
Salwan Momika a été assassiné par balles ce jeudi 30 janvier. À 38 ans, l'homme avait quitté son Irak natal pour se réfugier en Suède où il revendiquait son athéisme et son aversion pour l'islam. Ses autodafés de corans en plein centre de Stockholm avaient créé d'importantes tensions diplomatiques avec l'Irak et l'Iran. « Marianne » l'avait interviewé à l'été 2023, alors que l'homme était déjà menacé, se disant seul et isolé. L'agence suédoise des Migrations avait par ailleurs révoqué son permis de séjour.
Ce jeudi 30 janvier, la police suédoise a retrouvé le corps de Salwan Momika à Sodertalje, dans la banlieue de Stockholm. Un peu plus tôt, le commissariat avait été appelé par le voisinage, signalant des coups de feu. Selon plusieurs médias locaux, la victime se filmait en direct sur les réseaux sociaux quand son meurtrier, passé par les toits de l'immeuble, l'a exécuté avec une arme à feu. Cinq suspects ont été appréhendés.
« Je suis totalement seul »
Le réfugié irakien âgé de 38 ans avait quitté, en 2017, l'Irak où il se disait menacé pour avoir critiqué la collusion de son gouvernement avec des milices armées religieuses. Salwan Momika avait alors rejoint la Jordanie, terre d'asile politique traditionnelle pour les Irakiens. Depuis Amman, l'homme avait ensuite demandé un visa à la Suède pour pouvoir participer à une conférence sur le thème de la persécution du peuple assyrien (très ancienne minorité chrétienne d’Irak N.D.L.R). Issu de la plaine de Ninive envahie par les djihadistes de Daech dès 2014, Salwan Momika représentait la grande diversité culturelle, religieuse et ethnique qui compose l'Irak d'hier et d'aujourd'hui.
« J'ai grandi dans la région du Kurdistan, à Ainkawa. Je suis araméen, assyrien et autrefois chrétien, avait-il détaillé à Marianne lors d'une interview datant de l'été 2023. Par la suite, je suis devenu athée. À l'époque, j'étais à la tête d'un parti politique dont l'objectif était d'établir une zone de protection internationale, dans la plaine de Ninive, pour toutes les composantes minoritaires chrétiennes, yézidies, et assyro-araméennes. On voulait aussi promouvoir dans ces espaces tampon une égalité entre les hommes et les femmes. Car les musulmans marginalisent cette diversité irakienne et la privent de ses droits ».
Dès sa conférence terminée, l'homme avait déposé une demande d'asile politique. Il n'a alors plus aucune relation avec sa famille et ses amis qui l'ont renié après leur avoir avoué son athéisme. « Je suis totalement seul », avait-il confié à Marianne.
Douloureux chemin vers l'athéisme
La voie vers l'athéisme fut compliquée racontait-il. Un athéisme aussi bien condamné par l'État irakien et la communauté musulmane majoritaire (95 %), que par les autres minorités religieuses du pays. « Quand je me suis rendu compte que j'avais été trompé par la religion, ça m'a rendu fou, avait-il avoué à Marianne. C'est comme si ma vie n'avait plus aucun sens et que seule la foi lui en avait donné. C'est le pire sentiment que j'ai jamais ressenti et je le ressens encore. Pour autant, je ne doute pas de mon athéisme. Jamais. Je suis plus athée que Nietzsche. Pour compenser, je me suis donc mis à lire la philosophie de Spinoza, Nietzsche, Karl Marx, Dostoïevski, Albert Camus, Emil Cioran, Kant et bien d'autres. Ça m'a mis une claque ».
Si Salwan Momika considérait les trois religions monothéistes comme des « tromperies obscurantistes », l'homme ciblait plus particulièrement l'islam dont il prétendait qu'elle revêtait un plus grand danger. À l'été 2023, il se met alors à brûler des exemplaires du coran dans l'espace public. Le droit suédois le lui permettait encore – contrairement à la législation du Danemark voisin dont un texte interdit désormais ce type de pratiques depuis le 7 décembre 2023 –, la justice rappelant qu’un tel geste relève de la liberté d’expression. Mais ses directs à répétition agitent les menaces émanant d'entités islamistes étrangères.
