Quand les castings des séries télévisées font courir les jeunes filles

Lundi 14 Décembre 2020

En plus de divertir les Sénégalais, les productions de séries télévisées font émerger de nouveaux talents qui, aujourd’hui, sont devenus des «stars» du petit écran. Beaucoup de jeunes qui les suivent, pensent qu’intégrer ces films est le moyen le plus rapide pour atteindre les sommets de la gloire. Les castings font courir des milliers de candidats qui veulent, à tout prix, tenir un rôle dans une série. Ce qui relègue au second plan le côté professionnel.


Un vent de révolution s’est emparé de l’audiovisuel sénégalais depuis maintenant plus de deux ans. La prolifération des séries télévisées a complètement bouleversé les programmes des télévisions nationales. La tendance est telle qu’aujourd’hui, presque chaque chaîne à sa ou ses propres séries avec souvent une diffusion en prime time suscitant la fougue des annonceurs. Les productions augmentent de jour en jour.

Chaque maison de production, pour être leader dans le domaine, propose des contenus les uns plus intéressants que les autres. Mais dans cet écosystème en pleine floraison, les castings font l’objet d’une forte convoitise. Récemment, la société de production Marodi a été envahie par des milliers de candidats après un appel à candidatures pour un méga casting. Face à l’absence de sécurité pour gérer les milliers de postulants, l’évènement a été tout bonnement annulé. Actuellement, les castings font courir beaucoup de jeunes dont le rêve est de tenir un rôle dans un film, surtout chez certaines filles qui veulent devenir des interprètes à tout prix.

Pour certaines, il s’agit d’une belle opportunité de se faire connaître, mais pour d’autres comme Amy Faye, c’est une passion.  «J’ai intégré le milieu cinématographique grâce à ma grande sœur qui est réalisatrice. J’allais partout avec elle et c’est là que j’ai commencé à mûrir le désir de devenir actrice», explique-t-elle. Amy confesse avoir subi de la discrimination dans certains castings à cause de son voile.  «Au début, c’était très difficile pour moi parce que je participais à beaucoup de castings, mais il n’y avait pas de suite. Beaucoup de personnes m’ont rejetée parce que j’étais une fille voilée», poursuit l’actrice en herbe. Selon elle, quand on lui demandait d’enlever son voile, elle refusait catégoriquement. «Ils me renvoyaient en disant que je ne pourrai pas devenir une bonne actrice en me fixant des limites. En un moment, j’ai pensé à abandonner, mais ma sœur m’en a dissuadée», soutient-elle. Aujourd’hui, Amy Faye a pu réaliser son rêve, en jouant un rôle dans l’une des séries les plus suivies actuellement.

Une chance que Fanta n’a pas eue.  «Je suis allée plusieurs fois à des castings, mais rien jusqu’à présent. Je pense que c’est peut-être parce que je ne suis pas aussi belle que ces filles que je rencontre pendant ces auditions ou que je n’accepte pas certaines propositions indécentes qu’on me fait», regrette-t-elle. Pour la jeune femme, ce milieu est un cercle vicieux. «Les gens préfèrent la beauté au talent, c’est pourquoi j’ai abandonné l’idée de devenir interprète», renchérit la jeune fille avec une once de contrariété.

LES BELLES FILLES ONT LA COTE…

Dans beaucoup de séries télévisées, l’on remarque que ce sont les jolies filles qui sont mises au-devant de la scène. Le réalisateur Moustapha Fall explique que c’est plus par marketing qu’autre chose. «Certaines maisons de production fonctionnent comme ça. Elles pensent que pour gagner de l’audience, il faut qu’une belle fille joue le rôle principal. C’est une sorte d’objet marketing et beaucoup de ces actrices ne procurent aucune émotion dans leur jeu», souligne-t-il. De son point de vue, il s’agit d’une manière de pousser les personnes à suivre la série.

Pape Abdoulaye Seck est très connu dans le milieu de l’audiovisuel pour avoir réalisé des publicités et des séries télévisées et films parmi lesquelles «Sagar» et «Golden».  «D’habitude, je m’éloigne des castings, mais il m’arrive de faire des castings ciblés et là, c’est moi qui vais personnellement m’en occuper. Je sais exactement de quel type de personne j’ai besoin pour jouer le rôle et ça reste strictement professionnel parce que je mets des barrières», détaille-t-il.

