Plus de dix jours après la tentative de coup d’État avortée contre le président béninois Patrice Talon, la traque du lieutenant-colonel Pascal Tigri prend une dimension régionale aux implications lourdes. Chef présumé des mutins et ancien commandant des Forces spéciales béninoises, Tigri demeure officiellement introuvable, mais les services de renseignement béninois estiment désormais disposer d’éléments sérieux sur son itinéraire et ses appuis présumés.
Parmi les éléments qui retiennent particulièrement l’attention des enquêteurs figure un échange téléphonique entre Pascal Tigri et un correspondant basé au Niger. À Cotonou, de nombreuses sources politiques et sécuritaires évoquent de « très forts soupçons » quant à une implication, au moins indirecte, de Niamey dans cette tentative de putsch. Les autorités béninoises jugent aujourd’hui « très probable » que le lieutenant-colonel, après s’être réfugié au Togo, ait transité par le Burkina Faso avant de rejoindre le Niger, où il se trouverait actuellement.
Du Togo au Niger, via le Burkina Faso
Selon les investigations béninoises, Pascal Tigri aurait d’abord trouvé refuge à Lomé, dans le quartier de Lomé 2, non loin de la présidence togolaise. L’une des hypothèses jugées les plus crédibles par les autorités béninoises, et confirmée par plusieurs sources nigériennes, est qu’il aurait quitté Lomé le vendredi 12 décembre à bord d’un avion privé Beechcraft 100 D appartenant à Liza Transport International (LTI) Aviation, une compagnie aérienne filiale du groupe Ebomaf, dirigé par l’homme d’affaires burkinabè Mahamadou Boukoungou.
Au moment de son décollage de Lomé, l’appareil n’avait pas communiqué de destination finale. Il a finalement atterri à Ouagadougou en fin de journée. Toujours selon les mêmes sources, Pascal Tigri aurait ensuite été transféré par avion vers Niamey dans la soirée du 12 décembre.
Une présence supposée à Niamey
À Niamey, le lieutenant-colonel béninois résiderait actuellement dans l’une des villas ministérielles situées à proximité de la présidence nigérienne et de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE), les services de renseignement du Niger. Ces résidences abriteraient plusieurs hauts responsables du régime nigérien, dont le Premier ministre Lamine Zeine, ainsi que des conseillers étrangers, notamment russes.
Cette information a également été avancée par plusieurs sources nigériennes non officielles interrogées par Jeune Afrique. En revanche, sollicitées à plusieurs reprises entre le 10 et le 18 décembre, les autorités nigériennes n’ont fait aucune déclaration officielle sur la présence supposée de Pascal Tigri sur leur territoire. Depuis la tentative de putsch au Bénin, le gouvernement nigérien est resté silencieux.
Des vols suspects et des autorisations falsifiées
Les soupçons de Cotonou ne s’arrêtent pas là. Les autorités béninoises estiment que plusieurs autres mutins en fuite, qui se trouvaient également à Lomé, auraient quitté le Togo le mardi 16 décembre, toujours à bord d’un avion de la compagnie LTI. Un élément a particulièrement alerté les services béninois : l’appareil aurait coupé son transpondeur à son entrée dans l’espace aérien du Bénin.
Des vérifications menées auprès de l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC) auraient révélé que ce vol avait utilisé une « fausse autorisation de l’ANAC », renforçant les soupçons d’une opération coordonnée et dissimulée.
L’AES dans le viseur de Cotonou
Ces éléments alimentent les soupçons croissants des autorités béninoises à l’égard des pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), en particulier le Niger et le Burkina Faso. Les relations entre Cotonou et Niamey sont déjà extrêmement dégradées. Le général Abdourahamane Tiani a à plusieurs reprises accusé le président béninois Patrice Talon de tentative de déstabilisation, allant jusqu’à affirmer que le Bénin servirait de base arrière à des groupes terroristes opérant au Niger, « avec le soutien de la France ».
À ces tensions s’ajoutent les messages vidéo diffusés dès les premières heures de la tentative de putsch par Kemi Seba, conseiller spécial du président Tiani. Selon plusieurs sources béninoises, ces prises de parole pourraient indiquer que l’activiste souverainiste disposait d’informations en amont. La justice béninoise a d’ailleurs émis un mandat d’arrêt international contre Kemi Seba et contre Sabi Sira Korogone, président du Mouvement populaire de libération (MPL), pour des faits d’« apologie du terrorisme » et d’« incitation à la révolte ».
D’autres faits renforcent les soupçons de Cotonou : des mouvements inhabituels de troupes et de camions ont été observés le 6 décembre, à la veille de la tentative de putsch, du côté nigérien de la frontière, que Niamey maintient fermée depuis juillet 2023. En l’absence de toute explication officielle, ces manœuvres restent inexpliquées.
Enfin, plusieurs sources sécuritaires béninoises estiment que l’écosystème de guerre informationnelle associé au régime burkinabè, incarné notamment par l’activiste Ibrahima Maïga, aurait été mobilisé au profit des mutins, multipliant fausses informations et appels à la révolte le 7 décembre.
Un enregistrement audio, en possession des services béninois, tendrait même à démontrer, selon une source proche du président Patrice Talon, que Ouagadougou aurait joué le rôle de « tour de contrôle » de la tentative de putsch, en coordination avec Niamey.
Dans un entretien accordé le 16 décembre à Jeune Afrique, un ministre béninois a confirmé la gravité de ces soupçons, tout en s’en remettant aux conclusions des enquêtes en cours : « Nous sommes face à une situation d’agression. Il y a des règles en droit international. Si les faits sont avérés, ce serait extrêmement grave », a-t-il averti, avant d’ajouter : « Nous sommes un peuple combatif, nous ne nous laisserons pas faire. »
Alors que les investigations se poursuivent, l’affaire Tigri apparaît désormais comme un test majeur pour la stabilité régionale et les relations déjà fragilisées entre le Bénin et les régimes militaires du Sahel.
