Rien ne laissait présager, ce mercredi 26 novembre, que la Guinée-Bissau s’apprêtait à vivre l’un des épisodes les plus déroutants de son histoire récente. En quelques heures, entre tirs sporadiques, annonces contradictoires et messages informels, le pays a basculé dans une situation où réalité et manœuvres politiques semblent se confondre. Au cœur du chaos, un échange téléphonique du président Umaro Sissoco Embaló, passé en plein coup de force, soulève aujourd’hui autant de questions qu’il prétendait en éclairer.
Il est très précisément 13 h 27 quand le président bissau-guinéen appelle François Soudan, le directeur de la rédaction de Jeune Afrique, pour lui annoncer que des militaires ont fait irruption au palais, alors que lui-même se trouvait dans son bureau, et qu’ils l’ont arrêté. Au bout du fil, Umaro Sissoco Embaló semble tendu, affirme qu’il a été emmené dans les locaux de l’état-major et que trois autres personnalités ont été emmenées : le chef d’état-major général des armées, le général Biague Na Ntan, le vice-chef d’état-major, le général Mamadou Touré, et le ministre de l’Intérieur, Botché Candé.
Très vite, il assure que « ce sont les Balantes », qui se trouvent être majoritaires au sein de l’armée alors que lui-même est peul, qui sont derrière ce coup de force. S’il dit ne pas savoir précisément qui est à la tête du putsch, il suggère qu’il pourrait s’agir du chef d’état-major de l’armée de terre, et ajoute que son arrestation intervient alors que la commission électorale s’apprêtait à proclamer sa victoire.
Cet appel du président a fait couler beaucoup d’encre et perçu, par certains, comme la preuve que le « coup d’État » dont se dit alors victime Umaro Sissoco Embaló est suspect. Pourquoi les putschistes lui auraient-ils laissé son téléphone après l’avoir interpellé ? Jeune Afrique n’a bien sûr pas la réponse à cette question, mais il faut se souvenir que, renversé par un coup d’État en juillet 2023, le président nigérien Mohamed Bazoum a pu conserver son smartphone pendant près de trois semaines avant que celui-ci lui soit confisqué. Un laps de temps pendant lequel il n’a eu de cesse d’appeler chefs d’État étrangers, chancelleries et médias pour alerter sur son sort.
Ceux qui connaissent Umaro Sissoco Embaló savent par ailleurs qu’il est sans cesse au téléphone et facilement joignable sur WhatsApp. Jeune Afrique avait ainsi échangé avec lui à plusieurs reprises après la présidentielle du 23 novembre.
« Je suis en large majorité », nous avait-il écrit dès le lendemain du vote, vers 9 heures, promettant un « coup K.-O. dès le premier tour ». Nouvel échange de messages le mercredi 26 novembre, près d’une heure avant son arrestation : « Se dirige-t-on vers un second tour ? » lui demandons-nous alors que les premières tendances, beaucoup moins favorables que ce qu’il escomptait, commencent à fuiter. « Oui », répond-il. Il est 12 h 12.
• Ce qui est en train de se négocier
Ces dernières heures, le président Embaló, qui était toujours en possession de ses moyens de communication, a joint plusieurs de ses pairs, dont le Congolais Félix Tshisekedi, le Tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, le Nigérian Bola Tinubu et le Sierra-Léonais Julius Maada Bio, qui est aussi président en exercice de la Cedeao. Selon nos sources, une médiation serait en cours, menée par ce dernier, visant à obtenir l’exfiltration d’Embaló et de sa famille vers Dakar.
• Quels résultats allaient être annoncés ?
Dans la déclaration lue depuis l’état-major de l’armée dans l’après-midi du 26, les militaires qui ont pris le pouvoir disent avoir découvert « un plan en cours de déstabilisation de [la Guinée-Bissau] en vertu duquel s’est organisé un schéma opérationnel incluant des personnalités politiques nationales avec le concours de barons de la drogue connus, nationaux et étrangers, mais aussi une tentative de manipulation de résultats électoraux ».
Dimanche 23 novembre, les opérations de vote s’étaient globalement déroulées dans le calme, mais en l’absence du principal candidat de l’opposition, Domingos Simões Pereira, empêché de se présenter. Son parti, le puissant Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) avait néanmoins apporté son soutien à un autre candidat, Fernando Dias da Costa, lequel a effectué une percée inattendue dans les dernières semaines de la campagne et paraissait en position de mettre le président sortant en ballottage.
Si les deux camps revendiquaient la victoire avant l’annonce des résultats officiels qui aurait dû avoir lieu ce jeudi, les résultats provisoires compilés par les observateurs de l’Union africaine laissaient entrevoir un duel extrêmement serré et vraisemblablement un second tour. Selon nos informations, seules 11 000 voix séparaient les deux candidats à l’échelle nationale, et c’est l’opposant Dias qui arrivait en tête. Si le déroulé des événements de ce jeudi soulève des questions, outre la curiosité suscitée par l’appel passé à Jeune Afrique, c’est aussi parce que ce n’est pas la première fois que le président dénonçait une tentative de déstabilisation.
La Guinée-Bissau a connu quatre coups d’État et dix-sept tentatives de coup d’État depuis 1980. Umaro Sissoco Embaló lui-même a dit en avoir subi deux, en 2022 (tentative avérée, dont il avait lui-même raconté les détails dans nos colonnes) et en 2023. Sans compter les accusations portées le 31 octobre. Ce jour-là, l’armée avait annoncé avoir arrêté plusieurs officiers supérieurs en lien avec une « tentative de coup d’État pour empêcher la tenue des élections ». Le vice-chef d’état-major avait ajouté que plusieurs hauts gradés étaient en fuite.
