«Monsieur le Recteur, nous vous prions de bien vouloir retirer le nom de Cheikh Anta Diop de l’appellation de l’Université de Dakar. Signé X. Diop, au nom des héritiers de Cheikh Anta. » Ok jarbaat, pas de panique, juste un délire avunculaire. Une telle lettre serait pourtant tout à fait normale quand on sait que pas une seule ligne de l’œuvre du parrain n’est au programme à l’UCAD ! Pourtant, hier, à l’auditorium Khaly Amar Fall - où la voix de Cheikh Anta Diop tonnait déjà en 1976 (merci Pr Bathily), le Pr Ibrahima Thiaw, représentant le directeur de l’IFAN, a souligné que «Cheikh Anta Diop est sans aucun doute l’intellectuel africain le plus puissant du XXᵉ siècle.»
Il ouvrait ainsi la présentation du livre de l’historien Khadim Ndiaye : «Cheikh Anta par lui-même : Itinéraire, pensées, confidences, opinions et combats». Comme par fidélité au parrain de Ucad Dakar, qui refusait tout cloisonnement entre les disciplines scientifiques, ce sont trois laboratoires de Ifan Cheikh Anta Diop (Histoire, Carbone 14, Préhistoire et Protohistoire), ainsi que la DACS de Hady Ba , qui ont permis à Khadim d’expliquer pourquoi on ne peut pas appréhender totalement Cheikh Anta en se basant uniquement sur ses livres.
Xaadim Njaay est ainsi entré dans le monde audiovisuel, les journaux (avec un soutien remarquable de l'ancien DG de Le Soleil, Cheikh Thiam, cela ne m’étonne pas de lui !), les transcriptions de conférences et de colloques, notamment celui organisé par Sankoré de Pathé Diagne, ainsi que la lecture du journal Taxaw, pour appréhender les 20 % de la vie et de la pensée du savant qui lui manquaient encore après pourtant dix ans de recherches.
Avec une humilité certaine, l’auteur nous a présenté «sa» lecture du natif de Cheikh Anta, admettant qu’il puisse en exister d’autres. Cela a donné : l’unité culturelle est un fait mais elle n’entraîne pas nécessairement l’unité politique, laquelle est un projet ; la fédération, chez Cheikh Anta, est pluricommunautaire, et ne remet pas en cause les identités nationales ; l’émergence d’une langue continentale ne saurait étouffer aucune langue maternelle ; une « bombe atomique africaine » comme arme de dissuasion est nécessaire puisque, chez Diop, «la sécurité précède le développement»; dans chaque État, on devrait instaurer un bicaméralisme hérité des sociétés africaines antécoloniales, avec deux chambres parlementaires d’égale dignité dans le vote des lois : une pour les femmes et une pour les hommes.
Sur ce dernier point, Khadim estime que le féminisme de Cheikh Anta est un «Feeminisme», mot construit par Khadim lui-même à partir du mot wolof "feem" des femmes. Je ne sais pas ce que Aminata Libain Mbengue et Zoubida Fall en pensent (tiens, jarbaat, va lire et signer — si cela te convient — la pétition circulée par Aminata Libain Mbengue sur le #féminicide).
Évidemment, ces points ne sont qu’un aperçu : le livre traite près de 40 thématiques ! Et Khadim de raconter d’ailleurs la rencontre, au Nigeria, entre Cheikh Anta et le musicien Fela Kuti, qui lui dira tout de go que "la civilisation égyptienne pharaonique était d’origine extraterrestre". Cheikh en resta bouche bée !
Toute présentation de livre étant précédée d’un panel introductif, le public certes pas la foule des grands jours en ce lundi, mais un public de qualité a eu droit, sous la modération de Dr Mamadou Bodian de l’IFAN, à deux véritables master class.
Préfacier du livre, Dr Dialo Diop ne s’est pas attardé sur le scientifique qui a enseigné tardivement à l’université et dont les travaux ne sont plus controversés «mais toujours pas enseignés à l’UCAD».
Le militant du RND fondé par Cheikh Anta a surtout parlé de l’homme politique. Et c’était fascinant et instructif sur la place de l’éthique dans son parcours, notamment son respect de la parole donnée et sa tempérance. Dialo Diop a rappelé - et ça j’ai apprécié - que, pour Cheikh Anta, toutes les cultures se valent, et la seule chose que les Noirs peuvent revendiquer, c’est l’antériorité de leur civilisation.
