Trafic de cocaïne : Embaló rattrapé par de lourdes accusations en Guinée-Bissau

Samedi 6 Décembre 2025

La Guinée-Bissau continuerait d’être profondément infiltrée par les réseaux internationaux de la cocaïne, malgré les promesses répétées de rupture de la part des dirigeants successifs. À son entrée en fonction, le président par intérim, le général Horta N’Tam, avait assuré vouloir instaurer une “tolérance zéro” contre la corruption et le trafic de drogue. Mais une enquête de la Deutsche Welle (DW) viendrait contredire cette version officielle, en pointant du doigt un appareil politique et militaire longtemps soupçonné d’entretenir des connexions avec les cartels.


Selon la DW, toute personne tentant de dénoncer les liens présumés entre pouvoir et criminalité organisée évoluerait dans un climat de forte intimidation. Les experts et initiés politiques interrogés – la plupart sous couvert d’anonymat – décrivent un État où la frontière entre autorités et réseaux mafieux serait devenue presque indissociable. Pour de nombreux analystes, la Guinée-Bissau resterait l’une des principales plaques tournantes de la cocaïne sud-américaine vers l’Europe. Des estimations évoquent deux à trois tonnes de drogue transitant chaque mois, générant des profits vertigineux qui dépasseraient largement le budget annuel de l’État.


La campagne électorale de novembre 2025 avait déjà attiré l’attention par son faste inhabituel : véhicules de luxe, événements grandioses, production audiovisuelle coûteuse. Une opulence totalement disproportionnée avec les moyens officiels des partis.

La question centrale demeure : qui a financé ces campagnes ?

Selon Lucia Bird, experte de Global Initiative Against Transnational Crime, l’argent de la cocaïne aurait alimenté plusieurs candidatures, transformant les élections en véritables investissements pour les cartels.

« L'argent de la cocaïne est investi depuis longtemps dans les élections en Guinée-Bissau (…) En échange, les politiciens promettent soutien et protection aux trafiquants », explique-t-elle à la DW.

Ces pratiques auraient été observées sous plusieurs gouvernements, alimentant l’idée d’un système enraciné plutôt que d’un phénomène ponctuel.

Parmi les voix les plus critiques figure Armando Lona, coordinateur de l’organisation de défense des droits humains Frente Popular. Il affirme que le régime du président déchu Umaro Sissoco Embaló aurait contribué à renforcer les réseaux criminels durant son mandat.

Selon lui : des saisies majeures de drogue auraient eu lieu sous Embaló, dont une interception en 2024 de près de trois tonnes à l’aéroport international ;

cette opération n’aurait été possible que grâce à l’intervention d’agences étrangères, notamment la DEA américaine ; Embaló n’aurait pas été un “bon exemple” dans la lutte contre le narcotrafic. Lona va plus loin, affirmant que les militaires ayant pris le pouvoir en novembre 2025 ne seraient pas totalement indépendants des réseaux établis sous le mandat précédent :

« Ce groupe n’a ni l’autonomie ni les capacités nécessaires pour lutter contre les cartels », avance-t-il.
Ces accusations n’ont pas été confirmées par des sources judiciaires et restent sujettes à caution. Lucia Bird appelle d’ailleurs à la prudence, estimant qu’il est “trop tôt” pour juger la rupture ou la continuité entre l’ancien et le nouveau régime.

Un retour aux “anciens schémas” ?

Plusieurs experts, dont un ancien enquêteur d’Interpol cité anonymement par la DW, évoquent un retour inquiétant aux schémas historiques où pouvoir politique, forces armées et trafic de drogue évolueraient dans un écosystème commun. Ceux qui dénoncent publiquement ces liens s'exposeraient à de sérieux risques personnels.

Une longue histoire d’implication des élites

Le pays a déjà été secoué par des affaires retentissantes, dont : “Bacaizinho”, fils d’un ancien président, condamné aux États-Unis pour trafic international de drogue ; Bubo Na Tchuto, ex-chef de la marine, arrêté par la DEA en 2013 dans une opération spectaculaire ; les assassinats de Nino Vieira et du général Tagme Na Waie en 2009, souvent associés à des rivalités autour du trafic.



Malgré les promesses de rupture du nouveau pouvoir militaire, les doutes persistent. Entre les profits colossaux générés par la cocaïne et l’enracinement profond des réseaux, de nombreux observateurs s’interrogent : la Guinée-Bissau peut-elle réellement se défaire de son étiquette de “narco-État” ?
Pour Armando Lona, la réponse serait claire : « Les autorités internationales savent très bien qui lutte réellement contre le trafic de drogue et qui ne le fait pas. »
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