Somalie : manifestations contre la reconnaissance du Somaliland par Israël

Mardi 30 Décembre 2025

 
La décision annoncée le 26 décembre par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu constitue un tournant diplomatique sans précédent dans la Corne de l’Afrique. Pour la première fois depuis sa proclamation unilatérale d’indépendance en 1991, le Somaliland a obtenu une reconnaissance officielle de la part d’un État, une initiative qui a immédiatement suscité une vive indignation à Mogadiscio et bien au-delà des frontières somaliennes.
Cette reconnaissance, perçue comme une atteinte directe à l’intégrité territoriale de la Somalie, a provoqué une mobilisation nationale d’ampleur. Dans la capitale, Mogadiscio, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés dans un stade, brandissant des drapeaux somaliens et palestiniens en signe de solidarité. Des rassemblements similaires ont été signalés à Lascanod, dans le nord-est du pays, à Guriceel au centre, ainsi qu’à Baidoa, dans le sud-ouest.
Au stade de Mogadiscio, l’imam Dahir Imam Mohamud s’est adressé à la foule dans un discours aux accents à la fois religieux et politiques. « Le peuple somalien est un, nous sommes un peuple uni par Dieu, indépendamment de notre origine ethnique, de notre religion, de notre couleur de peau », a-t-il déclaré, avant de lancer une mise en garde appuyée : « Ne croyez pas aux mensonges d’un criminel aux mains tachées de sang, qui a assassiné le peuple palestinien. »
À Baidoa, la colère des manifestants s’est également exprimée à travers des voix plus jeunes. Suleka Maadey, étudiante, a appelé à un retrait pur et simple de la décision israélienne. « Nous demandons au Premier ministre israélien de retirer sa prétendue reconnaissance, car elle est vaine », a-t-elle affirmé devant la presse.
Sur le plan diplomatique, la réaction des autorités somaliennes ne s’est pas fait attendre. Le président Hassan Cheikh Mohamoud a dénoncé « la plus grande des violations contre la souveraineté de la Somalie » et qualifié cette reconnaissance de « menace pour la sécurité et la stabilité du monde et de la région ». Au moment des manifestations, le chef de l’État somalien se trouvait en déplacement officiel en Turquie, un allié stratégique de Mogadiscio, notamment sur les questions sécuritaires et diplomatiques.
Au-delà de la Somalie, la décision israélienne a suscité l’indignation dans de nombreux pays africains et du monde musulman, qui y voient une ingérence dans les affaires intérieures somaliennes et un précédent dangereux pour la stabilité régionale.
Le Somaliland, situé dans le nord du pays, fonctionne de facto comme un État indépendant depuis plus de trente ans. Doté de ses propres institutions, d’une monnaie, d’une armée et d’une police, il s’est séparé de la Somalie en 1991, dans le sillage de l’effondrement du régime militaire de Siad Barre et du chaos qui s’en est suivi. Contrairement au reste du pays, encore confronté à l’insurrection islamiste des shebab et à des crises politiques récurrentes, le Somaliland a longtemps mis en avant sa relative stabilité et son processus démocratique interne.
Cependant, l’absence de reconnaissance internationale a maintenu ce territoire dans un isolement politique et économique, malgré sa position stratégique à l’entrée du détroit de Bab-el-Mandeb, l’un des couloirs maritimes les plus fréquentés au monde, reliant l’océan Indien au canal de Suez.
La reconnaissance du Somaliland par Israël, première du genre depuis plus de trois décennies, ouvre ainsi une nouvelle séquence diplomatique aux conséquences potentiellement lourdes pour l’équilibre déjà fragile de la Corne de l’Afrique, ravivant les tensions autour de la souveraineté somalienne et redessinant les lignes de fracture géopolitiques dans la région.
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