Enlèvements ou tentatives d'enlèvements, séquestrations, demandes de rançons… Des dirigeants de sociétés de cryptomonnaies ou leurs proches ont été pris pour cible ces dernières semaines. Les principaux acteurs du secteur sont reçus, vendredi 16 mai, au ministère de l'Intérieur. Le professeur d'économie et de finance à l'université Paris-Dauphine, Jérôme Mathis, explique pourquoi les détenteurs d'actifs numériques sont visés par les malfaiteurs.
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau réunit des entrepreneurs du secteur des cryptomonnaies pour « travailler à leur sécurité ». Est-ce à dire que ces importants détenteurs d'actifs sont aujourd'hui menacés ?
Jérôme Mathis : Il y a eu, ces dernières semaines, une série d'enlèvements ou de tentatives d'enlèvements. C'est un phénomène inquiétant, mais qui n'est pas propre à la France. On a déjà observé cela par ailleurs aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, aux États-Unis, en Amérique latine (Brésil, Mexique, Venezuela) ou en Afrique comme au Nigeria. Est-ce que les dirigeants et leurs proches sont en danger ?
Je crois qu'il ne faut pas être paranoïaque. Doivent-ils, en revanche, être vigilants ? Oui. Il y a peut-être aujourd'hui une forme de mythe autour des cryptomonnaies. Au même titre que les bijoutiers n'ont pas tous des diamants chez eux, les entrepreneurs dans les cryptomonnaies ne sont pas tous millionnaires. D'autant que les plus riches ont suffisamment de moyens pour se protéger et assurer leur sécurité.
Les récents enlèvements ou tentatives d'enlèvements montrent cependant que les détenteurs de cryptomonnaies sont une nouvelle cible pour les criminels. Pourquoi ?
Cela s'explique d'abord par la valeur des actifs numériques. Le bitcoin, par exemple, a connu une croissance spectaculaire. Il valait moins de 1 000 euros en 2017, il en vaut aujourd'hui cent fois plus – près de 100 000 euros –, ce qui en fait une cible très convoitée des criminels. L'autre raison, c'est que contrairement à des bijoux, des montres ou des voitures de luxe volés qui devront être revendus à prix cassés, il n'y a aucune décote sur les cryptomonnaies. Les actifs numériques sont transférés d'un compte à un autre, ce qui permet d'empocher la valeur directe de la cryptomonnaie. Enfin, en cas de demande de rançon, les actifs numériques sont disponibles 24h/24. Pas besoin d'attendre de réunir les fonds demandés. Les transactions sont instantanées, sans frais bancaires.
Cette criminalité complique-t-elle l'identification des malfaiteurs ?
Si la blockchain (la base de données qui contient l'historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création, sécurisée et consultable par chacun, NDLR) permet de garder une trace précise des transactions, il est en revanche plus facile de dissimuler son identité derrière un pseudonyme. Tracer le butin devient donc beaucoup plus délicat. Les criminels agissent de manière rationnelle : ils recherchent un gain maximal avec une prise de risque minimale, et c'est en ça que les cryptomonnaies les attirent.
Le cofondateur de la plateforme de cryptomonnaies Ledger, Éric Larchevêque, dont l'associé David Balland a été kidnappé avec sa compagne fin janvier, dénonce une « mexicanisation de la France ». Partagez-vous ce constat ?
Si l'on parle de crimes organisés avec des enlèvements contre des sommes d'argent, peut-être qu'on s'en approche. Mais je ne partage pas ce point de vue, car cela reviendrait à dire que la France fait figure d'exception. Or, c'est vrai, trois faits divers importants se sont enchaînés ces derniers mois, mais il y a eu aussi plusieurs cas aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Éric Larchevêque est un ambassadeur des cryptomonnaies en France. Il est dans son rôle lorsqu'il alerte pour défendre son secteur. Tout comme le ministère de l'Intérieur l'est aussi lorsqu'il reçoit les principaux dirigeants de sociétés de cryptomonnaies pour entendre les inquiétudes sur leur sécurité.
RFI
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau réunit des entrepreneurs du secteur des cryptomonnaies pour « travailler à leur sécurité ». Est-ce à dire que ces importants détenteurs d'actifs sont aujourd'hui menacés ?
Jérôme Mathis : Il y a eu, ces dernières semaines, une série d'enlèvements ou de tentatives d'enlèvements. C'est un phénomène inquiétant, mais qui n'est pas propre à la France. On a déjà observé cela par ailleurs aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, aux États-Unis, en Amérique latine (Brésil, Mexique, Venezuela) ou en Afrique comme au Nigeria. Est-ce que les dirigeants et leurs proches sont en danger ?
Je crois qu'il ne faut pas être paranoïaque. Doivent-ils, en revanche, être vigilants ? Oui. Il y a peut-être aujourd'hui une forme de mythe autour des cryptomonnaies. Au même titre que les bijoutiers n'ont pas tous des diamants chez eux, les entrepreneurs dans les cryptomonnaies ne sont pas tous millionnaires. D'autant que les plus riches ont suffisamment de moyens pour se protéger et assurer leur sécurité.
Les récents enlèvements ou tentatives d'enlèvements montrent cependant que les détenteurs de cryptomonnaies sont une nouvelle cible pour les criminels. Pourquoi ?
Cela s'explique d'abord par la valeur des actifs numériques. Le bitcoin, par exemple, a connu une croissance spectaculaire. Il valait moins de 1 000 euros en 2017, il en vaut aujourd'hui cent fois plus – près de 100 000 euros –, ce qui en fait une cible très convoitée des criminels. L'autre raison, c'est que contrairement à des bijoux, des montres ou des voitures de luxe volés qui devront être revendus à prix cassés, il n'y a aucune décote sur les cryptomonnaies. Les actifs numériques sont transférés d'un compte à un autre, ce qui permet d'empocher la valeur directe de la cryptomonnaie. Enfin, en cas de demande de rançon, les actifs numériques sont disponibles 24h/24. Pas besoin d'attendre de réunir les fonds demandés. Les transactions sont instantanées, sans frais bancaires.
Cette criminalité complique-t-elle l'identification des malfaiteurs ?
Si la blockchain (la base de données qui contient l'historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création, sécurisée et consultable par chacun, NDLR) permet de garder une trace précise des transactions, il est en revanche plus facile de dissimuler son identité derrière un pseudonyme. Tracer le butin devient donc beaucoup plus délicat. Les criminels agissent de manière rationnelle : ils recherchent un gain maximal avec une prise de risque minimale, et c'est en ça que les cryptomonnaies les attirent.
Le cofondateur de la plateforme de cryptomonnaies Ledger, Éric Larchevêque, dont l'associé David Balland a été kidnappé avec sa compagne fin janvier, dénonce une « mexicanisation de la France ». Partagez-vous ce constat ?
Si l'on parle de crimes organisés avec des enlèvements contre des sommes d'argent, peut-être qu'on s'en approche. Mais je ne partage pas ce point de vue, car cela reviendrait à dire que la France fait figure d'exception. Or, c'est vrai, trois faits divers importants se sont enchaînés ces derniers mois, mais il y a eu aussi plusieurs cas aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Éric Larchevêque est un ambassadeur des cryptomonnaies en France. Il est dans son rôle lorsqu'il alerte pour défendre son secteur. Tout comme le ministère de l'Intérieur l'est aussi lorsqu'il reçoit les principaux dirigeants de sociétés de cryptomonnaies pour entendre les inquiétudes sur leur sécurité.
RFI