Il est très précisément 13 h 27 quand le président bissau-guinéen appelle François Soudan, le directeur de la rédaction de Jeune Afrique, pour lui annoncer que des militaires ont fait irruption au palais, alors que lui-même se trouvait dans son bureau, et qu’ils l’ont arrêté. Au bout du fil, Umaro Sissoco Embaló semble tendu, affirme qu’il a été emmené dans les locaux de l’état-major et que trois autres personnalités ont été emmenées : le chef d’état-major général des armées, le général Biague Na Ntan, le vice-chef d’état-major, le général Mamadou Touré, et le ministre de l’Intérieur, Botché Candé.
Très vite, il assure que « ce sont les Balantes », qui se trouvent être majoritaires au sein de l’armée alors que lui-même est peul, qui sont derrière ce coup de force. S’il dit ne pas savoir précisément qui est à la tête du putsch, il suggère qu’il pourrait s’agir du chef d’état-major de l’armée de terre, et ajoute que son arrestation intervient alors que la commission électorale s’apprêtait à proclamer sa victoire.
Cet appel du président a fait couler beaucoup d’encre et perçu, par certains, comme la preuve que le « coup d’État » dont se dit alors victime Umaro Sissoco Embaló est suspect. Pourquoi les putschistes lui auraient-ils laissé son téléphone après l’avoir interpellé ? Jeune Afrique n’a bien sûr pas la réponse à cette question, mais il faut se souvenir que, renversé par un coup d’État en juillet 2023, le président nigérien Mohamed Bazoum a pu conserver son smartphone pendant près de trois semaines avant que celui-ci lui soit confisqué. Un laps de temps pendant lequel il n’a eu de cesse d’appeler chefs d’État étrangers, chancelleries et médias pour alerter sur son sort.
Ceux qui connaissent Umaro Sissoco Embaló savent par ailleurs qu’il est sans cesse au téléphone et facilement joignable sur WhatsApp. Jeune Afrique avait ainsi échangé avec lui à plusieurs reprises après la présidentielle du 23 novembre.
« Je suis en large majorité », nous avait-il écrit dès le lendemain du vote, vers 9 heures, promettant un « coup K.-O. dès le premier tour ». Nouvel échange de messages le mercredi 26 novembre, près d’une heure avant son arrestation : « Se dirige-t-on vers un second tour ? » lui demandons-nous alors que les premières tendances, beaucoup moins favorables que ce qu’il escomptait, commencent à fuiter. « Oui », répond-il. Il est 12 h 12.
• Ce qui est en train de se négocier
Ces dernières heures, le président Embaló, qui était toujours en possession de ses moyens de communication, a joint plusieurs de ses pairs, dont le Congolais Félix Tshisekedi, le Tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, le Nigérian Bola Tinubu et le Sierra-Léonais Julius Maada Bio, qui est aussi président en exercice de la Cedeao. Selon nos sources, une médiation serait en cours, menée par ce dernier, visant à obtenir l’exfiltration d’Embaló et de sa famille vers Dakar.
• Quels résultats allaient être annoncés ?
Dans la déclaration lue depuis l’état-major de l’armée dans l’après-midi du 26, les militaires qui ont pris le pouvoir disent avoir découvert « un plan en cours de déstabilisation de [la Guinée-Bissau] en vertu duquel s’est organisé un schéma opérationnel incluant des personnalités politiques nationales avec le concours de barons de la drogue connus, nationaux et étrangers, mais aussi une tentative de manipulation de résultats électoraux ».
Dimanche 23 novembre, les opérations de vote s’étaient globalement déroulées dans le calme, mais en l’absence du principal candidat de l’opposition, Domingos Simões Pereira, empêché de se présenter. Son parti, le puissant Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) avait néanmoins apporté son soutien à un autre candidat, Fernando Dias da Costa, lequel a effectué une percée inattendue dans les dernières semaines de la campagne et paraissait en position de mettre le président sortant en ballottage.
Si les deux camps revendiquaient la victoire avant l’annonce des résultats officiels qui aurait dû avoir lieu ce jeudi, les résultats provisoires compilés par les observateurs de l’Union africaine laissaient entrevoir un duel extrêmement serré et vraisemblablement un second tour. Selon nos informations, seules 11 000 voix séparaient les deux candidats à l’échelle nationale, et c’est l’opposant Dias qui arrivait en tête. Si le déroulé des événements de ce jeudi soulève des questions, outre la curiosité suscitée par l’appel passé à Jeune Afrique, c’est aussi parce que ce n’est pas la première fois que le président dénonçait une tentative de déstabilisation.
La Guinée-Bissau a connu quatre coups d’État et dix-sept tentatives de coup d’État depuis 1980. Umaro Sissoco Embaló lui-même a dit en avoir subi deux, en 2022 (tentative avérée, dont il avait lui-même raconté les détails dans nos colonnes) et en 2023. Sans compter les accusations portées le 31 octobre. Ce jour-là, l’armée avait annoncé avoir arrêté plusieurs officiers supérieurs en lien avec une « tentative de coup d’État pour empêcher la tenue des élections ». Le vice-chef d’état-major avait ajouté que plusieurs hauts gradés étaient en fuite.
