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Justin Ndiaye: «Le Colonel Kébé ne peut pas faire un coup de village , à fortiori un coup d’Etat»

Lundi 11 Mars 2019

Justin Ndiaye: «Le Colonel Kébé ne peut pas faire un coup de village , à fortiori un coup d’Etat»
« Le Vatican, combien de divisions ? » questionnait, jadis, Joseph Staline. L’interrogation de l’ancien chef de l’ex-URSS injecte ainsi une dose d’humour dans la réflexion géopolitique et met en exergue la place des rapports de forces sur l’échiquier international. Car, en effet, le Vatican, Etat théocratique de 44 hectares né des Accords de Latran entre Mussolini et le Saint-Siège, ne dispose que d’une minuscule Garde suisse. Par conséquent, le Vatican agace et amuse, mais ne menace point. Même chose pour le Colonel retraité et maintenu dans le le CR (cadre de réserve), Abdourahim Kébé, qui milite dans un Parti politique, commente l’actualité, mais ne commande aucun régiment de l’armée nationale. 
  

Le Colonel Abdourahim Kébé a vigoureusement titillé et/ou rudement asticoté les nerfs du gouvernement, à travers son message de feu posté sur Facebook. Message qui met en équation la victoire du Président Macky Sall et, surtout, allume la relation franco-sénégalaise. L’Etat a immédiatement saisi un marteau-pilon pour écraser la mouche qui bourdonne dans un contexte post-électoral où le moindre bruit de pétard (même mouillé) crée l’affolement. D’abord, c’est la Gendarmerie qui cravate le Colonel. Comme à l’accoutumée, les pandores restent très strictement à cheval sur la loi, en pointant : « des actes ou des manœuvres de nature à provoquer des troubles politiques graves ». Ensuite, déboule le porte-parole et porte-flingue du gouvernement, le Ministre Seydou Guèye (politicien rodé et rhétoricien confirmé) qui verse fâcheusement et délibérément dans l’aggravation et le gonflement sémantiques, en lâchant le mot excessif : « putsch ». Faut-il rire ou se préoccuper de ce branle-bas gouvernemental de communication et de répression contre une insurrection fantasmagorique et un putsch surréaliste ? 
  

La position du Colonel dans la ligne de mire (il est du cadre de réserve), son profil non exceptionnel et l’odyssée républicaine de l’armée sénégalaise rendent excessif et insignifiant tout le tohu-bohu judiciaire et sécuritaire autour du fameux post. En effet, le Colonel Abdourahim Kébé demeure, malgré son CV scintillant, un officier d’état-major et d’ambassade ; plus habitué à l’ambiance feutrée des académies et des colloques militaires qu’à la fournaise des théâtres d’opérations. Bien qu’il ait commandé au feu en Casamance, avant de débarquer à la Direction de l’Information et des Relations publiques des Armées (DIRPA) où les caméras remplacent les canons. Pour les spécialistes, le Colonel Abdourahim Kébé a certes effectué un parcours remarquable : des formations successives et complémentaires, des stages innombrables etc. Mais il ne possède pas le coffre des baroudeurs et ne partage pas le mental des centurions comme feu le Colonel Momar Talla Fall alias R.A.B ou le Général Mamadou Diallo Nogass. En France, le Colonel-militant de REWMI, Abdourahim Kébé, serait plus proche de la race du Colonel Argoud, un des chefs de l’OAS, qu’à celle du Général Bigeard.   
  

Pour opérer un « putsch » (le mot trop fort est tombé des lèvres du Ministre Seydou Guèye), il est indiqué d’être non seulement en contact mais vraiment en osmose avec la troupe. Un retraité n’est pas dans ce cas de figure. Il s’y ajoute que le Colonel Kébé n’a pas le magnétisme digne d’une idole en képi qui lui permettrait – loin des armées – de téléguider l’action de centaines de soldats séditieux appartenant à des unités combattantes. Bref, le peu que je sais de l’Histoire rassurante du Sénégal et de l’organisation impeccable de son armée m’a, d’ores et déjà, convaincu que le Colonel Abdourahim Kébé ne peut pas faire un « coup de village », à fortiori un coup d’Etat. Rappelons que le Sénégal a échappé à l’épidémie de putschs militaires qui a longtemps et largement sévi en Afrique. Mieux, au temps des « multiples brasiers » – théorie de la multiplication des Vietnam chère à Che Guevara – le Sénégal ne fut pas ébranlé. L’embryon de maquis du PAI qui se mettait en place dans le Parc National de Niokolo Koba, au début des années 60, fut vite balayé.   
  

Tout se passe comme si le Président Macky Sall et sa majorité avaient bizarrement et terriblement peur de la victoire (la leur) du 24 février dernier. Le communique de presse du Ministre des Forces Armées, Augustin Tine, en fait foi. Destiné clairement à la presse, le communiqué, en date du 7 mars 2019, fustige « l’intervention récurrente des militaires dans les média et réseaux sociaux ». Ce n’est pas tout. Le Ministre des Forces Armées convoque les lois 2008-28 du 28 juillet et 70-23 du 06 juin 1970 qui soumettraient les militaires en activité ou non, à l’obligation de loyauté à la République et au devoir de réserve. Le communiqué de presse étant clairement destiné à la presse, Dakaractu a, par voie de conséquence, la latitude et le loisir de le commenter. L’armée du Sénégal est historiquement issue des flancs voire des entrailles de l’armée coloniale. Donc de l’armée de la France. En tant que lithographie de l’armée française (copie conforme sur beaucoup de plans), ses chefs politiques et militaires ont l’obligation de rendre la copie moins pâle. Indéniablement, la discipline fait la force des armées sous tous les cieux. C’est un lieu commun. Toutefois, les notions de loyauté, d’obéissance et de réserve sont explorables à l’infini. 
  

Dans son livre publié le 8 novembre 2017, le Général Pierre de Villiers, chef d’Etat-major démissionnaire, après une houleuse discussion avec le Président Emmanuel Macron, passe au peigne fin les notions de loyauté et de réserve. Il écrit dans l’ouvrage intitulé « SERVIR » (Editons Fayard), la gerbe de phrases que voici : « La vraie loyauté consiste à dire la vérité à son chef. La vraie obéissance se moque de l’obéissance aveugle. La vraie loyauté n’est pas l’esprit de cour ni de l’assentiment permanent ». Plus loin dans le même livre, l’ex-CEMGA de l’armée française jette deux pierres. L’une dans le jardin du Quai d’Orsay et l’autre dans celui de l’Elysée : « La difficulté à instaurer des stratégies de paix crée un phénomène de pourrissement des conflits. Alors, l’armée française se trouve, aujourd’hui, en véritable surchauffe avec les opérations extérieures en cours au Sahel, au Moyen-Orient, en Asie etc. » Sans commentaires. Voilà un Général démissionnaire (après des divergences publiques avec le Président Emmanuel Macron) qui écrit un bouquin plus vigoureux que le post du Colonel retraité et non démissionnaire Abdourahim Kébé. A ma connaissance, la Gendarmerie n’a pas cueilli le Général Pierre de Villiers dans sa résidence de Boulogne, en Vendée. Moralité : l’obligation de réserve est assez modulable.
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