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Infertilité secondaire : Enquête sur la difficile quête d’un autre enfant

Vendredi 5 Février 2021

L'infertilité secondaire ou l’incapacité pour un couple à concevoir de nouveau est un mal peu connu qui mine beaucoup de couples sénégalais dans une société où, avoir beaucoup d’enfants est signe de bien-être et d’épanouissement. Enquête.

Coumba* a passé des nuits entières à se poser les mêmes questions. «Pourquoi ne puis-je plus enfanter ? Suis-je devenue stérile ?» Elle avait beau retourné le problème sous tous les angles, mais au petit matin, le constat d’échec était là. Plat comme comme son ventre et surtout vide comme ce qu’elle ressentait dans ses tripes. Ces entrailles qui avaient déjà couvé un enfant, une petite fille née juste après son union en 2016 avec Mbaye*. Le couple avait alors une idée précise de la famille heureuse et elle ne peut se concevoir sans cinq enfants à la maison. Trois années sont maintenant passées depuis la naissance de leur fillette et deux ans depuis que la maman de 30 ans a décidé de se tourner vers la médicine traditionnelle pour enfanter de nouveau. «Je voulais coûte que coûte agrandir ma famille. Quoi de plus légitime pour une femme qui a déjà connu la joie d’être mère que de redonner la vie», explique-t-elle. Coumba a beau ingéré toutes les décoctions, plus amères les unes que les autres, sans jamais sentir le début d’un battement de cœur en son sein. Désillusions après désillusions, elle tombe lentement dans un état dépressif qui manque de faire voler en éclats son ménage. Jusqu’au jour où elle reçoit le conseil avisé d’une amie infirmière qui la redirige vers une experte en fertilité. Là, assise dans ce cabinet avec les résultats de ses examens sous les yeux, elle tombe des nues. «Le médecin m’a diagnostiquée une infertilité secondaire. C’était comme un coup de massue. J’étais dans l’incompréhension totale.» Au lieu de la soulager, cette information la plonge plus profondément dans le creux de la vague d’où, ni son mari ni sa fillette n’arrive à la relever.  D’ailleurs, peu de gens dans son entourage comprennent vraiment sa douleur, son deuil. Les phrases de soutien sont toujours les mêmes et toujours teintées de snobisme. «Tu devrais t’estimer heureuse, beaucoup de couples n’en ont pas», lui dit son mari. «Tu y arriveras lorsque tu arrêteras d’y penser», lui affirment ses amis. A force de psychologie de comptoir, Coumba en est arrivée à refouler ses sentiments, se sentir coupable d’égoisme. Elle continue bien sûr d’essayer tous les traitements, mais avec discrétion et toujours dans la peur chaque mois de voir ses menstrues. Aussi méconnue soit-elle, l’infertilité secondaire ronge de plus en plus de couples qui ont, pour la plupart, du mal à poser un dagnostic sur le problème.



Les infections, une des causes de l’infertilité secondaire
Parler de sa situation actuelle reviendrait à lui faire ressasser les pires moments de sa vie. Mariée depuis 2013 et mère d’un garçon de 5 ans, Fatou* est, depuis lors, en quête d’un autre enfant pour raffermir les liens de son mariage. Malgré son traitement chez le gynécologue, elle peine toujours à tomber enceinte. «Mon mari et moi avions envie d’avoir beaucoup d’enfants conformément au préceptes de la religion. Mais plus le temps passe, plus mes chances de tomber enceinte diminuent», explique la dame de 35 ans, avec amertume. La voix un peu troublée, elle enchaîne : «Lorsque mon gynécologue m’a dit que j’étais atteinte d’une infertilité secondaire causée par une infection de l’utérus, j’étais complètement déboussolée. Avais-je fait quelque chose qui a déréglé mon corps ?» Malgré la compréhension et l’attention dont son mari fait montre, la trentenaire n’en finit plus de souffrir. Le désir de pouponner de nouveau est beaucoup trop fort pour se contenter d’être fataliste. Elle dit : «L’infertilité secondaire, c’est l’attente, la déception. On a beau savoir que l’on est capable d’avoir un enfant, ça n’enlève rien à la douleur.» Malheureusement pour Fatou, l’infection a endommagé ses trompes. La seule solution pour elle reste donc la Procréation médicalement assistée (Pma). «Nous savons que ce genre de processus coûte extrêmement cher et que ce n’est pas encore légalisé au Sénégal. Mais avec mon mari, nous y pensons.» Pour l’heure, cette mère de famille suit toujours son traitement chez un spécialiste.


