Depuis l’offensive du M23, soutenue par le Rwanda, dans l’est de la RDC, les Églises congolaises ont tenté de promouvoir le dialogue. Ils ont établi des contacts avec Corneille Nangaa, chef de l’Alliance Fleuve Congo, l’aile politique du M23.
Ligne rouge pour le gouvernement, le dialogue avec le groupe rebelle du M23 et son aile politique, l’Alliance Fleuve Congo (AFC) est préconisé par les Églises catholiques et protestantes congolaises. Elles ont lancé un processus de réflexion pour trouver des solutions à la crise politique et militaire que traverse la RDC. Élaborées par des commissions d’experts, ces solutions seront ensuite discutées lors d’un « forum pour le consensus national », lequel pourrait inclure le M23 et Corneille Nangaa, le chef de l’Alliance Fleuve Congo (AFC).
« Quand on veut régler un conflit, on fait des concessions », résume Eric Nsenga, porte-parole de l’Église du Christ au Congo (ECC). Il est bien sûr prématuré de dire si le M23 voudra bien s’asseoir à la table des négociations et s’il y sera accepté. « Nous sommes en phase de contact », dit Eric Nsenga. L’idée de parler avec le M23 n’engage que les religieux mais le projet de sortie de crise a cependant été présenté et accepté par le président Félix Tshisekedi lors d’une audience qui a duré trois heures, le 3 février, à la Cité de l’Union africaine, après sollicitation des hommes d’église.
« Ce n’était pas facile d’amener l’initiative au moment où l’État congolais, à sa plus haute autorité, a déjà pris des positions fermes et publiques et qui sont presque extrêmes : par exemple on ne peut jamais dialoguer avec le M23 », a reconnu Eric Nsenga lors d’une conférence de presse, le 5 février.
« Les postures » vont-elles devenir « des ouvertures » ?
En effet, tout dialogue direct avec le M23, qualifié de groupe terroriste aux mains du Rwanda, est exclu par la présidence congolaise. Seules des négociations parmi d’autres groupes armés dans le cadre du processus de Nairobi sont envisagées. L’initiative des Églises détonne d’autant plus que donner la parole au groupe rebelle est par exemple formellement interdit par le patron du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la Communication (CSAC), Christian Bosembe.
La peine de mort est même promise à tout journaliste ou même religieux qui relayerait les activités du M23, selon le ministre de la Justice, Constant Mutamba. « Ce sont des postures », balaie Eric Nsenga, « il y a des ouvertures de part et d’autre, ce qui n’était pas vrai il y a quelques semaines », affirme-t-il. Devant le Parlement réuni en Congrès le 4 février, Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale a quant à lui eu cette phrase énigmatique : « Le président veut négocier, mais pas vendre le Congo. »
Les représentants des Églises devraient prochainement rencontrer Corneille Nangaa. « Aujourd’hui, vous ne pouvez pas dialoguer et mettre Corneille Nangaa de côté, c’est utopique. Même s’il est manipulé par les Rwandais : il est là ! », abonde Devos Kitoko, secrétaire général du parti Ecidé. « La politique est pragmatique. Si hier, Nangaa n’était pas un acteur majeur dans la crise, aujourd’hui il en fait partie. Moi-même, je ne voulais jamais entendre parler du M23 mais au fur et mesure que la crise avance, ils sont en train de s’imposer en interlocuteurs », admet ce collaborateur de Martin Fayulu.
Ce dernier, qui a souvent appelé à la cohésion nationale, a reçu la visite des représentants des Églises dans sa maison de Kinshasa. « Martin Fayulu a toujours été prêt à parler à tout le monde, à Félix Tshisekedi, à Joseph Kabila. Mais il a toujours posé un préalable : il faut que ça se passe sous les auspices de nos pères spirituels », contextualise Devos Kitoko. Les Églises ont également rencontré Joseph Kabila à Addis Abeba ainsi que Moïse Katumbi. « Tout Congolais estime que le temps est arrivé pour notre pays de se stabiliser », a prêché Eric Nsenga.
L’expérience du dialogue
Les hommes en soutanes, si souvent décriés par le pouvoir, prennent donc place au centre du jeu, prêts à faire le grand écart entre opposition, rebelles et gouvernement. « Les uns et les autres doivent mettre de l’eau dans leur vin », explique un catholique qui préfère rester anonyme. « L’Église parle avec tout le monde », soutient-il. Même avec les rebelles qui occupent désormais Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu, où près de 3 000 corps ont été dénombrés après les combats.
L’Église parle avec tout le monde.
Un catholique qui préfère rester anonyme
« Nous avons une bonne expérience qui a fonctionné quand le M23 occupait une bonne partie de l’Est », a déclaré Donatien Nshole le porte-parole de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) lors de la conférence de presse du 5 février. La RDC a une histoire de guerre mais aussi de dialogue veut croire Eric Nsenga, son collègue protestant : « En 2002, chacun avait pris les armes. On avait quatre groupes armés. Mais c’est à l’issue du dialogue de Sun City, en Afrique du Sud, qu’on s’est mis d’accord et ça a ouvert la voie à des élections », se souvient-il avec optimisme.
Leur plan voit large et dépasse l’ambition d’un dialogue national. Il pourrait inclure les pays de la région des Grands lacs (Burundi, Ouganda, Rwanda) et les parties prenantes aux processus de médiation comme le Kenya et l’Angola. Les Églises catholiques et protestantes rayonnent dans la région et disposent de réseaux qui servent de canaux de communication. Le cardinal de Kinshasa, Fridolin Ambongo, était à Kigali fin novembre 2024 pour participer à la réunion du comité permanent du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, qu’il préside. Il avait profité de ce déplacement pour appeler à la paix entre ces pays en guerre.
