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Guerre au Soudan : Les cimetières de Khartoum saturés

Lundi 25 Novembre 2024

Depuis le 15 avril 2023, la capitale du Soudan, Khartoum, est l’épicentre des combats entre les Forces armées soudanaises du général Bourhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide du général Hemedti. Si l’ONU continue d’indiquer un bilan avoisinant les 25 000 morts, la guerre pourrait avoir fait dans tout le pays plus de 150 000 victimes civiles dans les bombardements, les massacres et en comptant les morts de faim et de maladies.


À cause des combats qui se poursuivent, il n’existe aucune statistique fiable. Selon plusieurs enquêtes, menées notamment grâce à des images satellites, tous les cimetières de la capitale sont pleins, des fosses communes ont été creusées et des corps enterrés à même les maisons.

Dans le crépuscule, des hommes armés de pioches creusent des tombes, aux abords du cimetière Ahmad Sharfi, à Omdurman, banlieue ouest de Khartoum. Oussama est venu enterrer son voisin, un menuisier tué ce matin dans un quartier résidentiel, cible des mortiers des Forces de soutien rapide. « Depuis ce matin, ça n’arrête pas. Au moins 7 obus sont tombés. Des enfants et des femmes ont été blessés. Mon voisin était en train dormir sur un lit. L’obus lui est tombé dessus. Le lit a été pulvérisé, et son corps démembré. On a dû le ramasser morceau par morceau. »



« Les places, les maisons sont remplies de corps »
Les funérailles s’enchainent. Le doyen des fossoyeurs, Abdeen Dirma, ne les comptent plus : « On se trouve à l’extérieur du cimetière ! À l’intérieur, il n’y a plus de place. Alors, on est venu creuser là, sur ce terrain vague. Ici, les jeunes venaient jouer au foot, maintenant, c'est couvert de tombes. Ces derniers jours, on enterre de plus en plus de morts tués par des tirs d’artillerie. Aujourd’hui, on creuse depuis la prière du matin. C’est tous les jours comme ça. On fait entre 15, 20, 30 enterrements quotidiens. On ne dort plus, de jour comme nuit. »

À cause des combats qui compliquent les déplacements, la plupart des morts ne passent ni à l’hôpital ni à la morgue. « Quand il y a des batailles, des combats, les morts sont enterrés là où ils ont été tués. Les gens creusent à la va-vite pour que les cadavres ne pourrissent pas et répandent des maladies. Il y en a des tonnes. C’est impossible de compter. Les places, les maisons sont remplies de corps »

À l’extérieur du cimetière, d’autres familles attendent leur tour. Au loin, les combats font rage pour le contrôle de la capitale.

Guerre au Soudan: «à Khartoum, on a le sentiment d’être dans une ville fantôme»
Ce qui frappe, c’est d’abord l’ampleur des destructions dans ce qui était le cœur battant de Khartoum, raconte notre envoyé spécial de retour du Soudan, Eliott Brachet. Les quartiers historiques sont dévastés. Le grand marché d’Omdurman, par exemple, qui était une fourmilière, est aujourd’hui un désert de tôles calcinées. On a le sentiment d’être dans une ville fantôme. La moitié des 8 millions d’habitants de Khartoum sont partis. C’est la seule capitale au monde actuellement à connaître une guerre urbaine d’une telle intensité. Les tirs d’artillerie sont quotidiens. Ils tombent essentiellement sur des maisons, des terrains de foot, des hôpitaux. Il y a des dizaines de morts civils chaque jour, les cimetières sont pleins. Et aujourd’hui, presque plus que la guerre, les gens meurent de faim et de maladies.

Depuis le 26 septembre, l’armée régulière a lancé une contre-offensive importante dans la capitale. Les troupes du général al-Burhan avancent sur plusieurs fronts. Pour la première fois, elles ont remis un pied dans le centre-ville, mais elles progressent lentement, rue après rue. Ce qui est frappant c’est que les mouvements de civils qui fuient les combats ne vont que dans un sens : ils quittent massivement les zones contrôlées par les paramilitaires. Pour deux raisons : d’abord, parce que la milice de Hemedti s’adonne à des exactions énormes contre la population, des pillages, des viols de masse. Mais aussi parce que l’armée, en face, pour gagner du terrain, multiplie les frappes aériennes, faisant des dégâts considérables.

L'armée régulière vient par ailleurs d'annoncer ce week-end avoir repris la ville de Sinja, dans la province de Sennar. L’armée avance dans l’Est du pays. Mais, globalement, le rapport de force reste incertain. Le Soudan reste presque coupé en deux. Les hommes de Hemedti tiennent toujours le Darfour, à l’ouest. C’est là-bas que se joue la bataille la plus importante du moment. Les Forces de soutien rapide encerclent depuis des mois la ville d’el-Fasher. Si celle-ci tombe, les FSR auront un contrôle quasi incontesté sur un territoire aussi étendu que la France.
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