Qui aurait parié sur lui ? À 86 ans – il les aura dans quelques jours -, avait-il d’ailleurs lui-même imaginé un tel destin ? Un peu plus de trente ans après l’échec de sa nomination comme Premier ministre du Togo, Jean-Lucien Savi de Tové voit se concrétiser un rêve longtemps contrarié. Élu le 3 mai par les députés et sénateurs réunis en congrès à Lomé, il est le premier président de la Ve République, inaugurée après l’adoption d’une nouvelle Constitution en avril 2024 qui instaure un régime parlementaire. Le pouvoir exécutif y est détenu par le président du Conseil, Faure Gnassingbé, qui a prêté serment le même jour devant la Cour constitutionnelle.
Jean-Lucien Savi de Tové accède ainsi à une fonction symbolique, dépourvue de tout pouvoir décisionnel. Il était le seul candidat, proposé au congrès par le seul groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, celui d’Union pour la République (Unir, majorité présidentielle). Sa nomination a pourtant tenu en haleine les Togolais puisqu’elle a déjoué tous les pronostics et créé la surprise. Absent de la scène politique depuis son départ du gouvernement en 2007, cet homme d’expérience, que ses soutiens présentent comme un sage de la République, fait ainsi un retour inattendu – et déjà décrié par ses détracteurs – au premier plan.
Natif de Mission-de-Tové dans la préfecture de Zio (sud) tout comme le président de l’Assemblée nationale, Kodjo Adédzé, Savi de Tové est docteur en droit de l’université de Bordeaux. Sa carrière commence après le coup d’État de 1967 au Togo, alors qu’il est nommé au secrétariat général du ministère des Affaires étrangères. Actif dans l’opposition contre Gnassingbé Eyadéma, il est surtout accusé, en 1979, de tentative de coup d’État. Condamné à dix ans de prison, il devient dès sa sortie une figure de proue de la lutte contre le pouvoir en place, ce qui aurait pu lui permettre de profiter d’un vent d’unité nationale.
Profil idéal pour ne pas faire d’ombre à Faure Gnassingbé
Après l’instauration du multipartisme, il est ainsi pressenti au poste convoité de Premier ministre. Mais en 1993, Gnassingbé Eyadéma lui préfère finalement Joseph Kokou Koffigoh, lequel était jusqu’à ce 3 mai l’un des favoris pressentis pour occuper le poste de président de la République. En exil au Bénin après ce revers, Jean-Lucien Savi de Tové s’illustre alors en dirigeant un gouvernement parallèle, en rupture ouverte avec le pouvoir en place. S’il est peu connu des jeunes générations, le nouveau président de la République, présenté comme une figure de l’opposition, est un visage familier, bien qu’ancien, de la scène politique.
En 2005, à la suite de la première élection à la magistrature suprême de Faure Gnassingbé, il est nommé, dans une logique d’ouverture, ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat dans le gouvernement d’Edem Kodjo avec qui il avait cofondé la Convergence patriotique panafricaine (CPP). Il sera reconduit par Yawovi Agboyibo, alors leader du Comité d’action pour le renouveau (CAR) et décédé en mai 2020. Jean-Lucien Savi de Tové quitte son poste en décembre 2007 puis, en mai 2009, il est nommé président du Cadre permanent de dialogue et de concertation (CPDC), un organe consultatif. Le début d’un relatif anonymat et de sa perte d’influence au sein de l’opposition politique.
Avec son élection à la présidence de la République ce 3 mai, il retrouve, comme c’était le cas au CPDC, un statut essentiellement honorifique. Le véritable chef de l’exécutif, Faure Gnassingbé, exercera en tant que président du Conseil, un poste sans limite de mandats qui « consolide son pouvoir sous couvert d’un changement de façade », fustige un responsable politique de l’opposition. Loin de faire l’unanimité, Savi de Tové est décrit comme « un homme de dialogue » par ses soutiens, mais surtout comme un « opportuniste » ayant le profil idéal pour ne pas faire d’ombre au président du Conseil par ses détracteurs.
« Il aurait dû dire non pour rester fidèles à ses principes »
La coordonnatrice de la Dynamique pour la majorité du peuple (DMP), Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, également secrétaire générale de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), ne cache pas son indignation après l’élection de celui qu’elle connaît depuis l’avènement du multipartisme. Lors d’une conférence de presse, elle accuse celui dont on venait d’apprendre le nom de « complicité dans les souffrances des Togolais » et assure qu’ « il aurait dû dire non à cette responsabilité pour rester fidèle à ses principes ». Un avis partagé dans les rangs de l’Alliance nationale pour le changement (ANC, de Jean-Pierre Fabre), qui a tenu meeting le 4 mai.
