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Les offres spontanées ou la mort du prive national

Mercredi 29 Mai 2019

Par Pape Abdourakhmane Dabo


 
Lors du Conseil présidentiel de l’investissement de 2017, le président de la République avait tenu des propos qui avaient choqué les chefs d’entreprise. «Préparez-vous, leur avait-il dit, à la concurrence et pas uniquement face aux Marocains. Vous aurez aussi l’Afrique du Sud, le Kenya, l’Egypte…». Il faisait alors allusion à l’adoption imminente de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca). 

Triste sentence pour un privé national fébrile, abandonné au milieu du gué. Néanmoins, à y voir de plus près, il y avait bien pire que l’éventuelle entrée du Maroc dans la Cedeao ou la concrétisation du marché commun africain. 

Le président Macky Sall n’avait pas cité les vrais concurrents qui étaient autrement mieux outillés et mieux préparés que les entreprises des pays auxquels il faisait référence. Car, le danger venait en réalité de la France, la Turquie, la Chine, autant de pays qui cherchent des opportunités sur le continent notamment dans le domaine des infrastructures… 

Car la loi qui va sonner le glas pour notre secteur privé national est antérieure à tout ce dont parlait le chef de l’Etat. Elle a été votée, trois ans auparavant, à l’Assemblée nationale sénégalaise lors de sa séance du lundi 10 Février 2014. C’est en effet, ce jour que la loi 2014-09 relative aux contrats de partenariat a été adoptée, avec en son article premier, une disposition fatale aux entreprises sénégalaise, en l’occurrence l’offre spontanée. 

Les députés de cette législature avaient-ils pris le soin d’examiner le contenu ou bien même de se renseigner sur les contours des offres spontanées? Ceux qui sont soucieux de préserver les intérêts des investisseurs sénégalais et des emplois locaux peuvent légitimement en douter. D’autant que la majeure partie de ces parlementaires reconnaît obéir au doigt et à l’œil aux ordres de la présidence, sans tenir compte de la volonté du peuple qui les a élus. En tout cas ils sont en partie responsables de la souffrance du privé national et nous allons vous expliquer brièvement de quoi l’offre spontanée est-elle le nom. 

Traditionnellement, les gouvernements impliquent le secteur privé dans le développement des infrastructures par le biais d’un processus de planification publique. Dans le cas d’une offre spontanée, un opérateur privé soumet à une autorité contractante une proposition visant un projet d’infrastructures ou de services, sans avoir été au préalable expressément consulté ni invité à le faire par le gouvernement. De ce point de vue, une offre spontanée constitue donc une exception à la règle selon laquelle les projets d’infrastructures sont initiés par le secteur public. 

Mais de quel secteur privé s’agit-il ? En tout cas pas celui du Sénégal, parce que l’introduction et son champ d’application dans le Code des Marchés Publics et les choix faits par nos gouvernants l’excluent ou le relèguent au second plan. Malgré les alertes de la Banque Mondiale, dans une lettre signée par sa représentante à Dakar Mme Vera Songwé le 20 Novembre 2014 ou l’institution financière manifestait son inquiétude suite à l’introduction de l’offre spontanée dans le nouveau Code des Marchés Publics, le Ministre de l’Economie et des Finances d’alors, Mr Amadou Ba, rétorquait en disant « l’offre spontanée n’est pas une création du Sénégal ». 

Du moment où ce n’est pas une création sénégalaise comment pourrait-on la maiîtriser mieux que son inventeur ? Impossible de comprendre mieux un projet que son concepteur d’où le danger surtout dans le monde des affaires. 

Dans la Section 4 article 81 du Code des Marchés Publics relatif au champ d’application de l’offre spontanée, tout Etat protecteur opterait pour l’alinéa 2 qui dispose que : «sous réserve des exceptions visées au présent article, les marchés à conclure dans les conditions décrites à la présente section sont passés par Appel d'offres ouvert conformément à la Section 2 du présent code. Le dossier d'Appel à la concurrence est élaboré sur la base des études préalables réalisées par l'auteur de l'offre spontanée qui précise, à la transmission desdites études, les données confidentielles ou de propriété intellectuelle qui ne peuvent faire l'objet de divulgation dans le dossier, à l'exception d'une cession de ses droits à l'autorité contractante».

Non seulement le secteur privé national est abandonné face à une rude concurrence, mais il est de plus désarmé, parce que dans la quasi-totalité des offres spontanées l’Etat du Sénégal a opté pour l’alinéa 3 qui stipule que : « L'Autorité contractante peut recourir à la négociation directe, après avis préalable de la Direction chargée du contrôle des marchés publics, avec une entreprise présentant une offre spontanée dans les conditions cumulatives suivantes:

• si le montant estimatif du marché concerné est au moins égal à 50 milliards de FCFA;

• si le financement intégral du marché est apporté par l'entreprise dans les conditions conformes aux règles d'endettement du Sénégal;

• si l'entreprise, dans le cas où elle serait de droit non communautaire, s'engage à sous‐traiter aux nationaux une part du marché qui ne peut être inférieure à 10 % du montant total;

• si l'entreprise définit, le cas échéant, un schéma pouvant assurer un transfert de compétences et de connaissances.  

Quelle société sénégalaise du BTP en général fait un chiffre d’affaires de plus de 50 milliards par année ? Outre la CSE et la CDE, il est quasi impossible d’en citer d’autres.  Donc les deux premières conditions excluent toutes les sociétés de BTP nationales.

Ensuite une sous-traitance de 10% au minimum d’une part de marché pour nos majors qui ont les mêmes compétences et souvent même plus, parce que ce que les Marocains ont fait à la cité de l’émergence ADDOHA c’est tout sauf du génie civil.

Enfin pour terminer sur le transfert de compétence, nous avons vu les Chinois retarder le démarrage des travaux sur l’autoroute Ila Touba simplement parce qu’ils voulaient appliquer les normes chinoises dans les CCTP (cahier de clauses techniques particulières). Nos majors ne sont donc pas capables de construire des routes, des ponts, des immeubles, des stades…?

A la lumière de tout ceci, les gouvernants sénégalais doivent  revoir l’article 81 du Code des Marchés Publics et penser d’avantage au privé national pas pour des raisons protectionnistes mais plutôt patriotiques.

Si le secteur privé national n’est pas protégé, il mourra de sa belle mort, et toute croissance sera extravertie.

Pape Abdourakhmane Dabo
Ingénieur des Travaux Publics
Consultant en Infrastructures Publiques
Membre de Legs Africa 
Membre du Collectif Citoyen des Usagers de l’Autoroute à Péage (CCUAP)

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