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Pourquoi l'armée congolaise ne fait pas le poids face au M23 (Enquête )

Mercredi 26 Mars 2025

En RDC, la "riposte vigoureuse" promise par le président congolais Félix Tshisekedi se fait encore attendre. Selon le groupe de réflexion International Institute for Strategic Studies, l'armée congolaise (FARDC) comptait environ 135.000 soldats en 2022, un effectif qui a depuis augmenté.


L'Institut de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) indique, lui, que la République démocratique du Congo (RDC)a plus que doublé ses dépenses militaires, allant jusqu’à atteindre 794 millions de dollars en 2023. Pourtant, le groupe rebelle M23 continue de conquérir de vastes territoires dans l'est de la RDC.

Le dernier rapport des Nations unies souligne certes que celui-ci bénéficie du soutien de près de 4.000 soldats rwandais. Néanmoins, le groupe armé ne dispose que de quelques milliers de combattants - soit un effectif bien inférieur à celui de l'armée congolaise. Alors pourquoi le M23 continue-t-il de gagner du terrain ?

Les FARDC, un "self-service"
Le budget et le nombre de troupes ne sont pas à eux seuls déterminants. Alain De Neve, chercheur au Royal Higher Institute for Defence (RHID) à Bruxelles, considère la "corruption systémique" comme l'une des principales raisons de la faiblesse de l’armée congolaise : "Divers rapports font état de la disparition de fonds destinés aux salaires et à la logistique. Cela explique pourquoi le moral des troupes est si bas et pourquoi les désertions sont fréquentes. Dans certains cas, les soldats ont même recours au pillage ou au racket de la population locale pour survivre". Autant de raisons qui expliquent le manque de popularité des FARDC.

"L'armée a développé une vie propre", déclare également Ciaran Wrons-Passmann, directeur du Réseau œcuménique allemand pour l'Afrique centrale (ÖNZ). “Elle est devenue un "self-service" dans lequel les dirigeants peuvent s'enrichir”, poursuit-il lors d’une interview accordée à la DW.

Les mercenaires sont mieux payés que les soldats
Les simples soldats, très modestement payés, reçoivent environ 100 dollars par mois - rapporte l'agence de presse Reuters. Pire encore, “il n'est pas rare qu'ils repartent les mains vides”, détaille Jacob Kerstan. Et dans le même temps, "les mercenaires d'Europe de l'Est ont reçu des dizaines de milliers d'euros par mois".

Les conflits internes sont d’autant plus inévitables, qu'il est difficile de se fier les uns aux autres. "Parfois, on travaille avec d'autres acteurs que l'on considère comme plus intéressants. Cela sape l'esprit de corps", explique Ciaran Wrons-Passmann.

De leur côté, l’attitude de certains officiers démoralise les troupes. En février dernier, la nuit avant que les rebelles ne prennent Goma, le commandement militaire et les autorités provinciales ont fui en bateau sur le lac Kivu en direction de Bukavu, sans le dire à leurs soldats, peut-on lire dans une note de l'Onu.

Trouver des militaires loyaux semble donc ne pas être une tâche facile pour Kinshasa. "Il y a eu de très nombreuses rotations parmi les chefs d'Etat-major et aussi parmi les services de renseignement", retrace Ciaran Wrons-Passmann.

"Cela montre que Tshisekedi n'a pas trouvé le personnel adéquat pour mettre en œuvre ses idées". Par ailleurs, l'intégration d'anciens seigneurs de guerre dans l'armée pose d’importants problèmes.

Manque de formation et d'équipement
L’un des autres problèmes majeurs de l’armée congolaise est qu’elle “manque cruellement de ressources”, souligne encore le spécialiste belge de la défense, Alain De Neve. Le déficit de formation et d'équipements désavantage l’armée congolaise face au M23.

Les rebelles disposent d'une formation structurée et de tactiques de combat adaptées au terrain montagneux du Nord-Kivu. L'armée rwandaise qui les soutient a également la réputation d'être bien équipée. Les soldats rwandais jouent par exemple un rôle clé dans les missions internationales de paix en République centrafricaine ou au Mozambique.

Le problème ne réside pas seulement dans le manque de ressources matérielles, mais aussi dans la difficulté à maîtriser le terrain. D'un point de vue technologique et logistique, les FARDC peinent à s’établir de façon pérenne.

"Kinshasa ne sait pas toujours où se trouvent les éléments de l'armée dans l'est du Congo. L'armée est en partie coordonnée par WhatsApp. La communication d'instructions claires de Kinshasa à appliquer sur le terrain est extrêmement difficile ".

