Au-delà du fait que réunir les présidents congolais et rwandais était une gageure, rien ne dit que la séquence permettra des avancées dans la résolution de la crise dans l’est de la RDC. D’autant que dès le lendemain, les rebelles du M23, soutenus par Kigali, se sont emparés de la ville de Walikale.
En l’espace d’un jour, les deux signaux qui laissaient entrevoir une issue à la crise dans l’est de la RDC se sont brusquement éteints. D’abord, il y a eu ces pourparlers directs, prévus pour se tenir le 18 mars à Luanda et auxquels les autorités congolaises et les rebelles du M23 avaient, après des mois de blocage, accepté de participer. Piquée par l’annonce de sanctions européennes, l’Alliance fleuve Congo (AFC, vitrine politique du M23) a annulé in extremis la venue de sa délégation. Premier espoir douché.
Tshisekedi et Kagame dans une même pièce
Quelques heures plus tard, coup de théâtre à Doha. L’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, réussissait à réunir dans une même pièce les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame. S’ils s’évitaient soigneusement depuis plus d’un an, les deux hommes sont allés jusqu’à se menacer et s’insulter par médias interposés. Les faire se rencontrer était une gageure. Sauf que l’espoir suscité par l’annonce, par la présidence congolaise, d’un « cessez-le-feu immédiat et inconditionnel » a lui aussi été de courte durée.
L’enthousiasme suscité par la séquence a toutefois vite été tempéré par la réalité du terrain. Le 19 mars, poursuivant leur progression dans le Nord-Kivu, les rebelles soutenus par l’armée rwandaise se sont emparés de Walikale, chef-lieu du territoire éponyme (le plus grand de la province), s’offrant l’accès à la RN3 conduisant vers les provinces de la Tshopo et du Maniema. Les rebelles sont désormais à moins de 500 kilomètres de Kisangani, la troisième plus grande ville du pays, et à une distance à peine plus grande de Kindu, la capitale provinciale du Maniema.
Qu’un cessez-le-feu ne soit pas respecté dans l’est de la RDC, cela n’a certes rien d’inhabituel. Mais au-delà du coup diplomatique que constitue, pour le Qatar, la rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, l’idée que celle-ci permettra de réelles avancées sur le terrain reste à démontrer. Il suffit, pour s’en convaincre, de consulter les communiqués diffusés par les parties impliquées.
Très neutre sur le fond, celui du ministère qatari des Affaires étrangères se contente de réaffirmer les engagements des participants dans les processus déjà existants. Celui de la RDC renvoie, quant à lui, à la résolution adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies, le 21 février dernier, qui exige le retrait des troupes rwandaises de l’est de la RDC, tandis que celui de Kigali préfère rappeler la nécessité d’un dialogue direct entre Kinshasa et les rebelles et réclamer une nouvelle fois la neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) auxquelles l’armée congolaise s’est alliée dans l’Est.
Marge de manœuvre étroite
La séquence qatarie a-t-elle malgré tout permis à Félix Tshisekedi de reprendre la main sur la scène politique intérieure ? Pour l’instant, le président congolais ne dispose que d’une étroite marge de manœuvre. Sa proposition de gouvernement d’union nationale et sa main tendue à l’opposition ont soulevé peu d’enthousiasme (Désiré Cashmir Eberande Kolongele, le conseiller spécial chargé de mener les consultations préalables, ne s’est d’ailleurs pas encore attelé à la tâche). Et, à en croire Hervé Diakiese, porte-parole d’Ensemble pour la République, le parti de Moïse Katumbi, la rencontre de Doha n’a rien changé.
« Au-delà des revendications armées, la crise pose la question de la légitimité des institutions. Dans ce cas précis, le président Tshisekedi est aussi une partie du problème, affirme-t-il. Ses deux prises de pouvoir [à l’issue des élections de 2018 et de 2023] ont été des braquages, et sa gouvernance prédatrice et son désir de se maintenir à tout prix au pouvoir au détriment de la population congolaise ont sérieusement ébranlé l’unité nationale. »
« La paix, on ne l’a jamais obtenue »
Prince Epenge, porte-parole de la coalition d’opposition Lamuka, regrette lui que « sans avertir les Congolais », Félix Tshisekedi soit allé rencontrer son homologue rwandais au Qatar. « Personne ne sait les engagements qu’il est allé prendre devant un Paul Kagame qui l’a déjà poignardé dans le dos au début de son mandat alors qu’il lui proposait les richesses du Congo contre la paix, critique Prince Epenge. Et cette paix, on l’a jamais obtenue. »
Au sein de l’opposition, une initiative est populaire : celle engagée par les Églises catholique et protestante. Ces deux derniers mois, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et l’Église du Christ du Congo (ECC) ont fait le tour des acteurs nationaux, régionaux et internationaux pour expliquer leur démarche, laquelle est axée sur un « pacte social pour la paix et le bien vivre-ensemble en RDC et dans la région des Grands Lacs ».
Le 19 mars, Mgr Fulgence Muteba et Donatien Nshole, respectivement président et secrétaire général de la Cenco, ainsi que le révérend Paul Bokondoa et Éric Senga, président et porte-parole de l’ECC, ont été reçus à l’Élysée par Emmanuel Macron. Mais dans l’entourage de Félix Tshisekedi, leur démarche suscite toujours méfiance et rejet. Ce qui pourrait sérieusement compromettre sa poursuite.
