La Namuroise s’est surpassée pour remporter l’heptathlon à Rio. Sa médaille d’or la fait entrer dans la grande histoire du sport belge. Bien sûr, d’un côté, il y a les chiffres. Hallucinants. Un total de 6.810 pts, 302 de plus que son précédent record. Cinq records personnels, sur 100 m haies, en hauteur, en longueur, au javelot et sur 800 m, et trois victoires à la hauteur, au poids, en longueur et au javelot au cours de deux journées de folie qui font désormais d’elle la 16e performeuse de l’histoire. Mais, ce samedi, surtout, il y a un nouveau statut d’une brillance étincelante. Un moment de pure grâce, l’un des plus beaux de l’histoire du sport belge. À six jours de son 22e anniversaire, Nafi Thiam au bout d’un heptathlon de folie, a été sacrée championne olympique dans la douce nuit de Rio, la quatrième, seulement, de l’histoire de l’athlétisme belge après Gaston Reiff (5.000 m, 1948), Gaston Roelants (3.000 m steple, 1964) et Tia Hellebaut (hauteur, 2008) – en attendant que les relayeuses du 4 x 100 m des JO de Pékin ne viennent rejoindre ce club si sélect. Qui aurait imaginé ça ? Pas elle, en tout cas. « Je n’arrive toujours pas à y croire, dit-elle avec une voix qui tremble. Championne olympique, c’est plus que ce que j’ai jamais rêvé… Même quand je m’entends le dire, ça semble tellement gros ! » La veille, elle avait pourtant viré en deuxième position, donnant une excellente indication de ce qu’elle était capable de faire mais, « non, je n’y avais pas pensé hier. Combien de fois ne m’étais-je pas déjà retrouvée en tête avec la première journée sans terminer sur le podium ? » « Je ne m’attendais pas à faire aussi bien » Et puis, elle a continué sur sa lancée. Et, après un concours de longueur remporté à son dernier essai avec 6,58 m, s’est dit qu’elle était peut-être venue plus que pour un top 8. « Je me suis dit qu’un podium était possible, mais pas la médaille d’or, parce que Jessica (Ennis, ndlr) n’était qu’à 5 points et c’est une bonne coureuse de 800 m. » Le javelot allait tout changer. Après que la Française Antoinette Nana Djimou, déjà une copine de longue date, lui a dit qu’il ne fallait rien calculer, qu’il fallait tout donner dans son premier jet, quitte à se blesser à nouveau, elle a suivi ses conseils et s’est retrouvée avec un essai à 53,13 m. « Je ne m’attendais pas à faire aussi bien. J’avais fait beaucoup d’exercices à l’échauffement, mais après un premier essai, j’ai senti que ça faisait mal. J’ai préféré stopper et tout garder pour le premier essai du concours pour être détendue, sans douleur. C’est ce que j’ai fait et le javelot est vraiment parti très loin. Ça a fait très mal mais le javelot était déjà parti, donc ce n’était pas grave ! Je me suis dit là que la médaille d’or était possible. Il fallait juste que je donne tout sur le 800 m pour que, première ou deuxième, je puisse partir en me disant que j’avais fait mon maximum et que je pouvais être fière de moi. » Avant la course finale, les données étaient simples. La lutte pour l’or était réduite à deux personnes, Jessica Ennis et elle. Ennis, reléguée à 142 points d’elle, ne pouvait pas la devancer de plus de 9 sec 47, si elle souhaitait conserver sa première place. Fait incroyable, c’est exactement le temps qui séparait leurs deux records personnels sur le double tour de piste ! « Quand j’ai passé la ligne, j’ai su que c’était bon » « La suivre, ce n’était pas une bonne option, parce qu’elle est plus rapide que moi ; j’allais m’humilier et terminer à genoux. J’ai essayé de partir sur mon rythme avant de tout donner dans les 200 derniers mètres. Je ne l’ai pas lâchée des yeux, je n’ai pas laissé trop d’écart. J’étais totalement calme, alors que j’avais déjà perdu mes moyens dans des courses avec beaucoup moins d’enjeu. Ici, je savais qu’il y avait la médaille d’or au bout et que j’avais beaucoup travaillé la course cet hiver ; de plus, j’étais en confiance grâce à Götzis (NDLR : où elle avait battu son record de près de 3 secondes en mai). Quand elle a franchi la ligne, j’ai commencé à compter dans ma tête. Je savais que c’était environ 9 secondes et quand j’ai passé la ligne, j’ai su que c’était bon. » À l’arrivée, Ennis et Thiam sont tombées dans les bras l’une de l’autre. « Elle m’a félicitée, m’a dit que j’étais vraiment une bonne athlète et qu’elle était contente pour moi. Et venant d’elle, ça veut vraiment dire beaucoup pour moi. » Aujourd’hui, le statut de la Namuroise a changé. Championne olympique, elle sera forcément attendue partout et toujours. Avec des attentes plus importantes qu’avant. « C’est toujours mieux d’être concentré sur soi. Tant que je battrai des records personnels c’est que ça va. Bon, là, 6.810 pts, il va me falloir quelque temps pour le battre ! Et puis, on parle déjà du futur alors que j’ai beaucoup travaillé pour être ici. Après ce que j’ai fait, j’ai juste envie de me poser un moment et de profiter de cette médaille. C’est important de ne pas toujours se précipiter et de penser à la suite, il faut savourer le moment. » « La hauteur, je n’y pense pas » Nafi Thiam est également inscrite pour le concours de hauteur de ces Jeux. Si elle est au même niveau que vendredi, où elle a franchi 1,98 m, elle pourrait y créer une autre surprise. Si Roger Lespagnard, son entraîneur, aimerait bien qu’elle y prenne part, elle-même est beaucoup moins enthousiaste. « Je viens de gagner la médaille d’or de l’heptathlon et j’ai autre chose à penser ! Là, je profite… » Philippe Vande Weyer, à Rio