Si Fatou a la chance d’avoir un mari aimant à ces côtés, Oulèye*, elle, a failli perdre le sien à cause de son infertilité secondaire. Depuis son mariage en 2008, cette mère d’un garçon de 10 ans est toujours à la recherche effrénée d’un autre petit chérubin pour espérer avoir une vie familiale heureuse et épanouie. «Au Sénégal, un enfant ne suffit pas. Il faut en avoir au moins deux ou trois pour prétendre à une vie familliale meilleure», explique la dame. Malheureusement, plus le temps passe, plus la grossesse se fait attendre. Un rendez-vous chez le gynécologue lui a permis de savoir qu’elle était atteinte d’une infertilité secondaire. «J’étais sur le point de m’évanouir quand le docteur m’a dit que c’était dû à des problèmes au niveau du mon col», se souvient tristement la dame de 38 ans. Sa vie est devenue un véritable cauchemar. Ouleye vit un calvaire avec sa belle-famille. L’atmosphère familiale est devenue très vite tendue. «À chaque dispute, mes belles-sœurs et leur mère me lançaient des piques du genre : ‘’Femme infertile, femme stérile.’’ La situation devenait invivable. Mon mari est devenu distant. Au début, nous essayions de nous comporter comme un couple normal. Mais au fond, quelque chose nous manquait. J’avais peur que mon mari aille voir ailleurs», confie-t-elle. Une crainte qui la tient éveillée d’autant plus que c’est devenu une demande pressante de la belle-famille qui a des vues sur une cousine jugée plus fertile. Sans se rendre compte que l’infertilité secondaire touche indifféremment la femme et l’homme.


Docteur Sanoussi Sangou est un des spécialistes de la fertilité au Sénégal. Dans son cabinet sur la Vdn, ils sont plusieurs patients à défiler pour trouver une solution à leur problème de fertilité. Il explique : «L’infertilité de façon globale est l’inaptitude d’une personne à concevoir. C’est différent de la stérilité qui est l’incapacité d’un couple à procréer de façon naturelle. L’infertilité peut être primaire ou secondaire. L’infertilité secondaire est le fait de rencontrer des difficultés pour concevoir alors que l’on a déjà un ou des enfant(s). Cette infertilité secondaire peut être liée à beaucoup de facteurs. Chez la femme, elle peut être liée à un problème de ménopause précoce, c'est-à-dire à une insuffisance des ovaires, à une endométriose qui est une maladie qui peut créer des saignements au niveau des trompes ou des ovaires, empêchant ces organes de jouer leurs rôles dans la conception.» Parce qu’elles sont plus enclines à consulter, les femmes sont souvent accusées d’être à la base du problème dans le couple. Pourtant dans une porpotion plus ou moins grande, l’infertilité secondaire est du fait de l’homme. Elle est alors due à une azoospermie ou absence totale de spermatozoïdes dans l’éjaculation. Il peut arriver également que l’homme ait des infections qui font que les spermatozoïdes n’ont plus une vitalité ou une mobilité normale. Plus cette mobilité et cette vitalité baissent, plus la femme a de problèmes à tomber enceinte. Il peut également arriver que l’affection touche les deux conjoints. Selon l’expert, les statistiques pour ce cas de figure tournent aux alentours de 25 à 35%. Mais de manière générale, il reste primordial de consulter tôt pour un diagnostic rapide et un traitement approprié. «Le traitement de l’infertilité secondaire fait parti de notre lot quotidien et concerne 80% de nos activités au niveau gynécologique. Les femmes et hommes mariés qui sont en âge de procréer, âgés entre 25 et 45 ans, qui ont déjà avortés ou déjà eu un enfant, sont ceux qui viennent nous voir le plus. Mais, il faut qu’on arrête de stigmatiser la femme quand le couple a des problèmes d’enfants.» Une plaidoirie du Docteur Sanoussi qui tombe à pic dans une société où l’infertilité est de facto féminine. Ibrahima s’est longtemps mis la tête dans le sable. 
«Il a fallu que je répudie deux épouses avant de savoir que le problème venait de moi»

A maintenant 35 ans, Ibrahima a fini par se poser et se faire une opinion scientifique de son état de santé. Avant, l’homme n’en démordait pas, s’il n’arrivait pas à toucher du doigt son rêve de famille nombreuse, c’était forcément la faute à ses femmes. Et parce qu’il n’avait pas trouvé la bonne, capable de lui donner une maisonnée de bambins. «A mon premier mariage où je n’ai eu qu’un garçon, je pensais que le problème venait de ma femme. J’avais confiance en mes capacités en tant qu’homme, je ne voyais donc aucune raison d’aller consulter un docteur», s’excuse-t-il. Lorsqu’il décide de divorcer, Ibrahima se sert de la pression familiale et de la particularité des familles maraboutiques à avoir une grande famille. Il ne reste pas longtemps célibataire, mais à son deuxième mariage, toujours pas le bout d’un deuxième enfant à l’horizon. Après quelques temps, il se fait de nouveau une religion, il va devoir divorcer pour en retrouver une autre, plus fertile. Malheureusement, la troisième épouse ne lui apporte toujours pas l’enfant souhaité. Après trois ans de mariage, il se décide alors à faire face au problème. Poussé par sa femme, il consulte un urologue qui lui annonce son infertilité secondaire. «Il m’a dit que j’avais une infertilité secondaire due à des anomalies au niveau des spermatozoïdes», se remémore-t-il tristement, avant de poursuivre : «Il a fallu que je répudie deux épouses pour s’avoir que le problème venait de moi. C’était une situation extrêmement difficile.» En plus de suivre un traitement pour remédier au problème, Ibrahima a décidé de faire amende honorable. Il s’est engagé dans une association qui aide les femmes qui souffrent de stérilité. Juste retour des choses. 

L'observateur
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