En l’espace d’un jour, les deux signaux qui laissaient entrevoir une issue à la crise dans l’est de la RDC se sont brusquement éteints. D’abord, il y a eu ces pourparlers directs, prévus pour se tenir le 18 mars à Luanda et auxquels les autorités congolaises et les rebelles du M23 avaient, après des mois de blocage, accepté de participer. Piquée par l’annonce de sanctions européennes, l’Alliance fleuve Congo (AFC, vitrine politique du M23) a annulé in extremis la venue de sa délégation. Premier espoir douché.
Tshisekedi et Kagame dans une même pièce
Quelques heures plus tard, coup de théâtre à Doha. L’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, réussissait à réunir dans une même pièce les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame. S’ils s’évitaient soigneusement depuis plus d’un an, les deux hommes sont allés jusqu’à se menacer et s’insulter par médias interposés. Les faire se rencontrer était une gageure. Sauf que l’espoir suscité par l’annonce, par la présidence congolaise, d’un « cessez-le-feu immédiat et inconditionnel » a lui aussi été de courte durée.
L’enthousiasme suscité par la séquence a toutefois vite été tempéré par la réalité du terrain. Le 19 mars, poursuivant leur progression dans le Nord-Kivu, les rebelles soutenus par l’armée rwandaise se sont emparés de Walikale, chef-lieu du territoire éponyme (le plus grand de la province), s’offrant l’accès à la RN3 conduisant vers les provinces de la Tshopo et du Maniema. Les rebelles sont désormais à moins de 500 kilomètres de Kisangani, la troisième plus grande ville du pays, et à une distance à peine plus grande de Kindu, la capitale provinciale du Maniema.
Qu’un cessez-le-feu ne soit pas respecté dans l’est de la RDC, cela n’a certes rien d’inhabituel. Mais au-delà du coup diplomatique que constitue, pour le Qatar, la rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, l’idée que celle-ci permettra de réelles avancées sur le terrain reste à démontrer. Il suffit, pour s’en convaincre, de consulter les communiqués diffusés par les parties impliquées.
Très neutre sur le fond, celui du ministère qatari des Affaires étrangères se contente de réaffirmer les engagements des participants dans les processus déjà existants. Celui de la RDC renvoie, quant à lui, à la résolution adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies, le 21 février dernier, qui exige le retrait des troupes rwandaises de l’est de la RDC, tandis que celui de Kigali préfère rappeler la nécessité d’un dialogue direct entre Kinshasa et les rebelles et réclamer une nouvelle fois la neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) auxquelles l’armée congolaise s’est alliée dans l’Est.
Marge de manœuvre étroite
La séquence qatarie a-t-elle malgré tout permis à Félix Tshisekedi de reprendre la main sur la scène politique intérieure ? Pour l’instant, le président congolais ne dispose que d’une étroite marge de manœuvre. Sa proposition de gouvernement d’union nationale et sa main tendue à l’opposition ont soulevé peu d’enthousiasme (Désiré Cashmir Eberande Kolongele, le conseiller spécial chargé de mener les consultations préalables, ne s’est d’ailleurs pas encore attelé à la tâche). Et, à en croire Hervé Diakiese, porte-parole d’Ensemble pour la République, le parti de Moïse Katumbi, la rencontre de Doha n’a rien changé.
« Au-delà des revendications armées, la crise pose la question de la légitimité des institutions. Dans ce cas précis, le président Tshisekedi est aussi une partie du problème, affirme-t-il. Ses deux prises de pouvoir [à l’issue des élections de 2018 et de 2023] ont été des braquages, et sa gouvernance prédatrice et son désir de se maintenir à tout prix au pouvoir au détriment de la population congolaise ont sérieusement ébranlé l’unité nationale. »
« La paix, on ne l’a jamais obtenue »
Prince Epenge, porte-parole de la coalition d’opposition Lamuka, regrette lui que « sans avertir les Congolais », Félix Tshisekedi soit allé rencontrer son homologue rwandais au Qatar. « Personne ne sait les engagements qu’il est allé prendre devant un Paul Kagame qui l’a déjà poignardé dans le dos au début de son mandat alors qu’il lui proposait les richesses du Congo contre la paix, critique Prince Epenge. Et cette paix, on l’a jamais obtenue. »
Au sein de l’opposition, une initiative est populaire : celle engagée par les Églises catholique et protestante. Ces deux derniers mois, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et l’Église du Christ du Congo (ECC) ont fait le tour des acteurs nationaux, régionaux et internationaux pour expliquer leur démarche, laquelle est axée sur un « pacte social pour la paix et le bien vivre-ensemble en RDC et dans la région des Grands Lacs ».
Le 19 mars, Mgr Fulgence Muteba et Donatien Nshole, respectivement président et secrétaire général de la Cenco, ainsi que le révérend Paul Bokondoa et Éric Senga, président et porte-parole de l’ECC, ont été reçus à l’Élysée par Emmanuel Macron. Mais dans l’entourage de Félix Tshisekedi, leur démarche suscite toujours méfiance et rejet. Ce qui pourrait sérieusement compromettre sa poursuite.