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Diégane Sène de BBY alerte: "Si l’opposition s’unit, c’est sûr qu’on va perdre beaucoup de circonscriptions électorales"

Dimanche 20 Février 2022

Diégane Sène, Secrétaire général par intérim de l’Union pour le renouveau démocratique (Urd), est revenu sur la situation de son parti depuis le décès de Djibo Kâ, sur les élections locales, ainsi que la collaboration au sein de Benno.


Vous êtes membre de la coalition Benno bokk yaakaar, mais on ne vous entend pas. Est-ce que vous avez un pouvoir de décision dans cette coalition ?
La coalition Benno est utile à la base. C’est à dire que les gens peuvent se mobiliser pour élire un candidat. C’est très utile à ce niveau-là. Au sommet, c’est aussi utile politiquement comme ouvreur de voie aux autres. C’est à dire l’exemple qu’on donne au sommet, a tendance à être utile aux autres. Parce que Benno est un rassemblement déjà assez hétéroclite. Donc on discute de choses très sérieuses, c’est vrai une discussion ouverte, largement ouverte, démocratique, où les décisions sont prises de manière consensuelle. Il n’y a jamais de vote, mais tout le monde se retrouve dans les décisions qui sont prises par Benno, en tout cas depuis que l’Urd est dedans, depuis 2015. Tout se passe bien, mais il nous faut plus de solidarité.


Solidarité par rapport à quoi ?
Solidarité, d’abord dans la prise des décisions et l’assumation des décisions. Mais pour qu’on les assume collectivement, il faudrait d’abord qu’elles soient prises collectivement. Et j’ai vu que lors de ces Locales, ce manque de solidarité s’est exprimé dans plusieurs localités du Sénégal. Souvent ce sont des candidats qu’on nous a imposés et ça, ce n’est pas de nature à renforcer une alliance. Macky Sall, je l’ai connu démocrate, je l’ai adopté parce que je pense que c’est un démocrate, j’en suis même convaincu. Et je crois bien que ceux qui l’aident ou disent l’aider, doivent l’aider dans ce sens-là, à ne jamais oublier ses origines. Il a fait exactement comme Djibo Kâ en 1997-98, il est sorti d’un système. C’est ce qui a permis l’alternance dans ce pays. Si Djibo Kâ n’était pas sorti du Ps avec la manière dont il l’a fait, il n’y aurait jamais eu d’alternance en 2000, ça c’est évident.



Vous parlez de manque de solidarité au sein de Benno. Est-ce à dire que le Président Macky Sall a pris des décisions unilatérales lors des Locales ?
Non, je pense que ce n’est pas le Président Macky Sall. Mais si vous gouvernez, vous vous appuyez sur des gens. Je pense qu’il n’a pas été suffisamment aidé. Peut-être que c’est un manque d’imprégnation suffisante de la réalité politique au sommet de l’Etat. Mais, je pense qu’un président de la République n’a pas le temps de s’occuper de plus de 500 communes et de leurs investitures. Il a autre chose à faire. Je parle de solidarité de la décision politique surtout. Je prends un exemple comme Mbour, une commune extrêmement importante. Mbour aujourd’hui, c’est le premier lieu électoral après Dakar, Thiès et Touba bien sûr, avec lesquels il est presque à égalité en termes de populations et d’électeurs. Alors on a tout fait, ce qui ne s’est jamais produit ; comme s’il n’y avait pas d’alliance dans cette commune et dans d’autres communes du département d’ail-leurs. Donc, on est venus imposer aux gens des décisions et sans même les consulter. Pour la première fois, on a investi sans y mettre les formes, sans inviter aucun parti allié, ils se sont réunis entre apéristes pour prendre leurs décisions. Mais ça passe certainement parce que le mode de scrutin fait que même étant minoritaire, vous gagnez et c’est ça qui a sauvé beaucoup de maires et de mairies dans ce pays. Cette façon de faire ne renforce pas notre démarche, l’objectif et les résultats qui sont attendus de Benno bokk yaakaar.


La coalition Bby a perdu des villes comme Dakar, Ziguinchor, Thiès, etc. Qu’est-ce qui l’explique?
C’est ce que j’ai dit. A Ziguinchor, si les gens étaient lucides, Abdoulaye Baldé, Benoît Sambou et quelques autres, s’il y avait eu cette solidarité dans la décision, ils auraient gagné très largement. Ils ont perdu parce qu’il n’y avait pas cette solidarité-là. A Thiès, mon ami Diattara qui a perdu, aurait dû gagner parce que si vous réunissez les candidats de Benno, ils gagnent largement sur le professeur Babacar Diop.


Pour beaucoup, la défaite à Thiès est causée par le ralliement de Idrissa Seck
Cette analyse me paraît un peu biaisée. Vous êtes mal informé, mal documenté. Tout Benno, c’est plus de 3 mille voix de plus que Yewwi. Quand je dis Benno, c’est le Benno éclaté, dispersé. Vous rassemblez ce qu’ils ont, ils gagnent. Si les investitures étaient vraiment inclusives, s’il y avait la discussion qu’il fallait, que personne ne se sente exclu ; même si on ne peut satisfaire tout le monde ici, au Sénégal. Vous pouvez faire passer votre décision mais, au moins, dans l’intelligence de la relation à l’autre. Personne n’allait s’accrocher. Talla Sylla, je ne le vois pas s’accrocher s’il y avait une concertation autour de laquelle aboutirait l’idée que Diattara aurait à être investi. C’est la manière de faire qui a frustré les positions et rendu difficile la campagne électorale.


