Le 18 septembre, en lançant les « diaspora bonds », son premier appel public à l’épargne à l’attention de la diaspora, le gouvernement d’Ousmane Sonko s’attendait-il à un tel succès ? À la clôture de la période de souscription de ce nouvel emprunt obligataire, trois semaines après son lancement, l’État sénégalais s’est réjoui d’avoir enregistré « un taux de couverture de plus de 150 % », soit plus de 450 milliards de F CFA (686 millions d’euros) collectés, avec un objectif initial de 300 milliards. « Preuve de la confiance renouvelée des investisseurs dans les perspectives économiques » du Sénégal, saluait le ministère des Finances dans un communiqué publié 12 octobre.
On ne connaît pas exactement le nombre de souscripteurs qui ont répondu à l’appel de fonds, mais le gouvernement a lié la réussite de l’opération à l’« implication, aux côtés d’investisseurs résidents et sous-régionaux, [des membres] de la diaspora sénégalaise installée dans plus de quarante-cinq pays ».
Parmi eux, Ousmane Sané. Cet enseignant-chercheur, qui vit en France depuis une dizaine d’années, dit avoir acheté pour 600 euros d’obligations (qui étaient proposées à 10 000 F CFA, soit 15,25 euros l’unité, à un taux d’intérêt oscillant entre 6,40 % et 6,95 %). « C’est un appel auquel j’ai répondu parce que je continue de croire que le Premier ministre, Ousmane Sonko, et le président, Bassirou Diomaye Faye, méritent notre confiance. »
En raison des difficultés budgétaires liées à la révélation, dès septembre 2024, du scandale de la « dette cachée » sous l’administration précédente, l’exécutif sénégalais avait déjà sollicité le marché régional à deux reprises depuis le début de 2025. Pour cette troisième campagne d’émission d’obligations, il a jugé bon de cibler l’épargne de la diaspora sénégalaise – laquelle a envoyé près de 2,9 milliards de dollars au Sénégal en 2023, soit 9,4 % du PIB du pays, selon les données de la Banque mondiale.
Enthousiasme intact pour le duo Diomaye-Sonko
Conscient de sa popularité auprès de ses concitoyens résidant à l’étranger, Ousmane Sonko s’était lui-même impliqué lors d’un meeting organisé le 13 septembre dans un stade de Milan, en Italie, en invitant ses compatriotes à mettre la main à la poche pour participer, via ces « titres citoyens et patriotiques », au financement de son Plan de redressement économique et social (Pres), évalué à 5 667 milliards de F CFA. Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), le parti qu’il dirige, n’avait-il pas lui-même bénéficié de l’appui financier de sympathisants de la diaspora pour se hisser au pouvoir ?
La situation difficile dans laquelle s’est englué le Sénégal depuis l’arrivée du duo Diomaye-Sonko à la tête du pays, en avril 2024, et alors que montait en coulisses les tensions entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, n’a en tout cas pas émoussé l’enthousiasme d’Ousmane Sané. « Oui, cela fera bientôt deux ans qu’ils ont pris les rênes du pays. Mais cela fait à peine un an qu’ils ont obtenu une majorité à l’Assemblée nationale, qui leur permet de gouverner sereinement », affirme l’expatrié, admiratif de Pastef, en demandant encore un peu d’indulgence à l’égard des nouvelles autorités.
Pourtant, dès la prise de fonctions de Bassirou Diomaye Faye, une série d’audits enclenchée par le gouvernement a mené à l’arrêt d’investissements et de chantiers en cours, en particulier dans des secteurs névralgiques comme le BTP, ce qui a mis sur le carreau plusieurs milliers d’employés.
Pour ne rien arranger, la révélation quelques mois plus tard, juste avant les législatives, du scandale de la dette cachée – désormais évaluée à près de 132 % du PIB par le Fonds monétaire international (FMI) –, a entraîné le pays dans une spirale de déficit budgétaire, en raison de la suspension des décaissements du FMI.
La transparence pour maître-mot, et après ?
Le gouvernement a ensuite été contraint d’adopter des mesures drastiques pour renflouer les caisses de l’État, parmi lesquelles la hausse des taxes sur les transactions électroniques et la baisse progressive des subventions sur l’électricité. Autant de mesures qui pèsent sur le pouvoir d’achat des Sénégalais, mais qui ne remettent pas foncièrement en question la capacité de Pastef à diriger le pays, selon Henry Sarr. Au contraire.
Arrivé en France en 2016 pour des études en droit, celui qui dirige L’Étudiant 221, une association qui regroupe les étudiants sénégalais de la région parisienne, estime que les nouveaux dirigeants, en révélant la dette cachée, ont tenu une promesse non moins importante. « Celle d’assainir l’administration publique et de gouverner dans la transparence. Cela a témoigné de leur volonté de partir sur de bonnes bases », affirme Henry Sarr, qui travaille aujourd’hui dans un cabinet d’avocats en tant que juriste.
Leur bilan à la tête du pays est très peu reluisant. En quoi la révélation de la dette cachée a été une chose positive pour le pays ? Au contraire, cela a dépeint en noir le Sénégal auprès des organisations internationales.