Pape explique que ces filles qui pensent que devenir actrice est le moyen le plus rapide pour se faire un nom, se trompent.  «Actuellement, la compétition est serrée car le nombre de personnes qui font les castings est explosif. Nous avons besoin de professionnels et non de gens qui veulent juste être populaires. Il faut que ces filles croient en leur potentiel et qu’elles se fassent valoir», avance-t-il.

 Un avis largement partagé par Moustapha Fall pour qui le cinéma n’est pas un jeu.  «Devenir actrice est maintenant une tendance pour beaucoup de filles parce qu’elles pensent que c’est le meilleur moyen pour atteindre la célébrité. Lors des castings, on voit du n’importe quoi. Certaines créent toujours des tensions pour se faire remarquer par celui qui s’occupe de l’audition. Mais, nous gérons cela, car nous savons ce que nous voulons», clarifie Moustapha qui rajoute que la beauté ne suffit pas seulement pour être une bonne actrice, mais il faut une bonne formation et beaucoup de patience. «Les filles doivent arrêter d’entrer dans la mouvance, c’est-à-dire vouloir devenir actrice dans le but simplement d’être célèbre. Le cinéma doit avant tout être une passion. Je pense que certaines gagneraient à prendre le temps de se former pour améliorer leur jeu et surtout à être patientes et sérieuses pour percer», relève-t-il.

UN MOYEN POUR CERTAINES DE VIVRE DANS LE LUXE

Dans le métier depuis plusieurs années, Yacine Sané revient un peu sur les causes de cette nouvelle tendance.  «La célébrité, la gloire, le fait de devenir riche sont, en effet, le rêve de toutes les filles. Elles pensent qu’en devenant actrices, elles pourront jouir de tous ces avantages, ce qui est une erreur, car n’est pas acteur qui veut. Le talent est inné et on le parfait au fil du temps. Si on veut devenir acteur sans talent, le réveil sera brutal», avertit l’actrice qui recommande aux filles de se rapprocher des professionnels du métier pour acquérir les fondamentaux. «Tout métier a une technique. Si le talent et la technique se retrouvent, on se fait remarquer facilement et bonjour le succès. Au lieu de squatter les castings à longueur de temps, les jeunes devraient aller vers les acteurs confirmés qui dispensent des ateliers d’actorat sinon elles ne feront pas long feu dans ce métier», alerte Yacine.

CACHETS DES ACTEURS

Malgré le foisonnement de séries télévisées, beaucoup sont ceux qui se plaignent de la rémunération. Amy Faye pense que c’est la faute de ces acteurs qui sont tellement obsédés par la célébrité au point qu’ils acceptent tout ce qu’on leur propose. «D’abord, le premier problème, c’est qu’un acteur doit impérativement avoir un manager qui le conseille et le guide, seulement le rêve d’être de célébrité prime sur leur raison. On leur donne un contrat qu’ils s’empressent de signer, ignorant ce qui y est inscrit», observe-t-elle.

Pour Yacine Sané, le salaire d’un novice ne peut égaler celui d’un professionnel, donc il est normal qu’il y ait des écarts salariaux. «Dans le cinéma, les acteurs sont bien payés moyennant une somme fixe par jour. Par contre, avec les nouvelles séries, il faut être célèbre pour pouvoir prétendre à un bon cachet. Les novices devront se contenter d’une petite somme en attendant d’avoir l’expérience requise pour s’imposer et réclamer une rémunération digne de ce nom», rappelle-t-elle.

 De son côté, Pape Abdoulaye Seck estime que les salaires dépendent des productions et des rôles interprétés. «On peut dire que les salaires mensuels minimums varient entre 75 000 et 150 000 FCfa, selon les productions. Cela dépend aussi des rôles (principal ou second). Par exemple, s’il s’agit d’un projet de long métrage, un acteur est payé selon le nombre de jours de présence. Il peut se retrouver entre 100.000 FCfa et 150.000 FCfa par jour. S’il s’agit des séries, les cachets peuvent aller de 150.000 FCfa à 600.000 FCfa», renseigne-t-il non sans préciser qu’il existe des acteurs qui perçoivent beaucoup plus.


Soleil.sn
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