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Affaire Sankara : « Ce n’est pas un procès, c’est un lynchage du président Compaoré »

Vendredi 8 Octobre 2021

Affaire Sankara : « Ce n’est pas un procès, c’est un lynchage du président Compaoré »
Ses avocats ont pris soin de l’annoncer par communiqué à quatre jours de l’ouverture des audiences, mais ce n’était un secret pour personne : Blaise Compaoré ne comparaîtra pas au procès de l’assassinat de Thomas Sankara, qui s’ouvrira lundi 11 octobre, devant le tribunal militaire de Ouagadougou.

Il en sera pourtant le principal accusé. Inculpé d’attentat à la sûreté de l’État, de complicité d’assassinat et de recel de cadavre, l’ancien président burkinabè, exilé en Côte d’Ivoire depuis sa chute, en 2014, sera donc jugé par contumace. Alors qu’il est soupçonné d’avoir commandité l’assassinat de Sankara, en 1987, la justice burkinabè va enfin statuer sur son rôle dans cette affaire qui n’a cessé de le poursuivre durant ses vingt-sept années au pouvoir. Pierre-Olivier Sur, son avocat français, explique à Jeune Afrique pourquoi l’ancien président ne répondra pas à la convocation des juges.

Jeune Afrique : Pourquoi Blaise Compaoré refuse-t-il d’assister au procès de l’assassinat de Thomas Sankara ?  

Pierre-Olivier Sur : Pour plusieurs raisons. La première est qu’il bénéficie, en tant qu’ancien chef de l’État, d’une immunité du fait de l’article 168.1 de la Constitution, qui a été introduit par une loi de 2012 signée par le président Kaboré, qui était à l’époque président de l’Assemblée nationale. La deuxième raison, c’est que la juridiction qui veut le juger est une juridiction d’exception. C’est donc un procès politique, et j’ai la plus grande suspicion face aux juridictions politiques.

Troisième raison : j’ai assisté le président Blaise Compaoré dans l’affaire de la répression de l’insurrection populaire de 2014 [en 2017, trente-et-un ministres et Blaise Compaoré ont été jugés dans cette affaire, ndlr]. Cela s’est mal passé et la procédure a été annulée par la Cour de cassation. Cela prouve donc que le Burkina Faso n’est pas à même de juger son ancien président Blaise Compaoré.  

Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’il s’agit d’un procès politique avant même qu’il ne soit ouvert ? 

Parce que c’est un tribunal militaire qui va statuer. Ce n’est donc pas une juridiction de droit commun mais un tribunal d’exception. C’est affiché comme tel : il s’agit d’un procès politique. 

C’est un tribunal militaire car la quasi-totalité des victimes et des accusés étaient des militaires au moment des faits… 

Je considère pour ma part que c’est une juridiction d’exception. En France, les juridictions d’exception n’existent plus depuis une loi adoptée sous François Mitterrand au milieu des années 1980. Il n’y a plus de tribunaux militaires dans les grandes démocraties du monde. Nous appelons de nos vœux le Burkina Faso pour qu’il devienne une grande démocratie. Vous savez, toutes ces affaires font aussi avancer le droit.


Dans l’affaire Norbert Zongo, l’extradition de François Compaoré [le frère cadet de Blaise Compaoré, également défendu par Maitre Sur, ndlr] demandée par Ouagadougou a été suspendue par la Cour européenne des droits de l’homme au motif que la peine de mort était encore en vigueur au Burkina Faso. L’État burkinabè l’a alors abolie en espérant obtenir cette extradition. Grâce à nous, il n’y a donc plus de peine de mort au Burkina Faso. Et toujours grâce à nous, j’espère qu’il n’y aura bientôt plus de juridiction d’exception. 


Le refus de Blaise Compaoré d’assister à ce procès n’est-il pas, comme le disent les parties civiles, un aveu de culpabilité ? 

Bien sûr que non. Une procédure doit nous permettre de nous exprimer, de nous donner accès au dossier. Durant cette longue procédure d’instruction, le président Blaise Compaoré n’a jamais été convoqué. 

La justice burkinabè a délivré un mandat d’arrêt contre lui il y a déjà plusieurs années. C’était forcément pour qu’il soit entendu par le juge d’instruction…  

Le mandat d’arrêt international, le seul que je connaisse, a été annulé par la Cour de cassation du Burkina Faso, le 28 avril 2016. Depuis lors, le président Blaise Compaoré n’a pas reçu de convocation. En plus, on ne nous a pas donné la possibilité d’avoir accès au dossier. Nous ne savons même pas ce qu’il lui est reproché. 

Il est pourtant formellement accusé d’attentat à la sûreté de l’État, de complicité d’assassinat et de recel de cadavre dans cette affaire…

Peut-être, mais je n’ai pas reçu l’acte d’accusation, ni l’ordonnance de renvoi devant le tribunal, ni le réquisitoire définitif, ni la copie des procès-verbaux d’interrogatoire… Bref, je n’ai pas accès au dossier. Nous sommes des avocats sérieux et nous estimons que nous ne pouvons pas défendre notre client dans ces conditions. Nous ne viendrons donc pas participer à cette sorte de pièce de théâtre médiocre. 

Faut-il comprendre que Blaise Compaoré se considère au-dessus de la loi ? 

Non, s’il refuse d’être jugé, c’est parce nous, ses avocats, lui avons interdit d’y aller. Si je n’ai pas les moyens de le défendre, il ne s’agit pas d’un procès mais d’un lynchage.


 

Souhaitait-il comparaître devant les juges ? 

Je ne vous dirai pas ce que le président m’a dit. Cela fait partie du secret professionnel.
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