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Sénégal: Ces séries de scandales qui mouillent Aliou Sall (2012- 2019)

Dimanche 9 Juin 2019

L’enquête de la BBC sur « le scandale pétrolier et gazier » qui secoue la paix socio-politique sénégalaise n’est qu’en réalité la suite de la série d’articles publiés le 03 avril 2016 du Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ). La BBC ne fait que continuer son minutieux travail indépendant d’investigation en s’appuyant sur les millions de documents à la base de ces révélations.


Parmi ces documents en cours de traitement, figure « l’affaire Aliou Sall » qui ne fait que commencer, et qui risquerait de plonger le pays de la Téranga dans une grave crise socio-politique. Ces sociétés dites Panama Papers ont l’habitude de chercher des liens qui mènent toujours vers le cœur du pouvoir. On se souvient des archives du cabinet Mossack Fonseca (MF) qui relient Karim Wade au scandale dit des « Panama Papers » à travers ses co-inculpés dans l’affaire des « biens mal acquis ». Ce sont ces mêmes relations d’affaires qui relient Aliou Sall, le frère de l’actuel président de la République du Sénégal, Macky Sall, à des détenteurs de comptes offshore aux pratiques douteuses qui sont cités dans les mêmes documents.
 
Né en 1969 à Foundiougne, ce journaliste, homme politique, homme d’affaires, haut fonctionnaire et diplomate sénégalais, Aliou Sall est devenu en moins d’une décennie un magnat des affaires grâce à ces « relations » d’affaire qui cherchent à faire fortune partout dans le monde. Parmi ses bonnes  « relations » en affaires au passé trouble, nous avons, selon Ouestaf News, Albert Cortina, un actionnaire majoritaire de la Banque de Dakar ouverte en avril 2015 dans la capitale sénégalaise. Cette banque fait jaser depuis son ouverture,. 
 
L’autre s’appelle Frank Timis, patron de Petro-Tim Limited, selon Ouestaf News, dont la filiale Petro-Tim Sénégal, est active dans l’exploration et la recherche d’hydrocarbures au Sénégal. Pour pouvoir s’installer au Sénégal, l’Espagnol Albert Cortina et l’Australo-roumain Frank Timis se sont liés à Aliou Sall, le petit frère du président Macky Sall, comme ils l’ont procédé ailleurs.

 
 
Frank Timis et les sociétés offshore
Ce n’est pas la première fois que Frank Timis est cité dans des affaires louches. Déjà, au milieu des années 90, cet homme d’affaires s’est adressé à Mossack Fonseca pour enregistrer une multitude de sociétés offshore parmi lesquelles Castle Europa Ltd, Albion Holdings, Regal Group Service Inc. Celle-ci a été enregistrée aux Iles Vierges britanniques par le bureau de Mossack Fonseca à Hong Kong en 1996. Si l’on se fie à Ouestaf News qui consulter les registres, on peut constater plusieurs mouvements dans l’actionnariat de Castle Europa où les parts ont migré vers Albion Holdings via une autre société dénommée Castle Partners à partir de 1997.
 
Les fichiers de MF, consultés par par notre source, renseigne aussi sur des liens entre Timis et un autre controversé homme d’affaires anglais, Chris Hudson, le promoteur de la fondation Yarrow Foundation secrètement placée au Panama par le cabinet MF. Ce dernier fait, lui aussi, face à des accusations d’évasion fiscale dans son pays.
 
Contacté par des confrères roumains, membres de ICIJ, Timis a reconnu avoir travaillé avec Mossack Fonseca. Il a cependant souligné qu’il n’ya rien d’illégal dans sa collaboration avec le cabinet panaméen.
 
Le passé récent trouble de Timis
Dans son pays d’origine, la Roumanie, la réputation de Timis reste entachée par quelques « affaires » peu catholiques. Nos confrères roumains membres de ICIJ rappellent son implication dans l’affaire de la mine d’or de Rosia Montana en Transylvanie, au centre -ouest de la Roumanie. C’est à cause de Timis que des milliers de roumains sont descendus dans les rues de leur pays à plusieurs reprises en 2013 pour s’opposer à l’exploitation de 300 tonnes d’or via un procédé axé sur l’usage de 12.000 tonnes de cyanure (connu pour ses effets néfastes sur l’environnement et la santé) que ce dernier et ses associés canadiens entendaient exploiter.  D’après les roumains, ces manifestations sont les  « plus importantes » dans le pays depuis la chute du communisme. Et c’est cet homme d’affaires atypique, au passé trouble et crédité d’une fortune d’un milliard de dollars qui va donner une opportunité à Aliou Sall, alors en poste à l’ambassade du Sénégal en Chine, de définitivement opter pour le privé.
 
