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Dialogue politique au Sénégal : tout ça pour ça ?

Vendredi 9 Juillet 2021

À six mois des élections locales, l’Assemblée nationale s’apprête à examiner le projet de réforme du code électoral. Sans surprise, les principaux points de discorde entre l’opposition et la majorité restent inchangés.

La réforme avait été annoncée à l’issue d’un conseil des ministres exceptionnel, convoqué lundi 5 juillet par le président Macky Sall. Deux jours plus tard, la centaine de pages constituant le projet de loi de réforme du code électoral arrivait à l’Assemblée. Après un passage en commission technique, le texte devrait être voté en plénière au début de la semaine prochaine.

Une procédure accélérée qui permettrait au Sénégal d’être dans les temps, selon les conditions fixées par la Cedeao, avant le scrutin local du 23 janvier prochain, déjà plusieurs fois reporté. Les dispositions visant à modifier le code électoral, elles, sont discutées depuis de longs mois entre la majorité, l’opposition et la société civile. Depuis le lancement officiel du dialogue national, en mai 2019, les tractations politiques sont abordées au sein d’une commission spéciale.

« Les consensus enregistrés [au cours de ces discussions], les recommandations issues des missions d’audit du fichier et de l’évaluation du processus électoral ont conduit au réaménagement et à la réécriture de plusieurs dispositions de la loi électorale », fait valoir le projet de loi que JA s’est procuré. Mais plusieurs observateurs évoquent un « toilettage technique » du code, plutôt que la refonte en profondeur qu’espérait l’opposition.

Points de discorde
« Le président a arbitré dans le sens de la majorité, regrette Saliou Sarr, représentant de l’opposition au sein du dialogue politique. Plutôt que d’endosser son costume de chef de l’État, il a choisi celui de chef de parti. »

Plusieurs points cruciaux avaient en effet été présentés au président pour « arbitrage », car ils n’avaient pas fait l’objet de consensus entre opposition et majorité au cours du dialogue. Parmi eux, la suppression ou la modification des parrainages pour l’élection présidentielle, considérés comme un « véritable obstacle à la liberté et au secret de l’exercice du droit de vote » et « une sérieuse atteinte au droit de participer aux élections » par la Cedeao.

Dans un arrêt – non contraignant – rendu le 28 avril dernier, la Cour de justice de la communauté régionale portait un coup sévère au code électoral sénégalais et « ordonnait » au Sénégal de supprimer le système de parrainage. De toute évidence, la version du code 2021 ne prendra pas en compte l’avis de la Cour.


« Nulle part il n’y a eu blocage de libre participation à l’élection [en 2019], justifie Luc Sarr, cadre de l’Alliance pour la République (APR, parti présidentiel). Pour ce proche de Macky Sall, il n’est pas question de remettre en question le parrainage, « du moins pas avant que l’on ne parvienne à rationaliser le nombre de partis politiques au Sénégal », qui sont aujourd’hui environ 300.

Autre point éminemment politique et « grosse attente » de l’opposition : les articles L31 et L32, base de l’inégibilité des opposants Karim Wade et Khalifa Sall. Dans un rapport d’évaluation du processus électoral, les experts recommandaient la suppression ou la modification de ces articles. Là encore, le chef de l’État aura tranché à l’encontre des observations des experts, maintenant en l’état les dispositions de ces articles.

« Pourtant, les experts mandatés avaient conforté nos positions par rapport à ces points, regrette aujourd’hui Saliou Sarr. Il en est de même pour les bulletins uniques [l’opposition et la société civile militaient pour l’impression de bulletins uniques dans les bureaux de vote pour simplifier le processus électoral, réduire les dépenses et assurer plus de transparence lors des scrutins], le niveau de caution que nous souhaitions diminuer et la question de l’organe chargé des élections. »

Un « gâchis »
Dans le nouveau code prévu par l’exécutif, l’organisation des élections reste également à la charge du ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diome, qui a sous sa tutelle la Direction générale des élections. « Des propositions avaient pourtant été faites pour que soit mise en place une délégation générale aux élections, plus autonome, précise Ababacar Fall, le secrétaire général du Groupe de recherche et d’appui-conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec). Abdoulaye Wade l’avait bien fait alors qu’il était au pouvoir, lorsque son ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom concentrait les griefs de l’opposition… Aujourd’hui, Diome est vu comme un homme à la solde du président, et beaucoup lui reprochent son rôle dans la chute de Karim Wade et de Khalifa Sall. Aller à des élections organisées par un homme qui suscite aussi peu de confiance, c’est vraiment un problème. »


Dans les rangs de l’opposition, le constat est amer : « C’est Macky Sall lui-même qui nous a invité au dialogue. Au final, il nous a mobilisé pendant deux ans, le travail des experts a coûté plus de 200 000 millions de FCFA… Mais il a préféré ignorer les recommandations », déplore Saliou Sarr. « Après deux longues années de concertation, le report des élections locales, deux missions d’audit… Quel gâchis », renchérit l’expert électoral Ndiaga Sylla.

AU FINAL, ON A FILÉ LA PATATE CHAUDE AU PRÉSIDENT

Côté majorité, on préfère bien sûr se concentrer sur les points de consensus pris en charge par le projet de loi, notamment le choix de désigner les maires au suffrage universel direct, ou la suppression des parrainages pour les locales.

« La commission politique n’avait pas les prérogatives pour décider de certaines questions, quand elles faisaient l’objet de divergences franches, ajoute Luc Sarr, le conseiller de Macky Sall. Au final, on a filé la patate chaude au président et c’était à lui de trancher. »


« Les experts font des recommandations et les politiques décident, ajoute Issaga Kampo, qui dirigeait la la mission d’audit dont le rapport a été remis en mai dernier. Mais le Sénégal ne semble pas vouloir aller vers des changements en profondeur. Pourtant, nos propositions auraient permis de décrisper le climat politique, car le plus important dans une élection, c’est que le processus soit accepté par les acteurs. »


Jeune Afrique 
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