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RDC : qui est Jamil Mukulu, le leader historique des ADF ?

Jeudi 27 Novembre 2025

Arrêté en Tanzanie en 2015, Jamil Mukulu attend son procès depuis dix ans dans une prison de Kampala. Le parcours de celui que l’on présente comme le cerveau des ADF illustre la montée du fondamentalisme en Ouganda et en RDC. Son procès marquera un tournant pour la justice internationale.


Arrêté en Tanzanie en 2015, Jamil Mukulu attend son procès depuis dix ans dans une prison de Kampala. Le parcours de celui que l’on présente comme le cerveau des ADF illustre la montée du fondamentalisme en Ouganda et en RDC. Son procès marquera un tournant pour la justice internationale.

Première comparution du chef des Forces démocratiques alliées (ADF), Jamil Mukulu, devant la Haute Cour d’Ouganda à Kampala, le 14 mai 2018.
Première comparution du chef des Forces démocratiques alliées (ADF), Jamil Mukulu, devant la Haute Cour d’Ouganda à Kampala, le 14 mai 2018. © Isaac Kasamani / AFP

Par Jeune Afrique

Publié le 27 novembre 2025
Lecture : 5 minutes.


Le procès de Jamil Mukulu, cerveau présumé des Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces, ADF) qui opère aujourd’hui sous la bannière de l’État islamique dans l’est du Congo, constitue un test pour Kampala face aux atrocités qui composent le dossier d’accusation, et à la délicate question du respect des droits fondamentaux du prévenu.

La reprise des audiences, fin 2025 – avec des procureurs qui alignent des dizaines de témoins et des juges sous pression pour accélérer le rythme – place le tribunal ougandais chargé des crimes de guerre face à une des rébellions armées les plus complexes de la région. Le verdict aura une importance non seulement pour Mukulu et ses victimes, mais aussi pour la crédibilité de l’Ouganda en matière de justice internationale.


A lire :
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1. Un chrétien devenu jihadiste international
Né Alirabaki Kyagulanyi dans une famille chrétienne du village de Ntoke, dans le district de Kayunga, en Ouganda, Jamil Mukulu s’est officiellement converti à l’islam le 17 mai 1984, changeant alors de nom. Il obtient une bourse pour étudier en Arabie saoudite où il découvre, avant de l’adopter, l’idéologie salafiste lors d’une formation théologique au Pakistan et au Soudan.

Cette évolution a façonné des décennies de violence en Afrique centrale et orientale : devenu fondamentaliste convaincu, Jamil Mukulu va se positionner comme un pont entre le « mouvement pour la prédication », Tabliq, régulièrement présenté comme une secte fondamentaliste musulmane depuis son émergence en Ouganda en 1990, et les mouvements jihadistes internationaux qui lui permettent notamment de rencontrer Oussama ben Laden.

2. Naissance des Forces démocratiques alliées
Après avoir été libéré de prison en 1995, où il purgeait une peine pour avoir mené une attaque contre le siège du Conseil suprême musulman ougandais, Mukulu entreprend d’unifier plusieurs groupes armés pour fonder une organisation rebelle cohérente. Lorsqu’Amon Bazira, chef de l’Armée nationale pour la libération de l’Ouganda (NALU) et opposant au président Museveni, est tué, Jamil Mukulu achève la fusion qui donne naissance aux Forces démocratiques alliées (ADF) en 1996. Il s’autoproclame commandant suprême.

Son sens de l’organisation lui a permis de transformer un petit groupe en une des forces terroristes les mieux organisées jamais actives en Ouganda, capable de mener des opérations dans l’ouest du pays et l’est de la RDC.

A lire : Comment la guerre au Sahel a fait exploser la criminalité dans toute l’Afrique de l’Ouest
3. Cerveau d’atrocités commises contre les civils en RDC
Entre 1996 et 2001, l’ADF perpètre de nombreux massacres et commettent des attentats à la bombe en RDC, tuant environ un millier de civils et provoquant le déplacement de 150 000 autres, selon des chiffres de l’ONU publiés en 2002. Esclavagisme, mariage forcé, utilisation systématique d’enfants soldats… Le groupe d’experts onusiens documente la responsabilité personnelle de Mukulu dans l’instauration d’un régime de terreur sur les zones contrôlées par les ADF.

4. Recruteur des enfants soldats
Les enquêtes menées par l’ONU révèlent que le chef des ADF a ordonné l’enlèvement de centaines d’enfants pour les enrôler dans leurs camps d’entraînement. Certains d’entre eux ont raconté avoir été emmenés de force dans la jungle après des raids au cours desquels des membres de leur famille avaient été assassinés sous leurs yeux, pour être soumis à un entraînement militaire sous la menace.