Ligne rouge pour le gouvernement, le dialogue avec le groupe rebelle du M23 et son aile politique, l’Alliance Fleuve Congo (AFC) est préconisé par les Églises catholiques et protestantes congolaises. Elles ont lancé un processus de réflexion pour trouver des solutions à la crise politique et militaire que traverse la RDC. Élaborées par des commissions d’experts, ces solutions seront ensuite discutées lors d’un « forum pour le consensus national », lequel pourrait inclure le M23 et Corneille Nangaa, le chef de l’Alliance Fleuve Congo (AFC).
« Quand on veut régler un conflit, on fait des concessions », résume Eric Nsenga, porte-parole de l’Église du Christ au Congo (ECC). Il est bien sûr prématuré de dire si le M23 voudra bien s’asseoir à la table des négociations et s’il y sera accepté. « Nous sommes en phase de contact », dit Eric Nsenga. L’idée de parler avec le M23 n’engage que les religieux mais le projet de sortie de crise a cependant été présenté et accepté par le président Félix Tshisekedi lors d’une audience qui a duré trois heures, le 3 février, à la Cité de l’Union africaine, après sollicitation des hommes d’église.
« Ce n’était pas facile d’amener l’initiative au moment où l’État congolais, à sa plus haute autorité, a déjà pris des positions fermes et publiques et qui sont presque extrêmes : par exemple on ne peut jamais dialoguer avec le M23 », a reconnu Eric Nsenga lors d’une conférence de presse, le 5 février.
« Les postures » vont-elles devenir « des ouvertures » ?
En effet, tout dialogue direct avec le M23, qualifié de groupe terroriste aux mains du Rwanda, est exclu par la présidence congolaise. Seules des négociations parmi d’autres groupes armés dans le cadre du processus de Nairobi sont envisagées. L’initiative des Églises détonne d’autant plus que donner la parole au groupe rebelle est par exemple formellement interdit par le patron du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la Communication (CSAC), Christian Bosembe.
La peine de mort est même promise à tout journaliste ou même religieux qui relayerait les activités du M23, selon le ministre de la Justice, Constant Mutamba. « Ce sont des postures », balaie Eric Nsenga, « il y a des ouvertures de part et d’autre, ce qui n’était pas vrai il y a quelques semaines », affirme-t-il. Devant le Parlement réuni en Congrès le 4 février, Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale a quant à lui eu cette phrase énigmatique : « Le président veut négocier, mais pas vendre le Congo. »
Les représentants des Églises devraient prochainement rencontrer Corneille Nangaa. « Aujourd’hui, vous ne pouvez pas dialoguer et mettre Corneille Nangaa de côté, c’est utopique. Même s’il est manipulé par les Rwandais : il est là ! », abonde Devos Kitoko, secrétaire général du parti Ecidé. « La politique est pragmatique. Si hier, Nangaa n’était pas un acteur majeur dans la crise, aujourd’hui il en fait partie. Moi-même, je ne voulais jamais entendre parler du M23 mais au fur et mesure que la crise avance, ils sont en train de s’imposer en interlocuteurs », admet ce collaborateur de Martin Fayulu.
Ce dernier, qui a souvent appelé à la cohésion nationale, a reçu la visite des représentants des Églises dans sa maison de Kinshasa. « Martin Fayulu a toujours été prêt à parler à tout le monde, à Félix Tshisekedi, à Joseph Kabila. Mais il a toujours posé un préalable : il faut que ça se passe sous les auspices de nos pères spirituels », contextualise Devos Kitoko. Les Églises ont également rencontré Joseph Kabila à Addis Abeba ainsi que Moïse Katumbi. « Tout Congolais estime que le temps est arrivé pour notre pays de se stabiliser », a prêché Eric Nsenga.
L’expérience du dialogue
Les hommes en soutanes, si souvent décriés par le pouvoir, prennent donc place au centre du jeu, prêts à faire le grand écart entre opposition, rebelles et gouvernement. « Les uns et les autres doivent mettre de l’eau dans leur vin », explique un catholique qui préfère rester anonyme. « L’Église parle avec tout le monde », soutient-il. Même avec les rebelles qui occupent désormais Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu, où près de 3 000 corps ont été dénombrés après les combats.
L’Église parle avec tout le monde.
Un catholique qui préfère rester anonyme
« Nous avons une bonne expérience qui a fonctionné quand le M23 occupait une bonne partie de l’Est », a déclaré Donatien Nshole le porte-parole de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) lors de la conférence de presse du 5 février. La RDC a une histoire de guerre mais aussi de dialogue veut croire Eric Nsenga, son collègue protestant : « En 2002, chacun avait pris les armes. On avait quatre groupes armés. Mais c’est à l’issue du dialogue de Sun City, en Afrique du Sud, qu’on s’est mis d’accord et ça a ouvert la voie à des élections », se souvient-il avec optimisme.
Leur plan voit large et dépasse l’ambition d’un dialogue national. Il pourrait inclure les pays de la région des Grands lacs (Burundi, Ouganda, Rwanda) et les parties prenantes aux processus de médiation comme le Kenya et l’Angola. Les Églises catholiques et protestantes rayonnent dans la région et disposent de réseaux qui servent de canaux de communication. Le cardinal de Kinshasa, Fridolin Ambongo, était à Kigali fin novembre 2024 pour participer à la réunion du comité permanent du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, qu’il préside. Il avait profité de ce déplacement pour appeler à la paix entre ces pays en guerre.