de mars dernier avec son lot de 14 morts.» De même, les caméras sont d’une grande utilité au vu de l’insécurité qui prévaut dans la sous-région. «Dakar fait plus de 3 millions d’habitants avec une densité de 5 795 Hb/km2. A cela, s’y ajoute la porosité de nos frontières. Toutes ces choses font que nous sommes obligés de nous doter de moyens de surveillance. Les caméras de surveillance facilitent notre travail.» 



 
PIKINE : «Les caméras ont un réel effet dissuasif»
Pikine, rond-point Tally Boumack. Réputé criminogène pour avoir été le théâtre de sanglantes d’agressions, dont certaines se sont soldées par mort d’homme, l’endroit est désormais sécurisé par la présence quasi-permanente du véhicule de police du commissariat de Pikine. Par ce rond-point, transitent tous les jours des milliers d’individus à bord de plusieurs centaines de véhicules de tout genre. De jour comme de nuit, l’endroit grouille de monde. Une foule dans laquelle se sont toujours glissés des malfaiteurs agissant très souvent en bande. Pickpockets et agresseurs en avaient fait un endroit à la fois réputé et craint. «C’était jusqu’à une époque pas très éloignée», témoigne Ibrahima Sène, ancien chauffeur, cheveux grisonnants et dents jaunies. L’index pointé sur la caméra de surveillance qui se dresse sur le bas-côté de la rue, Billy était là aux premiers jours de son implantation. «Cela avait suscité beaucoup de curiosité et charrié moult commentaires sur son utilité. Ce n’est que plus tard que nous avons compris son utilité. L’endroit est devenu moins dangereux qu’auparavant», soupire Billy qui confie que ce rond-point avait remporté la palme de l’insécurité à Pikine. Billy est formel : «Les caméras ont un réel effet dissuasif, beaucoup de malfaiteurs qui rôdaient ici ont subitement disparu, les rares qui sont restés, je les vois systématiquement éviter ce rond-point. Certains font ce qu’ils appellent dans leur jargon, le «Seyy (disparition)» pour éviter d’être filmés par la caméra.»
Au rond-point Dominique, le constat est le même. Zone limite qui marque la frontière entre les communes de Pikine-Nord et Pikine-Ouest, le rond-point Dominique est un endroit chargé d’histoires. Dans un passé récent, la présence de deux bars très fréquentés avait fini par faire de cet endroit un ‘’No man’s land’’ dès la tombée du crépuscule. Malgré la fermeture des deux bars (‘’Bar bleu’’ et ‘’Le bon coin’’), le rond-point Dominique était resté sous la coupe réglée des malfaiteurs. Plus d’une fois, des accompagnants de malades évacués au centre de santé Talla Diop (ex Dominique) ont subi l’attaque foudroyante des agresseurs. Aujourd’hui, c’est de l’histoire ancienne avec les fréquentes patrouilles de la police, mais «surtout après l’implantation de la caméra de surveillance qui trône au milieu du carrefour», assure Abdou Diaw, vendeur de friperie. «Beaucoup de gens m’ont demandé pourquoi je persiste à rester ici, c’était au plus fort des agressions commises par des bandes de jeunes, dont des charretiers. J’ai plusieurs fois été victime de ces bandes, mais aujourd’hui, j’ai eu raison de rester. Je suis plus rassuré avec la présence de cette caméra et on voit de moins en moins les brigands rôder ici», constate Abdou Diaw. Pourtant, rien n’est encore gagné. Les malfaiteurs qui fuient la caméra de surveillance ne sont pas allés loin. Ils ont juste déplacé leur Qg vers la nouvelle voie de dégagement appelée corniche, qui passe devant l’Arène Nationale.