Les fugitifs ont décrit comment les commandants séparaient systématiquement les familles et kidnappaient des jeunes âgés d’à peine 12 ans, créant ainsi un traumatisme générationnel tout en renforçant la capacité militaire de Mukulu à mener des opérations en territoire congolais.

5. À l’origine d’un réseau terroriste international
Opérant depuis les bases de l’ADF dans le Nord-Kivu, Mukulu a noué des liens avec Al-Shabaab en Somalie, les réseaux d’Al-Qaïda et des éléments radicalisés un peu partout dans le monde.

Utilisant plusieurs pseudonymes, il jongle alors entre différents réseaux de contrebande sophistiqués. En 2015, l’arrestation d’un complice dans une affaire de falsification de passeports conduit la police tanzanienne à son domicile, où il réside sous le pseudonyme de David Amos Mazengo. Lors de son arrestation, il avait en sa possession au moins neuf passeports frauduleux – britannique, kenyan, somalien, tanzanien et congolais, notamment.

6. Une arrestation litigieuse…
Son arrestation intervient alors qu’il tente de renouveler les documents de voyage de sa famille sous une fausse identité. Il mène alors une double vie de concessionnaire automobile, tout en continuant à diriger les opérations des ADF depuis son exil.

Son extradition vers l’Ouganda, en juillet 2015 est contestée par ses avocats, qui remettent en question la légalité et la régularité procédurale de ce transfèrement.

7. … aux fondements difficiles à établir
En juin 2025, la Haute Cour de l’Ouganda reconnaît des violations de la Constitution dans l’arrestation et la détention de Jamil Mukulu, notamment son emprisonnement à la prison de Nalufenya pendant plus d’un an malgré les ordonnances de transfèrement rendues par le tribunal.

La cour produit les preuves d’une « exposition publique préjudiciable », orchestrée par l’ancien inspecteur général Kale Kayihura qui a qualifié Mukulu de membre de l’ADF avant son procès, violant ainsi la présomption d’innocence. Elle rejette cependant les allégations de torture, notamment les accusations de coups et de consommation forcée de porc, laissant au final une impression troublante entre violations reconnues et allégations infondées.

8. Une décennie de défaillances
Jamil Mukulu restera incarcéré sans procès pendant plus d’une décennie à la prison de haute sécurité de Luzira, à Kampala. En septembre 2025, la division des crimes internationaux de la Haute Cour ougandaise fixe finalement la date du procès au 1er octobre 2025, désignant quatre juges face aux 34 coaccusés de meurtre, de terrorisme et de crimes contre l’humanité. Un délai de procédure pointé du doigt par la défense de Mukulu, jugeant qu’il porte atteinte à son droit à un procès équitable.

9. Succession sous le signe de l’EI
Après l’emprisonnement de Mukulu, son second, Musa Baluku, prend la tête des ADF, modifiant fondamentalement la trajectoire idéologique de l’organisation. En 2017, il fera appel à la Province d’Afrique centrale de l’État islamique (IS-CAP) alors que son chef de l’époque, Abu Bakr al-Baghdadi, distribue des fonds pour le recrutement.

Cette allégeance, officialisée en 2019, a toujours été contestée par le fils de Mukulu, Moses, qui sera décapité pour s’y être opposé.

L’émergence de deux factions rivales entre ceux restés fidèles à Mukulu et ceux ayant prêté allégeance à l’EI a transformé les modes opératoires des ADF, passant de la vision salafiste initiale de Mukulu aux massacres génocidaires inspirés de l’EI.


10. La question persistante des soutiens extérieurs
Le groupe d’experts de l’ONU a pointé des incertitudes sur la manière dont Jamil Mukulu a pu survivre, malgré les opérations militaires congolaises, soulevant des questions sur d’éventuels accommodements – au niveau gouvernemental ou via des soutiens externes – ayant permis aux ADF de continuer leurs opérations pendant deux décennies.

En 2014, les conditions dans lesquelles Mukulu a pu s’enfuir aux côtés de cadres des ADF – notamment ses fils Richard et Moses, ainsi que Bisasso, responsable des finances du groupe armé – du camp de Madina, dans la région de Béni, juste avant que ce bastion des ADF ne soit pris d’assaut par les Forces armées de RDC (FARDC), sont notamment interrogées par les experts onusiens. Ils estiment que cette exfiltration, planifiée en amont, a été rendue possible par une coordination externe au groupe armé.

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