La Ville de Dakar qui a été tant convoitée par le pouvoir, est aujourd’hui entre les mains de l’opposition
Je suis triste pour mon frère Abdoulaye Diouf Sarr. Je pense que Dakar ne peut pas avoir un meilleur maire que lui. Ce qui n’a pas marché, ce sont les mêmes divisions qui ailleurs, sont venues miner la situation. La force de Yewwi ici était irrésistible. La victoire était prévisible. Dakar est une ville qui a toujours été frondeuse. Depuis 1988, Dakar n’a jamais été pour le parti au pouvoir de manière durable. Les élections sont bien organisées et on ne peut pas parler de fraude. Dakar est une ville qui appartient, au fond, à l’opposition.


Comment le pouvoir a pu perdre Dakar, avec tous ses moyens ?
Le problème de moyens ne se pose qu’en milieu rural, parce que tout le monde se connaît en milieu rural. Si vous venez parler avec quelqu’un, il vous répond les yeux dans les yeux, qu’il fera ce qu’il vous a dit. A Dakar, la prise de conscience est telle que les gens vous disent que l’argent n’est pas votre argent. Ils vont prendre tout ce que vous donnez et voter comme ils veulent. Les gens qui ont une certaine autonomie matérielle, sont à Dakar. Ce qui fait que cette technique qui marche en milieu rural, ne peut pas marcher ici.



Qu’est-ce que Barthélemy Dias doit faire pour gérer la Ville de Dakar, par rapport à ses relations avec le Président Macky Sall ?
Barthélemy Dias est intelligent. S’il veut travailler, il verra que le maire de Dakar ne peut pas être contre le pouvoir. Il s’ajustera en conséquence. Il a une excellente formation politique, parce qu’il vient du Parti socialiste et va être bien entouré. Il doit surtout bien écouter avant de décider. Il va certainement comprendre tout cela, prendre note et se dire qu’il est impossible, s’il veut vraiment avoir des résultats, de rivaliser avec le gouvernement. Travailler avec le gouvernement, c’est d’abord avoir de bonnes relations avec la partie gouvernementale avec laquelle il est obligé de travailler. De bonnes relations ne veulent pas dire se soumettre. Evidemment, personne ne s’attend à ce que Barthélemy Dias se soumette à une autorité quelconque, mais il va essayer de voir comment travailler correctement, en parfaite intelligence, de manière à faire passer au moins ses réalisations.



Pour les élections législatives, qu’est-ce que Bby doit faire pour reconquérir les villes qu’elle a perdues ?
Les Législatives. A Dakar, la seule chose qui puisse faire que l’opposition ne gagne pas, c’est qu’elle aille en ordre dispersé. Mais à part Dakar, si le travail qui doit se faire est fait, la situation peut se rattraper.



Est-ce qu’il y a une possibilité de prendre Ziguinchor des mains de Ousmane Sonko ?
Si Bby est unie et que Abdoulaye Baldé revient. Il faut que les gens arrêtent de minimiser le poids des autres. Abdou-laye Baldé a des électeurs là-bas. On a dit que Benno allait gagner sans Baldé et pourtant les résultats sont là. Benno a échoué sans Baldé. Des Baldé, il en existe partout dans le pays. A force de minimiser les gens, on tombe toujours dans ce genre de situation.



Après les villes citées un peu plus haut, Wade demande à Wallu d’œuvrer pour un front large de l’opposition. Est-ce que cela ne risque pas de vous porter préjudice ?
Si l’opposition s’unit, c’est sûr qu’on va perdre beaucoup de circonscriptions électorales.


N’allez-vous pas perdre votre majorité à l’Assemblée nationale dans ce cas ?
Non ! Je vous arrête tout de suite. Les gens prennent leurs désirs pour la réalité. Et d’autres ne savent ou ne veulent rien savoir des modes de scrutin dans ce pays. C’est un mode de scrutin majoritaire à un tour couplé d’un scrutin proportionnel. Vous pouvez gagner en étant ultra minoritaire. Avec 30%, vous pouvez gagner une circonscription électorale, tandis que les autres qui ne sont pas unis, représentant 70%, n’auront pas les députés. Voilà le problème ! Toute coalition au pouvoir qui se gère bien, n’a aucune chance d’être battue par l’opposition à des élections législatives. Benno n‘a aucune chance de perdre les Législatives, vu le mode de scrutin. Qui est peu démocratique mais entre la stabilité et la démocratie, le choix est vite fait. Elle peut perdre des circonscriptions, mais aura largement la majorité.

La volonté de réunir l’opposition, c’est d’empêcher Macky Sall de faire un 3ème mandat
Le 3ème mandat, les gens avancent un peu trop. Le Président est un homme réfléchi. Il a le sens de l’histoire. Les gens parlent, mais lui, il n’a rien dit. On lui reproche d’avoir mis certains à l’écart. Ce n’est pas sérieux. Le Président, à peine réélu, tout le monde parle de 3ème mandat. Ce ne sont pas des choses à faire. Comment peut-on être responsable et faire fi d’un minimum de réserve sur cette question ? Je ne parle pas de 3ème mandat, je parle du candidat de Benno parce que j’espère que Benno va continuer. Et va se trouver un candidat.

Qui ne sera pas Macky Sall ?
Non. Cela peut être n’importe qui.

En 2024, Macky Sall sera candidat ?
Non, je ne sais pas. Je ne suis pas Macky Sall, mais j’approuve sa démarche. Il ne parle pas de 3ème mandat. Et je n’en dirai pas plus. Il ne faut pas tomber dans ce piège. Il appartiendra à Macky Sall, à Benno, aux instances judiciaires habilitées et compétentes du Sénégal, de dire qui peut ou ne peut pas être candidat.

Entretien réalisé par Le Quotidien
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