Mariétou Diongue, ancienne directrice de Bibliothèque Centrale Ucad puis de la Direction du Livre et de la Lecture, a souligné combien Cheikh Anta avait foi en la jeunesse, en lui manifestant son affection. Ainsi, si elle a pu présenter la première exposition au Sénégal sur Cheikh Anta, 40 jours après son décès, c’est que le savant lui avait donné toutes les indications sur l’œuvre à présenter au public !
Membre fondatrice de l’association «Fonk sunuy làmmiñ», Marietou a plaidé pour toutes les langues nationales, avec une critique forte de la manière dont l’anglais — « langue encore plus étrangère » — a été introduit dans l’enseignement primaire.
Évidemment, les débats ont suivi, avec même une sortie vigoureuse contre l’utilisation du mot «nègre» par Cheikh Anta, au point d’en appeler à une déconstruction lexicale. Heureusement, Khadim Ndiaye a remis les pendules à l’heure sur cette question par une lecture historique de ce mot.
Bon jarbaat, comme tu n’étais pas venu, tant pis pour toi, mais tu peux aller supplier ta bajaan Ndeye Aïda Dia, la com’ de l’IFAN, pour poster la vidéo de l’événement. J’ai commencé par une lettre et je finis par une autre : celle que Khadim Ndiaye veut que l’on envoie Catherine Russell, la patronne de UNICEF et donc aussi de UNICEF Sénégal : «Madame, alphabétiser un/une enfant dans une langue autre que sa langue maternelle est une maltraitance.»
Petite curiosité : on a évoqué les auteurs qui ont écrit sur Cheikh Anta Diop, mais personne — mais alors personne (y compris moi, pour des raisons que certains jarbaat comprendront) — n’a mentionné le livre de Pathé Diagne dont la voix tonnait aussi dans cet auditorium en 1969 (merci-bis Pr Abdoulaye Bathily). Il a écrit sur son aîné de 11 ans et compagnon de toujours : «Cheikh Anta Diop et l’Afrique dans l’histoire du monde», une mine d’informations sur le natif de Caytu. Dès la première page, on y apprend que, se rendant pour la première fois aux États-Unis sur invitation de l’UCLA, où Pathé enseignait, des oiseaux migrateurs s’engouffrèrent dans les turbines du DC-10 à bord duquel se trouvait Cheikh Anta. Ainsi, après un tiers du voyage au-dessus de l’Atlantique, le pilote fit demi-tour pour revenir à Dakar !
Mais moi, est-ce que je peux faire un texte court quand j’écris de nuit même sans ataya ? Content d’avoir rencontrer Khayoba Abdoulaye Diop avec qui je parlais virtuellement !
Doyna sëkk nak !
Par
Il ouvrait ainsi la présentation du livre de l’historien Khadim Ndiaye : «Cheikh Anta par lui-même : Itinéraire, pensées, confidences, opinions et combats». Comme par fidélité au parrain de Ucad Dakar, qui refusait tout cloisonnement entre les disciplines scientifiques, ce sont trois laboratoires de Ifan Cheikh Anta Diop (Histoire, Carbone 14, Préhistoire et Protohistoire), ainsi que la DACS de Hady Ba , qui ont permis à Khadim d’expliquer pourquoi on ne peut pas appréhender totalement Cheikh Anta en se basant uniquement sur ses livres.
Xaadim Njaay est ainsi entré dans le monde audiovisuel, les journaux (avec un soutien remarquable de l'ancien DG de Le Soleil, Cheikh Thiam, cela ne m’étonne pas de lui !), les transcriptions de conférences et de colloques, notamment celui organisé par Sankoré de Pathé Diagne, ainsi que la lecture du journal Taxaw, pour appréhender les 20 % de la vie et de la pensée du savant qui lui manquaient encore après pourtant dix ans de recherches.
Avec une humilité certaine, l’auteur nous a présenté «sa» lecture du natif de Cheikh Anta, admettant qu’il puisse en exister d’autres. Cela a donné : l’unité culturelle est un fait mais elle n’entraîne pas nécessairement l’unité politique, laquelle est un projet ; la fédération, chez Cheikh Anta, est pluricommunautaire, et ne remet pas en cause les identités nationales ; l’émergence d’une langue continentale ne saurait étouffer aucune langue maternelle ; une « bombe atomique africaine » comme arme de dissuasion est nécessaire puisque, chez Diop, «la sécurité précède le développement»; dans chaque État, on devrait instaurer un bicaméralisme hérité des sociétés africaines antécoloniales, avec deux chambres parlementaires d’égale dignité dans le vote des lois : une pour les femmes et une pour les hommes.