L’implantation des caméras de surveillance, une exigence dans les quartiers réputés chauds
A Pikine, les populations sont unanimes à reconnaître que l’implantation des caméras de surveillance dans les quartiers réputés chauds aiderait à élucider beaucoup de cambriolages, de crimes ou d’agressions sanglantes. Selon Ibrahima Sène alias Billy qui crèche avec sa famille au quartier Séfa de Pikine, les malfaiteurs qui ont déserté les grands carrefours pour échapper aux caméras de surveillance, ont juste effectué un redéploiement dans les rues sablonneuses des quartiers chauds de la banlieue. «Ce serait une bonne chose de répandre ces caméras de surveillance jusque dans les rues des quartiers chauds où ceux qui se lèvent tôt pour aller au boulot ou rentrent tard le soir, restent la cible des agresseurs. Ce serait mieux s’il y avait une caméra de surveillance pour décourager les malfaiteurs. L’État doit faire l’effort de multiplier ces caméras jusque dans nos quartiers.» Un investissement lourd certes, mais nécessaire pour juguler totalement l’insécurité.


GUEDIAWAYE : «L’insécurité a drastiquement diminué»
Plus d’un an et demi depuis l’installation des caméras de sécurité à Guédiawaye, leur utilité fait encore débat et suscitent toujours la curiosité de certains. Mbaye Sène est un vendeur de tissus au Marché Boubess. Ici, une caméra de surveillance est installée depuis deux mois et le commerçant salue cette initiative. «Cette caméra est une aubaine pour nous. C’est une belle initiative et elle vient en complément à celle que j’ai installée dans ma boutique. Beaucoup de voleurs qui fréquentaient la boutique ont été dissuadés par la présence perpétuelle de la caméra qui épie leurs moindres faits et gestes.» Mbaye en veut pour preuve la forte baisse des vols dans sa boutique. «Depuis l’apparition de la caméra de surveillance, les acheteurs qui entraient dans la boutique pour chaparder des tissus de manière considérable, se font rares. La nuit, aucun cas suspect n’est signalé à proximité», assure-t-il. Un sentiment de sécurité confirmé par Idy S., chauffeur de taxi-clandos. Il confie : «La sécurité est plus renforcée sur la route, surtout pour nous qui travaillons à des heures avancées de la nuit. Nous sommes rarement inquiétés depuis leur installation. L’insécurité a drastiquement diminué, l’endroit a trouvé un semblant de calme et nous circulons librement, d’autant plus qu’il y a un policier en faction à côté pour réguler la circulation et des agents de la Police judiciaire (Pj) qui squattent l’endroit.» Coxeur au garage de «cars rapides» du même marché, Ndiol n’est pas du même avis. Devant rejoindre son poste à partir de 3H du matin pour relever son collègue, l’homme dit être obligé de s’armer à l’insu de la police, pour ne pas se laisser intimider par les agresseurs, souvent des charretiers qui viennent des environs. De son avis, l’endroit est dangereux, malgré la présence dissuasive du dispositif de surveillance. «Les individus que tu vois monter et se tenir sur les marches des ‘’cars rapides’’, sont tous des voleurs à la tire, qui attendent que la voiture démarre pour détrousser les clients. Nous éprouvons d’énormes difficultés à les freiner. La caméra de surveillance est là, mais ne semble pas être, pour le moment, utilisée», regrette Ndiol qui révèle qu’il y a quelques jours, il avait pris au collet et attaché fortement un agresseur à bord d’une charrette, qui avait nuitamment arraché le sac d’une dame. Acheminé à police, le brigand a réussi à s’échapper au nez et à la barbe de l’agent. L’affaire fut classée sans faire le visionnage de la caméra. 


Autre endroit, même ambiance. Au croisement Béthio Thioune, une caméra de surveillance épie les allers et retours des voitures et citoyens. Qui confessent se sentir plus en sécurité depuis son installation, il y a plus d’un an. Malang Diop : «L’arrêt de bus et de taxis clandos qui fait face à l’école privée, était autrefois squatté par des malfaiteurs et des conducteurs de motos qui arrachaient les sacs des femmes et ciblaient les portables. Mais depuis le début des travaux du Brt (Bus transit rapide, ndlr) et l’arrivée de la caméra de surveillance, les actes de banditisme ont diminué.» Fallou, agent d’une boutique de libre-service du coin, acquiesce. Il trouve que la caméra a rendu les quartiers environnants plus sécurisés. «Depuis qu’elle est arrivée, aucun cas de cambriolage n’a été signalé et les gens circulent plus librement.»

 MAXIME DIASSY, ALASSANE HANNE et MAMADOU NIANG
l'observateur
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