En juillet, l'ambassade suédoise d'Irak est prise d'assaut par des partisans de Moqtada al-Sadr, venus des quartiers pauvres de Sadr city, une localité déshéritée chiite de Bagdad. Dans la foulée, le pays hôte nordique revoit alors sa copie et considère que l'autodafé d'un livre religieux peut relever d'une « agitation contre un groupe ethnique ». Le 21 juillet, quand notre entretien avec Salwan Momika est publié, il n'est déjà plus sous protection policière. « Maintenant je suis sans défense », avait-il déploré, décrivant avoir déjà été « roué de coups par un groupe d'hommes l'ayant reconnu dans la rue ».
Pression judiciaire
Après avoir échangé sur l'histoire de Salman Rushdie et de sa littérature, Salwan avait concédé craindre d'être un jour exécuté : « Il n'y a pas d'être humain qui ne craigne pour sa vie, mais je dis toujours : "Il vaut mieux vivre un jour libre et courageux que de vivre cent ans enchaîné et lâche". Le doute devrait concerner toutes les disciplines, même l'existence. Le doute est la raison d'un voyage vers la recherche et l'atteinte de la vérité. Il faut pouvoir douter de tout ».
L'homme multiplie alors ses autodafés de corans, toujours soigneusement encadrés par la police suédoise. Sur les réseaux sociaux, il lance des appels aux dons, abondamment relayés. Ses posts dévient progressivement, associant islam et immigration. Il demande par exemple à sa communauté toujours plus grandissante : « Soutenez-vous l'idée d'une déportation massive des musulmans vers leur pays ? ».
En août 2023, Momika, ainsi que son ami Salwan Najem, sont finalement poursuivis à quatre reprises par la justice suédoise pour « agitation contre un groupe ethnique ». Les deux hommes devaient d'ailleurs se présenter devant la justice dans les prochains jours. Contacté, son avocat Nima Rostami n'a pas souhaité répondre à nos questions.
« Je veux que le monde, en particulier l'Occident, se réveille par rapport au danger de ce livre et de sa propagation, car il est capable d'anéantir des sociétés et des pays entiers. Je veux qu'il soit interdit ou que les versets d'incitations aux meurtres en soient retirés », avait-il motivé à Marianne.
Un « sentiment d'appartenance »
L'espoir d'un avenir durable à Stockholm s’était néanmoins refroidi. L'agence suédoise des Migrations avait révoqué son permis de séjour, prétextant que l'Irakien avait fourni de fausses informations lors de sa demande d'asile. Impossible cependant de le renvoyer dans son pays natal où sa vie était clairement menacée. En mars 2024, Momika s'était alors rendu dans le pays voisin, la Norvège… avant d'en être expulsé et renvoyé vers la Suède.
Ce jeudi 30 janvier, la police suédoise a retrouvé le corps de Salwan Momika à Sodertalje, dans la banlieue de Stockholm. Un peu plus tôt, le commissariat avait été appelé par le voisinage, signalant des coups de feu. Selon plusieurs médias locaux, la victime se filmait en direct sur les réseaux sociaux quand son meurtrier, passé par les toits de l'immeuble, l'a exécuté avec une arme à feu. Cinq suspects ont été appréhendés.
« Je suis totalement seul »
Le réfugié irakien âgé de 38 ans avait quitté, en 2017, l'Irak où il se disait menacé pour avoir critiqué la collusion de son gouvernement avec des milices armées religieuses. Salwan Momika avait alors rejoint la Jordanie, terre d'asile politique traditionnelle pour les Irakiens. Depuis Amman, l'homme avait ensuite demandé un visa à la Suède pour pouvoir participer à une conférence sur le thème de la persécution du peuple assyrien (très ancienne minorité chrétienne d’Irak N.D.L.R). Issu de la plaine de Ninive envahie par les djihadistes de Daech dès 2014, Salwan Momika représentait la grande diversité culturelle, religieuse et ethnique qui compose l'Irak d'hier et d'aujourd'hui.
« J'ai grandi dans la région du Kurdistan, à Ainkawa. Je suis araméen, assyrien et autrefois chrétien, avait-il détaillé à Marianne lors d'une interview datant de l'été 2023. Par la suite, je suis devenu athée. À l'époque, j'étais à la tête d'un parti politique dont l'objectif était d'établir une zone de protection internationale, dans la plaine de Ninive, pour toutes les composantes minoritaires chrétiennes, yézidies, et assyro-araméennes. On voulait aussi promouvoir dans ces espaces tampon une égalité entre les hommes et les femmes. Car les musulmans marginalisent cette diversité irakienne et la privent de ses droits ».