Sur ce dernier point, Khadim estime que le féminisme de Cheikh Anta est un «Feeminisme», mot construit par Khadim lui-même à partir du mot wolof "feem" des femmes. Je ne sais pas ce que Aminata Libain Mbengue et Zoubida Fall en pensent (tiens, jarbaat, va lire et signer — si cela te convient — la pétition circulée par Aminata Libain Mbengue sur le #féminicide).
Évidemment, ces points ne sont qu’un aperçu : le livre traite près de 40 thématiques ! Et Khadim de raconter d’ailleurs la rencontre, au Nigeria, entre Cheikh Anta et le musicien Fela Kuti, qui lui dira tout de go que "la civilisation égyptienne pharaonique était d’origine extraterrestre". Cheikh en resta bouche bée !
Toute présentation de livre étant précédée d’un panel introductif, le public certes pas la foule des grands jours en ce lundi, mais un public de qualité a eu droit, sous la modération de Dr Mamadou Bodian de l’IFAN, à deux véritables master class.
Préfacier du livre, Dr Dialo Diop ne s’est pas attardé sur le scientifique qui a enseigné tardivement à l’université et dont les travaux ne sont plus controversés «mais toujours pas enseignés à l’UCAD».
Le militant du RND fondé par Cheikh Anta a surtout parlé de l’homme politique. Et c’était fascinant et instructif sur la place de l’éthique dans son parcours, notamment son respect de la parole donnée et sa tempérance. Dialo Diop a rappelé - et ça j’ai apprécié - que, pour Cheikh Anta, toutes les cultures se valent, et la seule chose que les Noirs peuvent revendiquer, c’est l’antériorité de leur civilisation.
Mariétou Diongue, ancienne directrice de Bibliothèque Centrale Ucad puis de la Direction du Livre et de la Lecture, a souligné combien Cheikh Anta avait foi en la jeunesse, en lui manifestant son affection. Ainsi, si elle a pu présenter la première exposition au Sénégal sur Cheikh Anta, 40 jours après son décès, c’est que le savant lui avait donné toutes les indications sur l’œuvre à présenter au public !
Membre fondatrice de l’association «Fonk sunuy làmmiñ», Marietou a plaidé pour toutes les langues nationales, avec une critique forte de la manière dont l’anglais — « langue encore plus étrangère » — a été introduit dans l’enseignement primaire.
Évidemment, les débats ont suivi, avec même une sortie vigoureuse contre l’utilisation du mot «nègre» par Cheikh Anta, au point d’en appeler à une déconstruction lexicale. Heureusement, Khadim Ndiaye a remis les pendules à l’heure sur cette question par une lecture historique de ce mot.
Bon jarbaat, comme tu n’étais pas venu, tant pis pour toi, mais tu peux aller supplier ta bajaan Ndeye Aïda Dia, la com’ de l’IFAN, pour poster la vidéo de l’événement. J’ai commencé par une lettre et je finis par une autre : celle que Khadim Ndiaye veut que l’on envoie Catherine Russell, la patronne de UNICEF et donc aussi de UNICEF Sénégal : «Madame, alphabétiser un/une enfant dans une langue autre que sa langue maternelle est une maltraitance.»
Petite curiosité : on a évoqué les auteurs qui ont écrit sur Cheikh Anta Diop, mais personne — mais alors personne (y compris moi, pour des raisons que certains jarbaat comprendront) — n’a mentionné le livre de Pathé Diagne dont la voix tonnait aussi dans cet auditorium en 1969 (merci-bis Pr Abdoulaye Bathily). Il a écrit sur son aîné de 11 ans et compagnon de toujours : «Cheikh Anta Diop et l’Afrique dans l’histoire du monde», une mine d’informations sur le natif de Caytu. Dès la première page, on y apprend que, se rendant pour la première fois aux États-Unis sur invitation de l’UCLA, où Pathé enseignait, des oiseaux migrateurs s’engouffrèrent dans les turbines du DC-10 à bord duquel se trouvait Cheikh Anta. Ainsi, après un tiers du voyage au-dessus de l’Atlantique, le pilote fit demi-tour pour revenir à Dakar !
Mais moi, est-ce que je peux faire un texte court quand j’écris de nuit même sans ataya ? Content d’avoir rencontrer Khayoba Abdoulaye Diop avec qui je parlais virtuellement !
Doyna sëkk nak !
Par