Parmi les éléments qui retiennent particulièrement l’attention des enquêteurs figure un échange téléphonique entre Pascal Tigri et un correspondant basé au Niger. À Cotonou, de nombreuses sources politiques et sécuritaires évoquent de « très forts soupçons » quant à une implication, au moins indirecte, de Niamey dans cette tentative de putsch. Les autorités béninoises jugent aujourd’hui « très probable » que le lieutenant-colonel, après s’être réfugié au Togo, ait transité par le Burkina Faso avant de rejoindre le Niger, où il se trouverait actuellement.
Du Togo au Niger, via le Burkina Faso
Selon les investigations béninoises, Pascal Tigri aurait d’abord trouvé refuge à Lomé, dans le quartier de Lomé 2, non loin de la présidence togolaise. L’une des hypothèses jugées les plus crédibles par les autorités béninoises, et confirmée par plusieurs sources nigériennes, est qu’il aurait quitté Lomé le vendredi 12 décembre à bord d’un avion privé Beechcraft 100 D appartenant à Liza Transport International (LTI) Aviation, une compagnie aérienne filiale du groupe Ebomaf, dirigé par l’homme d’affaires burkinabè Mahamadou Boukoungou.
Au moment de son décollage de Lomé, l’appareil n’avait pas communiqué de destination finale. Il a finalement atterri à Ouagadougou en fin de journée. Toujours selon les mêmes sources, Pascal Tigri aurait ensuite été transféré par avion vers Niamey dans la soirée du 12 décembre.
Une présence supposée à Niamey
À Niamey, le lieutenant-colonel béninois résiderait actuellement dans l’une des villas ministérielles situées à proximité de la présidence nigérienne et de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE), les services de renseignement du Niger. Ces résidences abriteraient plusieurs hauts responsables du régime nigérien, dont le Premier ministre Lamine Zeine, ainsi que des conseillers étrangers, notamment russes.
Cette information a également été avancée par plusieurs sources nigériennes non officielles interrogées par Jeune Afrique. En revanche, sollicitées à plusieurs reprises entre le 10 et le 18 décembre, les autorités nigériennes n’ont fait aucune déclaration officielle sur la présence supposée de Pascal Tigri sur leur territoire. Depuis la tentative de putsch au Bénin, le gouvernement nigérien est resté silencieux.
Des vols suspects et des autorisations falsifiées
Les soupçons de Cotonou ne s’arrêtent pas là. Les autorités béninoises estiment que plusieurs autres mutins en fuite, qui se trouvaient également à Lomé, auraient quitté le Togo le mardi 16 décembre, toujours à bord d’un avion de la compagnie LTI. Un élément a particulièrement alerté les services béninois : l’appareil aurait coupé son transpondeur à son entrée dans l’espace aérien du Bénin.
Des vérifications menées auprès de l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC) auraient révélé que ce vol avait utilisé une « fausse autorisation de l’ANAC », renforçant les soupçons d’une opération coordonnée et dissimulée.
L’AES dans le viseur de Cotonou
Ces éléments alimentent les soupçons croissants des autorités béninoises à l’égard des pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), en particulier le Niger et le Burkina Faso. Les relations entre Cotonou et Niamey sont déjà extrêmement dégradées. Le général Abdourahamane Tiani a à plusieurs reprises accusé le président béninois Patrice Talon de tentative de déstabilisation, allant jusqu’à affirmer que le Bénin servirait de base arrière à des groupes terroristes opérant au Niger, « avec le soutien de la France ».
À ces tensions s’ajoutent les messages vidéo diffusés dès les premières heures de la tentative de putsch par Kemi Seba, conseiller spécial du président Tiani. Selon plusieurs sources béninoises, ces prises de parole pourraient indiquer que l’activiste souverainiste disposait d’informations en amont. La justice béninoise a d’ailleurs émis un mandat d’arrêt international contre Kemi Seba et contre Sabi Sira Korogone, président du Mouvement populaire de libération (MPL), pour des faits d’« apologie du terrorisme » et d’« incitation à la révolte ».
D’autres faits renforcent les soupçons de Cotonou : des mouvements inhabituels de troupes et de camions ont été observés le 6 décembre, à la veille de la tentative de putsch, du côté nigérien de la frontière, que Niamey maintient fermée depuis juillet 2023. En l’absence de toute explication officielle, ces manœuvres restent inexpliquées.
Enfin, plusieurs sources sécuritaires béninoises estiment que l’écosystème de guerre informationnelle associé au régime burkinabè, incarné notamment par l’activiste Ibrahima Maïga, aurait été mobilisé au profit des mutins, multipliant fausses informations et appels à la révolte le 7 décembre.
Un enregistrement audio, en possession des services béninois, tendrait même à démontrer, selon une source proche du président Patrice Talon, que Ouagadougou aurait joué le rôle de « tour de contrôle » de la tentative de putsch, en coordination avec Niamey.
Dans un entretien accordé le 16 décembre à Jeune Afrique, un ministre béninois a confirmé la gravité de ces soupçons, tout en s’en remettant aux conclusions des enquêtes en cours : « Nous sommes face à une situation d’agression. Il y a des règles en droit international. Si les faits sont avérés, ce serait extrêmement grave », a-t-il averti, avant d’ajouter : « Nous sommes un peuple combatif, nous ne nous laisserons pas faire. »
Alors que les investigations se poursuivent, l’affaire Tigri apparaît désormais comme un test majeur pour la stabilité régionale et les relations déjà fragilisées entre le Bénin et les régimes militaires du Sahel.