Il faut souligner que depuis l’éclatement de l’affaire dite des Panama Papers, Timis et ses multiples affaires suscitent un regain d’intérêt. D’aucuns rappellent d’ailleurs ses condamnations par deux fois en Australie pour détention d’héroïne.
 
Certainement Aliou Sall ne s’est pas suffisamment renseigné sur le passé de cet homme avant d’entrer en relations d’affaires avec lui. Le petit frère de l’actuel président du Sénégal s’est fait roulé sur de la farine. 
 
Pour Financial Afrik, le magazine spécialisé en informations économiques et financières, « l’homme (Frank Timis) sait nouer les bonnes alliances et annoncer les bonnes nouvelles dans un seul but : le profit ». Les faits lui donnent raison: à part le cas d’Aliou Sall, Timis, pour conduire ses affaires au Liberia, s’est aussi lié au fils d’Ellen Johnson Sirleaf, Alvin Sirleaf, souvent mêlé dans des histoires de corruption.
 
Départ précipité de Mme Nafi Ngom Keita
Au Sénégal, si Aliou Sall ne fait pas encore l’objet d’aucun procès, nos sources du palais de la présidence de la République du Sénégal rapportent qu’il a été auditionné sur l’affaire Petro-Tim par l’Office National de Lutte contre la Fraude et la Corruption (Ofnac). Ces mêmes sources nous informent que le départ précipité et inattendue  de Nafi Ngom Keita est lié à cette audition.
 
 
Petro Tim, l’homme au conflit d’intérêts
La réputation d’Aliou Sall est malheureusement entachée  par le passé trouble de Timis à cause de Petro-Tim qui formellement établit le lien entre les deux et qui suscite moult interrogations au Sénégal.
 
Selon des informations disponibles sur le site du Bureau d’appui à la Création d’Entreprise (BCE), qui dépend de l’Apix (Agence chargée de la Promotion des Investissements et des grands travaux), la société a été officiellement créée le 7 juillet 2012 par Aliou Sall, comme une « société anonyme unipersonnelle ». Néanmoins,  Petro-Tim a été officiellement créé quelques mois seulement après l’arrivée de M. Macky Sall au pouvoir ! Il faut noter ensuite qu’au Sénégal Petro Tim a été attributaire de deux permis de recherche pétrolière:  les blocs de Cayar offshore et de Saint-Louis offshore profond, accordés respectivement par les décrets N° 2012-596 et N°2012-597 signés par le président Macky Sall lui-même, en juin 2012, à peine trois mois après sa prise de fonction au pouvoir en 2012.
 
Entre temps, Petro-Tim avait signé un contrat de partage de production d’hydrocarbures avec l’Etat du Sénégal qui détient 10% dans l’affaire contre 90% pour l’entité de Frank Timis. Ensuite, deux ans plus tard, soit en juillet 2014, Petro-Tim a revendu 60% de ses parts à la compagnie américaine Kosmos Energy qui a annoncé des découvertes de gaz et de pétrole au Sénégal à hauteur de 200 milliards FCFA, d’après montant régulièrement avancé dans la presse sénégalaise et internationale à l’époque.
 
Selon les dernières révélations de l’inspecteur des impôts Ousmane Sonko, un autre problème est lié à la nébuleuse Petro Tim : « le fisc sénégalais aurait dû recouvrer dans cette transaction quelque 90 milliards FCFA qui n’ont jamais été déclarés ». Le régime en place a rejeté ces accusations. D’ailleurs une commission d’enquête parlementaire est mise place pour tenter d’élucider cette affaire.
 
C’est toutes ces transactions qui ont fini de faire du dossier Petro-Tim une saga médiatico-financière inextricable, que même les experts ont du mal à démêler, selon le média Ouestaf News, membre du Consortium International des Journalistes d’Investigation. Plusieurs non-dits, selon ce média, entourent l’affaire qui pousse quelques acteurs de la société civile et l’opposition sénégalaise à parler de « nébuleuse » et à réclamer des comptes. Il est très fréquent que des Sénégalais protestent via les médias où les réseaux sociaux contre le « bradage » des ressources pétrolières et gazières du pays au profit du frère du président. Et pour la dite « affaire d’Aliou Sall », la société civile s’empare du dossier et demande directement des comptes au président de la République.  Ainsi, 13 organisations, partis politiques et mouvements de la société civile disent avoir formé le 8 juin un « front citoyen » pour exiger de la « transparence » dans les contrats pétroliers et gaziers du pays de la Téranga. Ce front est composé, entre autres, du mouvement Y’en a marre, du parti d’Ousmane Sonko et des activistes de « France dégage ».
 
