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"Pourquoi le décret de Macky pose problème"

Samedi 1 Septembre 2018

Professeur agrégé de droit et directeur du pôle de la faculté des sciences juridiques et politiques à l’Université virtuelle du Sénégal (Uvs), Jean-Louis Corréa considère que la révocation du maire de Dakar pose problème. Il donne ses arguments.


 

Quelle lecture faites-vous de la révocation du maire de Dakar, Khalifa Sall ? 

La décision est prématurée d’autant plus qu’il n’y a pas de décision judiciaire définitive en la matière. On aurait pu comprendre qu’une telle décision fut prise si la Cour suprême avait vidé le contentieux. Ce qui n’est pas encore le cas. Ce qui, d’un certain point de vue, montre aussi le peu d’estime  que le pouvoir exécutif peut avoir pour le pouvoir judiciaire. Parce que l’exécutif aurait pu attendre que toute la procédure judiciaire soit à son terme pour en tirer toutes les conclusions. Mais s’arrêter au constat de la condamnation de Khalifa Sall par les juridictions de fond et en tirer une  conséquence administrative, ça pose un problème.

Pourquoi ? 

Parce que théoriquement, le juge de la Cour suprême peut infirmer  l’arrêt de la Cour d’appel. Donc théoriquement il peut infirmer la Cour d’appel. Donc à partir de là on ne comprend pas pourquoi l’exécutif s’acharne à prendre une décision alors qu’il y a toujours une voie de recours qui est possible devant la Cour suprême. Malheureusement, ça  conforte  ceux qui pensent qu’il s’agirait plus d’une chasse à un adversaire politique que d’une véritable volonté de veiller à une bonne utilisation des ressources publiques.

Le décret est-il légal donc ? 

Le décret n’est pas illégal. De toute façon le code des collectivités locales, comme on l’a bien mentionné dans le décret, permet au président de  la République, dans des cas pareils, de prendre sa décision. Ce que je n’ai pas vu dans le code, c’est est-ce que la sanction est définitive ou pas. Donc le décret en lui-même n’est pas illégal, mais ici ce qui pose problème, et je le déplore en tant que juriste, c’est la facilité que le droit a de servir des causes qui, du  point de vue moral, posent problème. Ici on utilise la règle de droit comme instrument de façon très servile pour atteindre un objectif qui n’est pas un objectif purement juridique.

Revenons à la confirmation, par la Cour d’appel, de la condamnation en première instance de Khalifa Sall. Avez-vous été surpris par le verdict ?

Il faut dire que la décision  n’est pas surprenante parce que la Cour d’appel a joint toutes les exceptions. Il s’y ajoute la position de la Cour d’appel par rapport à l’arrêt de la Cour de la justice de la Cedeao. Donc, dès le début la messe a été dite dans cette affaire. Cette décision est une suite logique du déroulement du procès et c’est une suite logique du positionnement de la Cour d’appel de Dakar. 

Pourtant la Cour d’appel a annulé tous les procès-verbaux d’enquête préliminaire avant de condamner les prévenus ?

Cela pose problème parce que on ne peut pas constater qu’il y a une violation des droits des prévenus au niveau de l’enquête préliminaire, qu’il y a une violation du droit à un procès équitable qu’il y a autant de vices qui auraient dû affecter la procédure, la Cour n’en a pas tenu compte. Bien au contraire, elle a estimé que ces vices n’étaient pas de nature à porter atteinte à la régularité de la procédure. Ce qui, en droit, ne s’entend pas. Mais, pour moi la Cour d’appel aurait pu trancher autrement. Maintenant, ce que nous disons est sans préjudice des infractions que l’on reproche à Khalifa Sall. Je ne suis pas en train de remettre en cause  dans le fond les faits qui lui sont reprochés. Lorsque des faits sont reprochés à quelqu’un il y a une procédure qui est mise en place pour permettre de sanctionner les faits. Si la procédure n’est pas conforme avec la loi, il y a une corrélation que l’on fait entre la forme et le fond. On doit en tirer toutes les conséquences. Et dans cette affaire, du point de vue de la forme, ce que nous avons constaté c’est qu’il y a eu des violations et la Cour a refusé d’en prendre acte. Ce qui, du point de vue juridique, pose un grand problème parce que la procédure sert à protéger les droits des prévenus. Et, sur cette procédure, les droits des prévenus n’ont pas été garantis.

Dans ce contexte, Khalifa Sall peut-il toujours être candidat à l’élection présidentielle ?

La saisine de la Cour suprême s’offre à lui suite à la décision de la Cour d’appel. Il appartiendra en dernier ressort à la Cour suprême de se prononcer sur la confirmation ou l’infirmation de la décision rendue par la Cour d’appel de Dakar. Khalifa Sall a un mois pour saisir la Cour suprême et dans ce délai, cette juridiction va rendre sa décision dans des délais qui sont assez courts. De plus en en plus, avec les nouvelles exigences du fonctionnement de l’administration publique, la Cour suprême à des délais d’action et de rigueur dans lesquels elle doit rendre la décision.

La Cour peut casser la décision et renvoyer devant une autre cour d’appel pour que l’affaire soit rejugée. Elle peut rejeter. Cela me semble difficile de concevoir que le Conseil constitutionnel puisse considérer, une fois que le pourvoi est rejeté, que Khalifa Sall puisse être candidat à l’élection présidentielle. Parce que la condamnation qui pèse sur lui porte aussi sur le détournement de deniers publics. L’article L31 du Code électoral pourrait lui être applicable. Les chances de Khalifa Sall pour être candidat sont très  minimes sauf si la Cour suprême casse la décision de la Cour d’appel. Si Khalifa Sall reste en prison, il ne pourra pas se présenter à l’élection présidentielle. 
Seneweb.com
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