« Cette désignation est le point d’orgue d’un processus d’exclusion cynique qui concentre tous les leviers du pouvoir entre les mains de Faure Gnassingbé et de ses affidés. [Jean-Lucien Savi de Tové] est le profil idéal [d’un homme] sans ambition, qui ne peut pas faire d’ombre à Faure Gnassingbé », martèle de son côté Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais. Ayayi Togoata Apédo-Amah, universitaire et acteur de premier plan de l’ancienne Conférence nationale souveraine, où Savi de Tové s’était illustré au début des années 1990, s’interroge : « Quel honneur y a-t-il à être un président pour inaugurer des chrysanthèmes dans une dictature ? »
Jean-Lucien Savi de Tové accède ainsi à une fonction symbolique, dépourvue de tout pouvoir décisionnel. Il était le seul candidat, proposé au congrès par le seul groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, celui d’Union pour la République (Unir, majorité présidentielle). Sa nomination a pourtant tenu en haleine les Togolais puisqu’elle a déjoué tous les pronostics et créé la surprise. Absent de la scène politique depuis son départ du gouvernement en 2007, cet homme d’expérience, que ses soutiens présentent comme un sage de la République, fait ainsi un retour inattendu – et déjà décrié par ses détracteurs – au premier plan.
Natif de Mission-de-Tové dans la préfecture de Zio (sud) tout comme le président de l’Assemblée nationale, Kodjo Adédzé, Savi de Tové est docteur en droit de l’université de Bordeaux. Sa carrière commence après le coup d’État de 1967 au Togo, alors qu’il est nommé au secrétariat général du ministère des Affaires étrangères. Actif dans l’opposition contre Gnassingbé Eyadéma, il est surtout accusé, en 1979, de tentative de coup d’État. Condamné à dix ans de prison, il devient dès sa sortie une figure de proue de la lutte contre le pouvoir en place, ce qui aurait pu lui permettre de profiter d’un vent d’unité nationale.
Profil idéal pour ne pas faire d’ombre à Faure Gnassingbé
Après l’instauration du multipartisme, il est ainsi pressenti au poste convoité de Premier ministre. Mais en 1993, Gnassingbé Eyadéma lui préfère finalement Joseph Kokou Koffigoh, lequel était jusqu’à ce 3 mai l’un des favoris pressentis pour occuper le poste de président de la République. En exil au Bénin après ce revers, Jean-Lucien Savi de Tové s’illustre alors en dirigeant un gouvernement parallèle, en rupture ouverte avec le pouvoir en place. S’il est peu connu des jeunes générations, le nouveau président de la République, présenté comme une figure de l’opposition, est un visage familier, bien qu’ancien, de la scène politique.
En 2005, à la suite de la première élection à la magistrature suprême de Faure Gnassingbé, il est nommé, dans une logique d’ouverture, ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat dans le gouvernement d’Edem Kodjo avec qui il avait cofondé la Convergence patriotique panafricaine (CPP). Il sera reconduit par Yawovi Agboyibo, alors leader du Comité d’action pour le renouveau (CAR) et décédé en mai 2020. Jean-Lucien Savi de Tové quitte son poste en décembre 2007 puis, en mai 2009, il est nommé président du Cadre permanent de dialogue et de concertation (CPDC), un organe consultatif. Le début d’un relatif anonymat et de sa perte d’influence au sein de l’opposition politique.
Avec son élection à la présidence de la République ce 3 mai, il retrouve, comme c’était le cas au CPDC, un statut essentiellement honorifique. Le véritable chef de l’exécutif, Faure Gnassingbé, exercera en tant que président du Conseil, un poste sans limite de mandats qui « consolide son pouvoir sous couvert d’un changement de façade », fustige un responsable politique de l’opposition. Loin de faire l’unanimité, Savi de Tové est décrit comme « un homme de dialogue » par ses soutiens, mais surtout comme un « opportuniste » ayant le profil idéal pour ne pas faire d’ombre au président du Conseil par ses détracteurs.
« Il aurait dû dire non pour rester fidèles à ses principes »
La coordonnatrice de la Dynamique pour la majorité du peuple (DMP), Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, également secrétaire générale de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), ne cache pas son indignation après l’élection de celui qu’elle connaît depuis l’avènement du multipartisme. Lors d’une conférence de presse, elle accuse celui dont on venait d’apprendre le nom de « complicité dans les souffrances des Togolais » et assure qu’ « il aurait dû dire non à cette responsabilité pour rester fidèle à ses principes ». Un avis partagé dans les rangs de l’Alliance nationale pour le changement (ANC, de Jean-Pierre Fabre), qui a tenu meeting le 4 mai.
« Cette désignation est le point d’orgue d’un processus d’exclusion cynique qui concentre tous les leviers du pouvoir entre les mains de Faure Gnassingbé et de ses affidés. [Jean-Lucien Savi de Tové] est le profil idéal [d’un homme] sans ambition, qui ne peut pas faire d’ombre à Faure Gnassingbé », martèle de son côté Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais. Ayayi Togoata Apédo-Amah, universitaire et acteur de premier plan de l’ancienne Conférence nationale souveraine, où Savi de Tové s’était illustré au début des années 1990, s’interroge : « Quel honneur y a-t-il à être un président pour inaugurer des chrysanthèmes dans une dictature ? »