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Le discours du président Macky Sall au forum international de Dakar: Une ambition pour l’Afrique et le monde(Par Jean-François AKANDJI-KOMBÉ et Ibrahima DIA)

Samedi 23 Novembre 2019

Jean-François AKANDJI-KOMBÉ, Professeur à l’École de Droit de la Sorbonne, Université Paris 1
Ibrahima DIA, Docteur en Droit international, Chargé de la Communication et Stratégie APR France.


D’un Forum international à l’autre, d’une conférence ou d’un séminaire international à l’autre, que ce soit en Afrique ou ailleurs, on finit fatalement par prendre l’habitude et par se lasser des déclarations générales creuses et des discours convenus, produits pour la satisfaction des happy few de ces grand-messes dits « de haut niveau » qui y retrouveront avec bonheur leurs billes, exprimées dans le langage feutré et codé qu’ils affectionnent, avec ce qui peut ressembler à un mépris ou presque des problèmes réels de l’heure, des urgences vitales pour nos sociétés et pour les vrais gens.



Ceux qui nourrissent pareil sentiment, et ils sont nombreux, n’ont pu qu’être surpris, positivement surpris, voire désarçonnés par le discours prononcé par Son Excellence, Monsieur le Président Macky Sall à l’ouverture de cette 6e édition du Forum international de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique. Discours de vérité sur les périls et les défis, plus que pressants, mais aussi de vérité sur les insuffisances et les échecs collectifs, ceux des Nations Unies comme ceux des Africains ; discours de détermination et d’ambition aussi, porté par un souffle et une vision d’une rare force, tournés tout à la fois vers la solution des problèmes africains par les africains avant tout et vers une transformation des rapports et de l’ordre internationaux. Qu’une telle prise de position vienne d’Afrique, cela mérite assez que l’on s’y arrête. Pour prendre acte d’abord des éléments qui font de ce discours un discours visionnaire. Mais mieux encore, pour appeler à l’approfondissement et à la concrétisation, dans un agenda politique ambitieux, des pistes et propositions qu’il esquisse.


D’UN DISCOURS OFFENSIF ET VISIONNAIRE…
Le sujet, inscrit d’emblée dans l’intitulé du Forum depuis l’origine, est connu : il s’agit de la Paix et de la Sécurité en Afrique. Ce n’est certes pas la première fois qu’il en est traité, et le Forum de Dakar n’est pas la seule enceinte internationale où il en est question. Reste que, par son discours inaugural, le Président Macky Sall lui a donné un retentissement nouveau.
La nouveauté tient d’abord à l’approche. C’est en effet la première fois à notre connaissance que la question de la paix et de la sécurité en Afrique est ainsi clairement et frontalement posée en termes de défis pour le multilatéralisme. On aura beau jeu ici ou là, dans certains cercles « panafricanistes », de reprocher à cette démarche de remettre le sort de l’Afrique entre des mains étrangères. Mais une telle appréciation ne serait que la marque, sinon d’une certaine mauvaise foi, du moins d’une conception étriquée de l’idéal panafricaniste, doublée d’une incompréhension fondamentale de la posture du Président sénégalais. Car le multilatéralisme est mis en exergue ici pour poser une double revendication capitale : d’une part, celle d’une Afrique membre à part entière de la Communauté internationale et, surtout, de la Communauté des Nations Unies qui doit jouer tout son rôle de locomotive vers de nouveaux agencements, de nouvelles procédures et de nouvelles solutions collectives plus adaptées aux réalités africaines ; d’autre part, celle d’une Afrique qui se doit d’être l’acteur prioritaire de son propre destin pour la solution des défis spécifiques auxquels il est confronté, spécialement en matière de sécurité, et cela précisément parce qu’il devrait être dans la propre logique du multilatéralisme telle que commandée par le chapitre 8 de la Charte des Nations Unies qu’il en soit ainsi, c’est-à-dire que les actions à caractère continental ou régional en Afrique, pour peu qu’elles ne soient pas incompatibles avec les buts des Nations Unies, soient privilégiées, et que ces actions soient soutenues comme actions de l’ensemble de la Communauté internationale. En voilà une vision ambitieuse de l’Afrique, actrice première de son destin en même temps que moteur dans les dynamiques universelles !


Le retentissement exceptionnel du discours du Président Macky Sall tient ensuite au langage de vérité qu’il a adopté : sur la gravité du mal sécuritaire qui ronge l’Afrique ; sur l’identification du levier premier de l’insécurité qui agit aussi comme aggravateur, voire accélérateur des autres phénomènes d’insécurité, à savoir le terrorisme ; sur les dysfonctionnements du cadre international, notamment celui du Conseil de sécurité où l’Afrique reste exclu du cercle des membres permanents n’est qu’à peine impliquée dans les décisions concernant la sécurité du continent, comme cela a été le cas avec la Lybie ; sur la sous-estimation des périls qui sont sources de l’insécurité dans les pays africains ; sur l’inadéquation des réponses apportées à travers des missions de maintien de la paix de l’ONU aux mandats inappropriés ; sur l’insuffisance de la mobilisation des moyens internationaux en Afrique par comparaison avec d’autres régions du monde ; sur l’absence d’articulations utiles entre les missions de maintien de la paix et les dispositifs de lutte contre le terrorisme placés, par la force des choses et pour l’essentiel, hors du cadre multilatéral ; sur le caractère choquant et inacceptable de la situation actuelle, où on assiste à une accentuation des agressions terroristes alors même qu’il n’y a jamais eu autant de forces étrangères ou sous mandat international sur le continent.