Mais ce qui est étonnant dans l’affaire des « 90 milliards FCFA », le gouvernement sénégalais n’a curieusement jamais éclairé l’opinion publique de manière convaincante pour faire taire ses accusations. C’est une seule fois que l’ex- le Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dione, lors d’une conférence de presse en décembre 2014, avait tenté de blanchir Aliou Sall, à qui l’ex-président Abdoulaye Wade prête d’être le détenteur des 30 % encore détenus par Petro-Tim après la transaction avec Kosmos Energy.
 
Ce qui est étonnant et officiellement connu, Petro-Tim est une « Société Anonyme Unipersonnelle » au capital de 10.000.000 FCFA, dont le gérant est  Aliou Sall, selon le site du BCE. Ce qui pose un problème à Aliou Sall à cause de son implication dans la création de sa société de Petro-Tim. Le natif de Foundiougne et ancien fonctionnaire sénégalais  en Chine a préféré mettre en avant ses intérêts personnels au détriment de son pays en se proposant volontairement comme « représentant » de Timis au Sénégal.  
 
Au ministère des Affaires étrangères du Sénégal, un haut fonctionnaire contacté par nos services a indiqué qu’il est « formellement interdit de faire des affaires quand on est fonctionnaire. Nous sommes tous régis par le code des fonctionnaires, que vous soyez diplomate de carrière ou titulaire d’un contrat spécial ».
 
Contrairement à ses réponses à la presse sénégalaise et internationale, Aliou Sall  a indirectement voulu faire croire que c’est sous le magistère de l’ex-président Abdoulaye Wade que les blocs pétroliers ont été attribués définitivement à Petro-Tim. Mais les investigations de nos confrères Ouestaf News et les documents brandis par le Pape du « Sopi » révèlent que les décrets 2012-596 et 2012-597 ainsi que les documents portant création de l’entreprise attestent que c’est bien son frère Macky Sall, qui a signé le décret attribuant les deux blocs pétroliers.
 
Autre incohérence dans cette affaire louche: Petro-Tim Sénégal qui est crée le 04 juillet 2012 à Dakar est « née » avant sa « maison mère »Petro-Asia, une société offshore, incorporée le 11 juillet 2012 aux Iles Caïmans comme on pouvait le lire dans un document tiré du site web de Petro-Asia si l’on croit à Ouestaf News. 

 
 
Alberto Cortina et la Banque de Dakar, un lien commun?
Selon nos informations, Aliou Sall est aussi lié à Alberto Cortina, un homme d’affaires espagnol. Ce dernier est également cité dans les Panama Papers avec son cousin Alberto Alcocer. Ce duo d’hommes d’affaires surnommés « Los Albertos » par les Espagnols sont présents dans les fichiers de Mossack Fonseca comme gestionnaires de plusieurs sociétés off-shore dont Swiss shipping Inc, basé dans les Iles Vierges entre 2005 et 2014 et aussi Northcroft Trading.
 
Selon Ouestaf News, les deux banquiers traînent une sale réputation de délinquants financiers notoires en Espagne. Leurs noms sont étroitement liés, d’après cette même source, à l’affaire « Urbanor » qui remonte à 1987 et que d’aucuns considèrent comme la plus grande fraude immobilière jamais connue en Espagne. Dans cette affaire qui n’a connu son épilogue qu’en 2014, les deux cousins furent finalement condamnés par la Cour suprême à payer 10 millions d’euros aux autres actionnaires d’Urbanor. Tandis qu’un premier jugement les avait condamnés pénalement à trois ans de prison ferme.
 
Toujours selon notre source, Los Albertos alors actionnaires majoritaires, ont cédé 1987 des terrains acquis dans le passé par Urbanor à 8 millions d’euros au K.I.O (Kuwait Investment Office) pour la somme de 160 millions d’euros en  cachant le montant réel de la vente aux autres actionnaires. C’est à cause de cette affaire qui a fortement entaché leur honorabilité que a ces deux cousins étaient contraints à s’écarter de la direction de la Banca Zaragozano en vendant leurs actions au britannique Barclays. Et c’est ce monsieur  (Frank Tmis) au passé trouble qui devient dans la capitale sénégalaise l’actionnaire de référence de la Banque de Dakar (BDK). Cet établissement, ouvert en avril 2015 à Dakar est géré par le holding Dakar Financial Group.
 
Comme avec Petro-Tim, on accuse Aliou Sall d’avoir été au centre de l’installation de la BDK dans la capitale sénégalaise. D’aucuns disent que le petit frère du président est d’ailleurs simplement présenté comme un des actionnaires de la BDK même si le concerné continue de nier devant la presse locale et internationale en affirmant n’avoir qu’un poste « d’administrateur indépendant » dans l’établissement. Il va falloir que Aliou explique à l’opinion sénégalaise et internationale à quel titre et contre quoi il avait occupé le poste d’ « Administrateur » dans cette banque. 

Par Erick Salemon Bassène
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