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"Au sein de la junte, ils n’ont plus totalement confiance en Malick Diaw"

Vendredi 1 Juillet 2022

st l’ainé des cinq putschistes qui règnent sur le Mali et un habitué des coups d’État. En mai, les rumeurs l’ont même dit derrière une tentative de déstabilisation. Le président du Conseil national de transition aurait-il tenté de s’émanciper ?


« Je me suis fait une raison, confiait Thomas Sankara. Soit je finirai vieil homme quelque part dans une bibliothèque, soit ce sera une fin violente car nous avons tellement d’ennemis… » À la manière du révolutionnaire burkinabè, Assimi Goïta a-t-il déjà envisagé la fin du pouvoir ? Ce colonel putschiste qui s’est emparé du pouvoir dans l’après-midi du 18 août 2020 a-t-il peur de subir le même sort que Sankara ? 

Deux ans après avoir instauré un pouvoir militaire au Mali, Assimi Goïta ne s’est pas fait que des amis. Derrière leurs treillis et les bérets verts qui coiffent leurs têtes, les tombeurs d’IBK sont sur le qui-vive. Ils ont de quoi : depuis le début de la transition, la junte a affirmé avoir déjoué trois tentatives de « déstabilisation du gouvernement ». 

La dernière remonte au 11 mai dernier. Selon un communiqué publié par le gouvernement, cette nuit-là, une dizaine d’officiers ont tenté de renverser le président Goïta. « C’est dans le dessin malsain » de « briser la dynamique de refondation du Mali qu’un groupuscule d’officiers et de sous-officiers antiprogressistes maliens a tenté un coup d’État dans la nuit du 11 au 12 mai », révélait l’exécutif. 

Un parrain
Plusieurs hauts gradés ont été mis aux arrêts et l’un d’eux a attiré l’attention : le colonel Amadou Keïta. Passé, comme Assimi Goïta, par le prytanée militaire de Kati et l’académie militaire de Koulikoro, l’officier, issu du génie militaire, était membre du Conseil national de transition (CNT) – il a été révoqué par décret présidentiel fin juin.

Surtout, ce rapporteur de la commission défense du CNT est réputé proche de Malick Diaw, l’un des cinq putschistes qui ont pris le pouvoir en 2020, devenu depuis président de l’institution législative. « Diaw est comme un parrain pour Keïta », glisse une source proche de la junte.


Les deux hommes se connaissent de longue date et sont des habitués des coups d’État. Déjà en 2012, ils étaient auprès du capitaine Amadou Haya Sanogo, le tombeur d’Amadou Toumani Touré. Huit ans plus tard, Amadou Keïta a soutenu Diaw et ses camarades lors de leur coup contre IBK. 

Une proximité telle que dès l’arrestation d’Amadou Keïta connue, les yeux se sont tournés vers Malick Diaw. Hier encore allié de Goïta, se serait-il retourné contre ses camarades ? Ces derniers mois les rumeurs se faisaient de plus en plus pressantes : de vives tensions seraient apparues entre les cinq militaires au cœur du pouvoir à Bamako. Assimi Goïta, Sadio Camara, Ismaël Wagué, Modibo Koné, Malick Diaw… Cinq hommes qui ne seraient plus comme les doigts d’une main. 



Liés par le destin
« Malick et le président sont en de très bons termes. Juste avant que la tentative de putsch soit rendue publique, les deux hommes buvaient du thé ensemble à Kati », affirme une source proche de la junte. Autour du pouvoir, on dément toute dissension. « Malick Diaw fait partie de ceux qui ont permis de déjouer cette tentative de déstabilisation, renchérit Nouhoum Sarr, un des membres du CNT. Il n’est pas un homme de pouvoir mais un homme d’action. Il ne peut en aucune manière être un fossoyeur de la transition. Nos ennemis sont surpris que l’unité d’action et de pensée des cinq colonels tienne toujours. Ils font tout pour semer la zizanie et la terreur. Mais ils oublient que nous sommes liés par le destin », balaie-t-il. 

Tensions avec Camara
Pourtant, d’autres sources dressent un constat bien plus contrasté, vingt-quatre mois après la prise de pouvoir des colonels. « Ce n’est plus l’entente des grands jours entre Diaw, Goïta et Camara, affirme une source proche des militaires. Une guerre est ouverte entre le ministre de la Défense et le président du CNT. Au milieu, Goïta est contraint de jouer les arbitres. » 



Entre Sadio Camara et Malick Diaw, les tensions ne datent pas d’aujourd’hui. Dès le lendemain du 18 août 2020, les deux hommes s’affrontent. Les cinq conjurés sont alors réunis au camp militaire de Kati, situé en lisière de Bamako. Ils doivent alors choisir qui dirigera la transition.