Le plaidoyer ainsi conduit ne pouvait se conclure que par un appel au sursaut, et c’est là le point d’orgue du discours : appel au sursaut des africains d’abord, qui doivent en urgence s’unir contre le terrorisme ; appel à l’action résolue de tous ensuite, à commencer par les Nations Unies, pour renverser la vapeur, c’est-à-dire pour mener une véritable guerre contre le terrorisme et les autres périls qui portent atteinte à la paix sur le Continent. Parce que, comme l’énonce justement le Président Macky Sall, « pour maintenir la paix, encore faudrait-il d’abord la rétablir ». Le discours contient un certain nombre de pistes se rapportant à la réaction ainsi attendue des uns et des autres. Il ne pouvait cependant qu’être laconique sur ce point. Aussi est-il permis d’appeler à ce qu’il soit prolongé et systématisé. Un agenda, forcément ambitieux eu égard aux éléments qui précède, paraît la forme la plus souhaitable.



… À UN SOUHAITABLE AGENDA AMBITIEUX POUR LA PAIX ET LA SÉCURITÉ EN AFRIQUE
Du discours de Son Excellence le Président Macky Sall il se dégage un certain nombre d’axes majeurs, qui constituent autant de chantiers primordiaux à ouvrir, en les articulant entre eux, en vue d’apporter une paix et une sécurité effectives en Afrique.  Il est possible de les ramener à trois éléments principalement : la réorganisation du multilatéralisme, le renouvellement de la doctrine de paix et sécurité et, enfin, une opérationnalité réellement adaptée aux périls et menaces. Chacun de ces axes ou chacun de ces chantiers recouvre des défis multiples et complexes, qu’il n’est possible que d’esquisser dans le présent texte. En tout état de cause, la construction d’un agenda utile comprenant l’ensemble de ces éléments demande, de notre point de vue, que ce dossier soit porté à l’Union africaine et qu’il y fasse l’objet d’un examen par la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement, en associant, si possible, comme l’a suggéré le Président Macky Sall, les acteurs de la société civile.


La réorganisation du multilatéralisme. Le multilatéralisme est sans nul doute le cadre le plus approprié pour mener la bataille du rétablissement de la paix et de la sécurité en Afrique, en commençant par la lutte contre le terrorisme, au Sahel comme partout ailleurs sur le continent. Il est cependant évident, ainsi que l’a souligné le Président Macky Sall, que ce multilatéralisme ne sera adapté et efficace que pour autant qu’il sera réorganisé. La réorganisation concerne les structures en charge de la paix et de la sécurité, au niveau aussi bien mondial que continental, ainsi que les procédures qu’elles mettent en œuvre. Le principe devrait en être, au niveau mondial, la recherche d’un équilibre qui permette à l’Afrique de participer à égalité avec les autres continents à l’exercice de la responsabilité pour la paix et la sécurité dans le monde et qui, par voie de conséquence, lui permette d’être pleinement impliquée dans les décisions qui se rapportent aux territoires des États africains. La revalorisation de la position occupée par ces États au Conseil de sécurité et, pour le dire sans ambages, l’accession du groupe qu’ils constituent au cercle restreint des membres permanents, fait partie des enjeux évidents de cette réorganisation. Peut-être conviendrait-il de joindre à cet enjeu celui d’une meilleure association de l’Assemblée générale, organe le plus démocratique des Nations Unies où les États africains pèsent d’un poids certain, à l’exercice des responsabilités en matière de paix et de sécurité, par exemple à travers une dynamique rénovée de la Résolution « Union pour le maintien de la paix » (Rés. n° 377 / 1950). Au niveau continental, cette réorganisation, qui mettrait nécessairement en relation avec le mondial, privilégierait le principe de subsidiarité en exploitant toutes les virtualités du chapitre 8 de la Charte des Nations Unies. L’objectif serait ici que le traitement des cas de rupture de la paix et de la sécurité internationale ou de menace de ces deux états soit confié prioritairement aux instances les plus proches des zones considérées, mais aussi que ces instances soient réputées agir au nom de la Communauté internationale dans son ensemble, et que leurs décisions soient regardées comme requérant le soutien conséquent et non discriminatoire de ladite Communauté internationale.


Le renouvellement de la doctrine de paix et sécurité. Le monde a changé et les causes d’insécurité ou les formes d’atteintes ou de menaces à la paix avec eux, ainsi que le soulignait le Président Macky Sall. Une réévaluation des catégories qui président à l’action de l’ONU, et spécialement du Conseil de sécurité, s’impose donc, en s’attachant à coller à la réalité vécue sur le terrain et donc aux spécificités de chaque terrain. Il est essentiel cependant, quand bien même certaines menaces ou facteurs d’insécurité seraient localisés, qu’ils soient appréhendés dans une logique de sécurité collective mondiale, comme menaces à la paix globale.


Une opérationnalité adaptée aux périls et menaces. Ce dernier chantier devrait être celui du choix des moyens et des modalités de leur mise en œuvre. Ce serait le lieu ici de réintroduire dans les approches internationales une problématique de rétablissement de la paix et de la sécurité quand cela s’impose, ce qui passe par des mandats plus robustes, des règles d’engagement et des moyens en conséquence, mais aussi par une stratégie de coordination exigeante des interventions.


Un avenir de paix et de sécurité véritables et durables pour le monde et pour les peuples africains, qui conditionne le progrès dans tous les autres domaines, voilà tout l’enjeu. Cela justifie assez d’ouvrir ces chantiers au plus vite.
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