Menu





Transition guinéenne : Doumbouya silencieux, mais déterminé à conserver le pouvoir

Mardi 2 Décembre 2025

Mamadi Doumbouya, chef de la transition guinéenne depuis le coup d’État du 5 septembre 2021, s’est progressivement retranché du débat public, évitant désormais toute prise de parole susceptible de l’engager. Malgré ses promesses initiales de ne jamais se présenter à une élection et de restituer rapidement le pouvoir, il brigue finalement la présidence lors du scrutin prévu le 28 décembre, face à des candidats jugés peu compétitifs. La campagne s’ouvre dans un contexte où l’opposition a largement été écartée du processus électoral, après un référendum constitutionnel remporté sans difficulté par son camp.


Depuis plusieurs mois déjà, Mamadi Doumbouya s’est muré dans le silence. En bon militaire, il a certes toujours préféré l’action aux paroles. Regrette-t-il aussi d’avoir trop parlé ou trop vite ? S’en veut-il de s’être laissé emporter par l’exaltation de la prise de pouvoir, aux premières heures du coup d’État qu’il a mené le 5 septembre 2021 ? Il existe tant d’images de lui de cette période, lorsqu’il portait encore l’uniforme et le béret rouge, où on l’entend jurer qu’il ne se présenterait jamais à une élection ; répéter à quel point, en tant que militaire, il tient « au respect de la parole donnée » ; où on le voit lever la main droite en promettant de rendre le pouvoir au peuple guinéen le temps de « remettre le pays à plat »… En ne parlant plus, le général s’assure au moins d’une chose : celle de ne plus prendre le risque d’engager sa parole sur une promesse qu’il finirait encore par renier.


Le président de la transition se prépare donc à affronter huit adversaires le 28 décembre, que beaucoup qualifient de fantoches. La campagne électorale a débuté le 28 novembre. Mais rien n’indique qu’il compte y participer activement. Retranché derrière les blindés de ses forces spéciales, retiré loin de la capitale depuis l’archipel de Loos où il aime séjourner, le putschiste sait qu’il n’a pas besoin de défendre un quelconque projet auprès des électeurs, ou de convaincre de sa vision pour le pays : au cours des quatre années qu’aura duré la transition guinéenne, il a su paver la voie qui le mène droit vers la légitimité des urnes.

Ne promettait-il pas, au lendemain de son coup d’État du 5 septembre 2021, de mettre en place un « système qui [n’existait] pas » ? Il semble avoir réussi. Même si ce système, qui devait permettre de « rendre le pouvoir au peuple de Guinée », lui a surtout permis de le conserver. Assuré d’avoir écarté du processus électoral l’ensemble des partis représentatifs de l’opposition et d’avoir mis au pas les voix dissidentes, le général peut poursuivre le processus enclenché avec le référendum constitutionnel de septembre, remporté haut la main par son camp.

« L’important, c’est que les élections aient lieu, résume sans détour une source au sein de la Cedeao. Ce que nous voulons, c’est que la Guinée en finisse avec ses phases d’instabilité. Le pays va retrouver sa place dans le concert des nations et redevenir un membre à part entière de l’organisation. » Une source officielle guinéenne confirme, à sa manière : « L’une des premières causes d’instabilité, c’est la conquête du pouvoir. Après les troubles électoraux que l’on a connus, l’important, c’est que le référendum se soit bien passé, dans un climat de sérénité. Le multipartisme, c’est bien, mais cela doit être géré avec discernement. »

Affinités avec Paul Kagame
« La question désormais est de savoir s’il y aura une ouverture après le vote, s’interroge un diplomate. Pourra-t-on avancer sur la liberté de la presse, ou le dialogue avec les partis politiques ? » Face au durcissement du régime militaire, auquel beaucoup de Guinéens se sont résignés, des observateurs espèrent que l’issue de la présidentielle permettra un certain apaisement de la situation politique. « Les gens se posent cette question comme un vœu pieux », balaie un ancien ministre, qui ne croit pas que l’élection pourrait changer quoi que ce soit. « Si l’Afrique s’est amourachée des militaires, c’est parce que la démocratie a montré ses limites. »

On sent que Mamadi Doumbouya n’a pas d’adoration pour son poste. Il veut être président, mais il ne veut pas gouverner.


Ce n’est pas un hasard si Mamadi Doumbouya affiche une grande proximité avec le régime de Paul Kagame, dont il semble avoir fait son modèle. « Il est en quelque sorte son parrain dans cette transition. Une image de modernité que la Guinée suit rigoureusement, analyse un observateur à Conakry. Mamadi Doumbouya a sa propre vision des questions géopolitiques et stratégiques et donne les orientations à ses équipes. Il est important pour lui d’afficher l’image d’un chef qui maîtrise ce qu’il se passe chez lui, et de montrer aux étrangers – qu’ils soient Français, Russes ou Chinois – qu’ils ne font pas ce qu’ils veulent dans le pays. Il ne veut surtout pas être perçu comme le laquais d’un pays tiers. »

Une question demeure : quand Mamadi Doumbouya a-t-il décidé de renier sa parole pour se présenter ? De l’avis général, il n’aime pas gouverner tant que ça. Il rechigne à nommer de nouveaux collaborateurs, s’ennuie dans la recherche du consensus. « On sent qu’il n’a pas d’adoration pour son poste. Il veut être président, bien sûr, mais il ne veut pas gouverner », ajoute le ministre cité plus haut.