Lansana Fofana, dit Kayz Fof, Professeur des écoles et influenceur politique
Le problème est que la recherche de solutions pour juguler le surendettement subit du Sénégal, qui doit aussi faire face à son déclassement par les agences de notation financière, a renvoyé au second plan les autres promesses de campagne faites par Pastef à ses électeurs. À commencer par l’organisation d’un procès pour rendre justice aux victimes des violences politiques qui ont fait plusieurs dizaines de morts entre mars 2021 et mars 2024. « Nous avons appelé à une mobilisation de la jeunesse. Des gens ont été massacrés pour que ce régime arrive au pouvoir. Nous attendons qu’il fasse la lumière et il n’y a toujours rien », s’emporte Lansana Fofana, professeur des écoles installé dans les Yvelines, en banlieue parisienne.
Promesses et impatience
Très actif sur les réseaux sociaux, Lansana Fofana est aussi un influenceur suivi par près de 1 million de followers, dont plus de 200 000 sur YouTube où il anime des émissions sur la politique sénégalaise et le panafricanisme. Fervent soutien d’Ousmane Sonko et de Pastef pendant les années d’opposition contre l’ex-président Macky Sall, celui qui a pour pseudonyme Kayz Fof, semble désormais perdre patience.
« Leur bilan à la tête du pays est très peu reluisant. La situation économique du pays est catastrophique. En quoi la révélation de la dette cachée a été une chose positive pour le pays ? » s’interroge l’influenceur. « Au contraire, cela a dépeint en noir le Sénégal auprès des organisations internationales. Et tous les investisseurs qui voyaient notre pays comme une terre d’opportunité ont désormais peur de se lancer », tempête Lansana Fofana, qui n’a pas voulu participer aux « diaspora bonds ».
« La diaspora a massivement et financièrement contribué aux activités de Pastef pour que le parti accède au pouvoir. Nous attendons d’eux qu’ils trouvent des solutions rapides aux problèmes des populations et non qu’ils continuent de nous solliciter pour financer des projets étatiques, poursuit Lansana Fofana. Aujourd’hui, on envoie encore plus d’argent à nos familles restées au pays, en raison du coût de la vie de plus en plus excessif. »
La réaction de son compatriote est jugée excessive par Ousmane Sané qui, lui, se satisfait de la campagne de reddition des comptes entamée par le nouveau régime et qui a déjà conduit plusieurs dignitaires de l’administration précédente devant la justice, dont Mansour Faye, ex-ministre des Infrastructures et beau-frère de Macky Sall, placé sous contrôle judiciaire fin septembre après quatre mois de détention. « De toute façon, il est beaucoup trop tôt pour faire un bilan de la gouvernance Pastef, après seulement vingt mois, résume Ousmane Sané. Je ne leur accorde pas un soutien aveugle, mais donnons-leur encore deux années supplémentaires. On verra à ce moment-là. »
Jeune Afrique
On ne connaît pas exactement le nombre de souscripteurs qui ont répondu à l’appel de fonds, mais le gouvernement a lié la réussite de l’opération à l’« implication, aux côtés d’investisseurs résidents et sous-régionaux, [des membres] de la diaspora sénégalaise installée dans plus de quarante-cinq pays ».
Parmi eux, Ousmane Sané. Cet enseignant-chercheur, qui vit en France depuis une dizaine d’années, dit avoir acheté pour 600 euros d’obligations (qui étaient proposées à 10 000 F CFA, soit 15,25 euros l’unité, à un taux d’intérêt oscillant entre 6,40 % et 6,95 %). « C’est un appel auquel j’ai répondu parce que je continue de croire que le Premier ministre, Ousmane Sonko, et le président, Bassirou Diomaye Faye, méritent notre confiance. »
En raison des difficultés budgétaires liées à la révélation, dès septembre 2024, du scandale de la « dette cachée » sous l’administration précédente, l’exécutif sénégalais avait déjà sollicité le marché régional à deux reprises depuis le début de 2025. Pour cette troisième campagne d’émission d’obligations, il a jugé bon de cibler l’épargne de la diaspora sénégalaise – laquelle a envoyé près de 2,9 milliards de dollars au Sénégal en 2023, soit 9,4 % du PIB du pays, selon les données de la Banque mondiale.
Enthousiasme intact pour le duo Diomaye-Sonko
Conscient de sa popularité auprès de ses concitoyens résidant à l’étranger, Ousmane Sonko s’était lui-même impliqué lors d’un meeting organisé le 13 septembre dans un stade de Milan, en Italie, en invitant ses compatriotes à mettre la main à la poche pour participer, via ces « titres citoyens et patriotiques », au financement de son Plan de redressement économique et social (Pres), évalué à 5 667 milliards de F CFA. Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), le parti qu’il dirige, n’avait-il pas lui-même bénéficié de l’appui financier de sympathisants de la diaspora pour se hisser au pouvoir ?