Le M23 fait régner la terreur
“Seuls quelques hommes du M23 sont présents, certes. Ils ne représentent pas une force massive occupante au point de tout contrôler, mais ils sont présents ”, explique Alain De Neve, à propos de la manière dont le M23, en dépit de ses faibles effectifs, parvient à contrôler en partie le territoire conquis dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

“Les exactions qui sont commises et les crimes de guerre font que, même en n'étant pas présent, l'écho crée un sentiment de terreur tel que les populations acceptent d'être contrôlées et renoncent à toute forme de résistance”.

Sur le terrain, les FARDC parviennent difficilement à nouer des alliances avec les milices locales, qui permettraient une force de frappe plus efficace. “Combiner des forces armées régulières avec des milices dont la stratégie relève davantage du mode de la guérilla, c'est quelque chose qui est presque impossible à mettre en place parce que les cultures stratégiques ne sont pas les mêmes”.

Compter sur les Wazalendos ?
Seuls les miliciens Wazalendos - patriotes en kiswahili - sont devenus d'importants alliés dans la lutte contre les rebelles du M23. En plus des équipements militaires et des armes, les Wazalendos reçoivent des financements de la part de l'Etat congolais, rapporte l'Onu. L'engagement de ces groupes non étatiques dans les combats dans l'est de la RDC a été qualifié de "mal nécessaire" par les officiers des FARDC qui ne parviennent plus à maîtriser le territoire.

Au fil du temps, donc, les troupes du M23 opèrent dans une zone vaste, profitant de la désorganisation de l’armée congolaise et de son manque de discipline. “Tout ça fait effet boule de neige”. Pour pallier le manque d’efficacité de l’armée congolaise, plusieurs programmes ont été lancés, en vain. “L'instabilité politique en RDC n'a pas permis de mettre en place un cadre pérenne en la matière au niveau des forces armées”, déplore Alain De Neve.

Conséquences : la désorganisation sur le terrain se traduit par des replis et laisse les rebelles du M23 gagner du terrain.

La faiblesse des FARDC s'explique par l'histoire
Comment expliquer alors l’état désastreux de l'armée congolaise ? Pendant près de quatre décennies (de 1965 à 1997), le Congo - plus tard le Zaïre - était sous la direction de Mobutu Sese Seko.

"Par peur d'un coup d'Etat, il ne voulait pas que l'armée devienne trop forte et a monté les généraux les uns contre les autres", se souvient Jakob Kerstan. Ainsi, au lieu de se concentrer sur la défense du pays, l'accent a été mis sur une garde présidentielle forte pour protéger le chef de l’Etat.

Avec les successeurs de Mobutu Sese Soko, Laurent Kabila et son fils Joseph, l'armée a ensuite été infiltrée, notamment par le Rwanda. Dans une interview accordée à la DW début mars, Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement et ministre des médias de la RDC expliquait ce point.

"N'oubliez pas qu'après le renversement de Mobutu, cette armée était dirigée par James Kabarebe, un militaire rwandais qui est aujourd'hui sanctionné par les Etats-Unis". Il faisait ainsi référence à la phase de conflits entre 1996 et 2003, que l'on appelle généralement aujourd'hui la première et la deuxième guerres du Congo.

"Après l'accord de Sun City, nous avons mélangé tous ces militaires qui venaient du côté rwandais. Si vous mélangez tout, cela devient très compliqué", soulignait Patrick Muyaya.

De son côté, le président Félix Tshisekedi accuse l'armée d'avoir été "trahie de l'intérieur". "Mon prédécesseur a été au pouvoir pendant 18 ans sans reconstruire l'armée", a déclaré le chef d'Etat au New York Times. Certains membres des forces armées manquent de "sens du devoir" envers la nation, conclut le bureau de Félix Tshisekedi.

"C'est aussi la raison pour laquelle le gouvernement est aujourd'hui si réticent à négocier avec le M23. Parce qu'ils ont peur d'être infiltrés", résume Jakob Kerstan.

"Le M23 n'existe pas"
Et maintenant ? “La République démocratique du Congo travaille à la réforme des forces armées”, rappelait Patrick Muyaya. Mais ces changements prennent du temps. "Il ne faut pas croire qu'on peut terminer toute la réforme de l'armée en cinq ans. Nous avons commencé à le faire. Pourquoi pensez-vous que le président (rwandais) Paul Kagame a décidé d'attaquer et de mener cette guerre en RDC ? Parce qu'il voit comment les choses évoluent".

Jusqu'à présent, le Congo excluait strictement tout dialogue avec le mouvement rebelle, pour finalement y consentir avant le rendez-vous avorté de Luanda, ce 18 mars. Plus encore : “le M23 n'existe pas”, pointe Patrick Muyaya. Selon lui, ce groupe armé ne serait qu’un prétexte créé par le Rwanda pour mettre la main sur les matières premières congolaises. "Ce n'est pas le M23, c'est l'armée rwandaise. Le Rwanda est un tissu de mensonges".


DW
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