Malick Diaw est candidat. Après tout, à 43 ans, il est l’aîné des putschistes et a de l’expérience. Mais sur le plan militaire, il n’est pas le plus puissant. Assimi Goïta dirige l’unité des forces spéciales qui comporte plus de 250 hommes et Sadio Camara est le patron de la garde nationale, un régiment qui compte plus de 500 soldats. Diaw ne fait par le poids. Lors du vote à bulletin secret, Goïta lui est préféré. C’est la douche froide.


Un coup qui, selon plusieurs sources, a été pensé par Sadio Camara. Celui-ci connait très bien Goïta avec lequel il a partagé les bancs du prytanée militaire de Kati (PMK), et le soutient. Le bras de fer est alors lancé entre Camara et Diaw. 

Différence de style
L’ainé n’en restera pas moins fidèle à ses compagnons. Celui qu’un de ses anciens camarades décrit comme « un brillant officier comparé à la moyenne, intelligent et bosseur » mène les négociations avec les émissaires de la Cedeao. C’est lui qui, dès la fin août 2020, se rend au Niger pour rencontrer le président Mahamadou Issoufou, puis au Burkina pour échanger avec Roch Marc Christian Kaboré afin de plaider en faveur de la levée des sanctions imposées par l’organisation ouest-africaine. Il joue également un rôle central dans la construction de la feuille de route de la transition, avant de devenir l’interlocuteur privilégié des partis politiques et des organisations de la société civile.

Au début de la transition, Malick Diaw est omniprésent. Il n’en n’a pas le titre mais a tout l’air d’un « président ». À ses camarades putschistes, il fait tout de suite savoir qu’un poste de ministre ne l’intéresse guère. Si ce n’est pas Koulouba, alors il veut la tête du Conseil national de transition, l’organe législatif. Cela, il l’obtient : le 3 décembre 2020, il est plébiscité par 111 voix sur 118. Le voilà dauphin constitutionnel.


Les désaccords avec Camara ne s’apaisent pas pour autant. Alors qu’il devait être écarté du ministère de la Défense, le ministre prend de plus en plus de pouvoir après le second putsch de mai 2021. Russophile convaincu, il dicte sa vision à Assimi Goïta et devient l’artisan de l’arrivée des mercenaires de Wagner au Mali, début 2022. Des choix qui ne font pas l’unanimité au sein de l’armée malienne, comme au sein de la junte. 

« Diaw est un officier intrépide mais il est moins va-t-en-guerre que Sadio, c’est aussi de là que vient le différend entre les deux hommes », assure une source bien informée à Bamako. Des cinq colonels, Diaw est sans nul doute celui qui regrette le plus l’isolement diplomatique de son pays. Il y a aussi une différence de style. Camara aime la discrétion quand Diaw s’affiche. Camara est connu pour son intransigeance, quand Diaw est prêt à un peu de conciliation. 


Appétits
« Au sein de la junte, ils n’ont plus totalement confiance en Malick Diaw, indique un officier. Tous se rangent derrière Camara considéré comme le cerveau du régime. Pour l’instant, c’est 4 contre 1. Alors pour l’emporter, Diaw va peut-être être contraint de s’émanciper. » Un peu marginalisé, il n’est pas pour autant exclu du cœur du pouvoir malien. Et si l’annonce de la prétendue tentative de coup d’État et les rumeurs sur son implication l’ont fragilisé, il n’a pas été inquiété. 

Les rivalités entre les putschistes pourraient repartir de plus belle : un chronogramme fixant les élections présidentielle à 2024 vient d’être dévoilé et une loi électorale capitale a été adoptée. Son article 155 prévoit que « les membres des Forces armées ou de sécurité qui désirent être candidats aux fonctions de président de la République doivent démissionner ou demander leur mise à la retraite au moins quatre mois avant la date de l’élection présidentielle marquant la fin de la transition ».

En clair, rien n’empêche les cinq hommes de partir en campagne. Mais renonceront-ils au pouvoir ou essaieront-ils de continuer à régner sur l’État ? Tout indique que les appétits vont s’aiguiser.


Jeune Afrique
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