« Sa pratique de gouvernant demeure celle d’un chef militaire, qui délègue la gestion de l’État à ses équipes, poursuit l’analyste. Ce sont ses proches qui gèrent les dossiers stratégiques, avec une autorité qui descend directement de lui. » Il en est ainsi de la gestion de Simandou, confiée à son intime et directeur de cabinet, Djiba Diakité. « Le ministère des Mines traite des affaires courantes, mais les négociations avec l’État sont gérées directement par le comité. Les employés du ministère sont tout le temps à la présidence et le département a été vidé de sa substance », détaille un professionnel du secteur, qui évoque une « gestion oligarchique des affaires. » « Les mines, c’est le trésor sur lequel est assise la junte pour confisquer le pouvoir. »


Le secteur des mines, assurance-vie des militaires qui en ont fait leur priorité absolue, permettra-t-il à Mamadi Doumbouya de pérenniser son pouvoir en boostant l’économie ? À Conakry, opposants comme spécialistes insistent tous sur l’opacité qui entoure les contrats signés pour le Simandou, qui n’ont pas encore été rendus publics. Les données réelles des volumes d’exportation et le régime fiscal accordé aux entreprises étrangères n’ont pas été rendus publics, en violation du code minier.

« La dépendance de la Guinée aux exportations, qui constituent près de 80 % de son PIB, dont 58 % pour la bauxite, est dangereuse », remarque Amadou Bah, directeur exécutif de l’ONG Actions mines Guinée. « On ne peut pas bâtir un programme de développement solide sur un secteur si volatil. Le pays a besoin d’une stratégie industrielle globale qui s’inscrit dans une logique de développement et remet en question notre intégration dans le marché africain. Tant que nous dépendrons à ce point des exportations, nous serons vulnérables. »

Dire qu’on a perdu ses enfants dans un enlèvement est dramatique. Mais pointer du doigt le chef de l’État, c’est aller trop loin.

Ousmane Gaoual Diallo
Ministre des Transports et porte-parole du gouvernement
Mamadi Doumbouya se retrouve coincé dans un régime militaire en passe d’être normalisé, mais qui demeure aux abois. Désormais, tous peuvent être menacés par la vague de disparitions inquiétantes qui touchent les contempteurs du régime : les activistes de la société civile, les cadres de l’armée, les fonctionnaires ministériels, les avocats, les journalistes… Depuis peu, ces disparitions touchent jusqu’aux proches des adversaires du général, ou de ceux qui le critiquent.

Le 16 novembre, le chanteur Elie Kamano accusait les militaires d’avoir orchestré l’enlèvement de deux de ses enfants, un neveu et un cousin par des hommes armés, à Conakry. Seul le plus jeune des enfants, âgé de sept ans, a depuis été libéré. « Entre la tragédie vécue et la tentation d’en faire une communication sensationnelle, chacun doit rester mesuré. Dire qu’on a perdu ses enfants dans un enlèvement est dramatique. Mais pointer du doigt le chef de l’État, c’est aller trop loin », a répondu le ministre des Transports, Ousmane Gaoual Diallo, qui a assuré que le gouvernement, dont il est aussi le porte-parole, prendrait « toutes les dispositions nécessaires » pour que des enquêtes « sérieuses soient menées ».


L’Union africaine et l’ONU ont réagi à cet enlèvement. « Nous appelons les autorités à révéler le sort et le lieu où se trouvent au moins cinq autres personnes que nous pensons avoir été victimes de disparition forcée, parmi lesquelles les militants Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, l’ancien secrétaire général du ministère des Mines Saadou Nimaga, ainsi que le journaliste Habib Marouane Camara », a insisté le haut-commissariat aux droits humains des Nations unies. « Les Guinéens ne doivent plus mourir pour la politique », lançait Mamadi Doumbouya à la télévision nationale le jour de sa prise de pouvoir, le 5 septembre 2021. Et cette promesse, l’a-t-il tenue ?


Avec jeune Afrique 
 

Nouveau commentaire :



AUTRES INFOS

Jennifer Lopez excite ses fans : « Préparez-vous, le show arrive dans 26 jours

Résonance : l’album où Josey transforme ses épreuves en force musicale

Abidjan : Nadiya Sabeh, actrice et animatrice, est décédée

Crise à la Fecafoot, Brys exige ses droits : « Qu’on me paie ce qu’on me doit »

VIH/Sida : 4 656 personnes ignorent leur statut à Ziguinchor, selon les autorités sanitaires

Coupe d'Afrique des nations 2025 : 1xBet reste partenaire clé de la CAF

Dieynaba charge son mari : "J’ai découvert qu’il fréquentait d’autres femmes"

Rebondissement dans l’assassinat de Maria de la Rosa : trois suspects arrêtés

Ouverture de l’Ecofest : Sidiki Diabaté remercie Ousmane Sonko pour son soutien

Impact Social distingue Dr Awa Ndiaye : le Complexe bilingue "Senkeur"célébré pour son excellence éducative