Dès sa conférence terminée, l'homme avait déposé une demande d'asile politique. Il n'a alors plus aucune relation avec sa famille et ses amis qui l'ont renié après leur avoir avoué son athéisme. « Je suis totalement seul », avait-il confié à Marianne.
Douloureux chemin vers l'athéisme
La voie vers l'athéisme fut compliquée racontait-il. Un athéisme aussi bien condamné par l'État irakien et la communauté musulmane majoritaire (95 %), que par les autres minorités religieuses du pays. « Quand je me suis rendu compte que j'avais été trompé par la religion, ça m'a rendu fou, avait-il avoué à Marianne. C'est comme si ma vie n'avait plus aucun sens et que seule la foi lui en avait donné. C'est le pire sentiment que j'ai jamais ressenti et je le ressens encore. Pour autant, je ne doute pas de mon athéisme. Jamais. Je suis plus athée que Nietzsche. Pour compenser, je me suis donc mis à lire la philosophie de Spinoza, Nietzsche, Karl Marx, Dostoïevski, Albert Camus, Emil Cioran, Kant et bien d'autres. Ça m'a mis une claque ».
Si Salwan Momika considérait les trois religions monothéistes comme des « tromperies obscurantistes », l'homme ciblait plus particulièrement l'islam dont il prétendait qu'elle revêtait un plus grand danger. À l'été 2023, il se met alors à brûler des exemplaires du coran dans l'espace public. Le droit suédois le lui permettait encore – contrairement à la législation du Danemark voisin dont un texte interdit désormais ce type de pratiques depuis le 7 décembre 2023 –, la justice rappelant qu’un tel geste relève de la liberté d’expression. Mais ses directs à répétition agitent les menaces émanant d'entités islamistes étrangères.
En juillet, l'ambassade suédoise d'Irak est prise d'assaut par des partisans de Moqtada al-Sadr, venus des quartiers pauvres de Sadr city, une localité déshéritée chiite de Bagdad. Dans la foulée, le pays hôte nordique revoit alors sa copie et considère que l'autodafé d'un livre religieux peut relever d'une « agitation contre un groupe ethnique ». Le 21 juillet, quand notre entretien avec Salwan Momika est publié, il n'est déjà plus sous protection policière. « Maintenant je suis sans défense », avait-il déploré, décrivant avoir déjà été « roué de coups par un groupe d'hommes l'ayant reconnu dans la rue ».
Pression judiciaire
Après avoir échangé sur l'histoire de Salman Rushdie et de sa littérature, Salwan avait concédé craindre d'être un jour exécuté : « Il n'y a pas d'être humain qui ne craigne pour sa vie, mais je dis toujours : "Il vaut mieux vivre un jour libre et courageux que de vivre cent ans enchaîné et lâche". Le doute devrait concerner toutes les disciplines, même l'existence. Le doute est la raison d'un voyage vers la recherche et l'atteinte de la vérité. Il faut pouvoir douter de tout ».
L'homme multiplie alors ses autodafés de corans, toujours soigneusement encadrés par la police suédoise. Sur les réseaux sociaux, il lance des appels aux dons, abondamment relayés. Ses posts dévient progressivement, associant islam et immigration. Il demande par exemple à sa communauté toujours plus grandissante : « Soutenez-vous l'idée d'une déportation massive des musulmans vers leur pays ? ».
En août 2023, Momika, ainsi que son ami Salwan Najem, sont finalement poursuivis à quatre reprises par la justice suédoise pour « agitation contre un groupe ethnique ». Les deux hommes devaient d'ailleurs se présenter devant la justice dans les prochains jours. Contacté, son avocat Nima Rostami n'a pas souhaité répondre à nos questions.
« Je veux que le monde, en particulier l'Occident, se réveille par rapport au danger de ce livre et de sa propagation, car il est capable d'anéantir des sociétés et des pays entiers. Je veux qu'il soit interdit ou que les versets d'incitations aux meurtres en soient retirés », avait-il motivé à Marianne.
Un « sentiment d'appartenance »
L'espoir d'un avenir durable à Stockholm s’était néanmoins refroidi. L'agence suédoise des Migrations avait révoqué son permis de séjour, prétextant que l'Irakien avait fourni de fausses informations lors de sa demande d'asile. Impossible cependant de le renvoyer dans son pays natal où sa vie était clairement menacée. En mars 2024, Momika s'était alors rendu dans le pays voisin, la Norvège… avant d'en être expulsé et renvoyé vers la Suède.