La situation difficile dans laquelle s’est englué le Sénégal depuis l’arrivée du duo Diomaye-Sonko à la tête du pays, en avril 2024, et alors que montait en coulisses les tensions entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, n’a en tout cas pas émoussé l’enthousiasme d’Ousmane Sané. « Oui, cela fera bientôt deux ans qu’ils ont pris les rênes du pays. Mais cela fait à peine un an qu’ils ont obtenu une majorité à l’Assemblée nationale, qui leur permet de gouverner sereinement », affirme l’expatrié, admiratif de Pastef, en demandant encore un peu d’indulgence à l’égard des nouvelles autorités.
Pourtant, dès la prise de fonctions de Bassirou Diomaye Faye, une série d’audits enclenchée par le gouvernement a mené à l’arrêt d’investissements et de chantiers en cours, en particulier dans des secteurs névralgiques comme le BTP, ce qui a mis sur le carreau plusieurs milliers d’employés.
Pour ne rien arranger, la révélation quelques mois plus tard, juste avant les législatives, du scandale de la dette cachée – désormais évaluée à près de 132 % du PIB par le Fonds monétaire international (FMI) –, a entraîné le pays dans une spirale de déficit budgétaire, en raison de la suspension des décaissements du FMI.
La transparence pour maître-mot, et après ?
Le gouvernement a ensuite été contraint d’adopter des mesures drastiques pour renflouer les caisses de l’État, parmi lesquelles la hausse des taxes sur les transactions électroniques et la baisse progressive des subventions sur l’électricité. Autant de mesures qui pèsent sur le pouvoir d’achat des Sénégalais, mais qui ne remettent pas foncièrement en question la capacité de Pastef à diriger le pays, selon Henry Sarr. Au contraire.
Arrivé en France en 2016 pour des études en droit, celui qui dirige L’Étudiant 221, une association qui regroupe les étudiants sénégalais de la région parisienne, estime que les nouveaux dirigeants, en révélant la dette cachée, ont tenu une promesse non moins importante. « Celle d’assainir l’administration publique et de gouverner dans la transparence. Cela a témoigné de leur volonté de partir sur de bonnes bases », affirme Henry Sarr, qui travaille aujourd’hui dans un cabinet d’avocats en tant que juriste.
Leur bilan à la tête du pays est très peu reluisant. En quoi la révélation de la dette cachée a été une chose positive pour le pays ? Au contraire, cela a dépeint en noir le Sénégal auprès des organisations internationales.
Lansana Fofana, dit Kayz Fof, Professeur des écoles et influenceur politique
Le problème est que la recherche de solutions pour juguler le surendettement subit du Sénégal, qui doit aussi faire face à son déclassement par les agences de notation financière, a renvoyé au second plan les autres promesses de campagne faites par Pastef à ses électeurs. À commencer par l’organisation d’un procès pour rendre justice aux victimes des violences politiques qui ont fait plusieurs dizaines de morts entre mars 2021 et mars 2024. « Nous avons appelé à une mobilisation de la jeunesse. Des gens ont été massacrés pour que ce régime arrive au pouvoir. Nous attendons qu’il fasse la lumière et il n’y a toujours rien », s’emporte Lansana Fofana, professeur des écoles installé dans les Yvelines, en banlieue parisienne.
Promesses et impatience
Très actif sur les réseaux sociaux, Lansana Fofana est aussi un influenceur suivi par près de 1 million de followers, dont plus de 200 000 sur YouTube où il anime des émissions sur la politique sénégalaise et le panafricanisme. Fervent soutien d’Ousmane Sonko et de Pastef pendant les années d’opposition contre l’ex-président Macky Sall, celui qui a pour pseudonyme Kayz Fof, semble désormais perdre patience.
« Leur bilan à la tête du pays est très peu reluisant. La situation économique du pays est catastrophique. En quoi la révélation de la dette cachée a été une chose positive pour le pays ? » s’interroge l’influenceur. « Au contraire, cela a dépeint en noir le Sénégal auprès des organisations internationales. Et tous les investisseurs qui voyaient notre pays comme une terre d’opportunité ont désormais peur de se lancer », tempête Lansana Fofana, qui n’a pas voulu participer aux « diaspora bonds ».
« La diaspora a massivement et financièrement contribué aux activités de Pastef pour que le parti accède au pouvoir. Nous attendons d’eux qu’ils trouvent des solutions rapides aux problèmes des populations et non qu’ils continuent de nous solliciter pour financer des projets étatiques, poursuit Lansana Fofana. Aujourd’hui, on envoie encore plus d’argent à nos familles restées au pays, en raison du coût de la vie de plus en plus excessif. »
La réaction de son compatriote est jugée excessive par Ousmane Sané qui, lui, se satisfait de la campagne de reddition des comptes entamée par le nouveau régime et qui a déjà conduit plusieurs dignitaires de l’administration précédente devant la justice, dont Mansour Faye, ex-ministre des Infrastructures et beau-frère de Macky Sall, placé sous contrôle judiciaire fin septembre après quatre mois de détention. « De toute façon, il est beaucoup trop tôt pour faire un bilan de la gouvernance Pastef, après seulement vingt mois, résume Ousmane Sané. Je ne leur accorde pas un soutien aveugle, mais donnons-leur encore deux années supplémentaires. On verra à ce moment-là. »
Jeune Afrique

