Noël 2025 : les évêques du Sénégal appellent à la paix, à la réconciliation

Mercredi 24 Décembre 2025

En ce temps de Noël 2025, les évêques du Sénégal ont délivré des messages qui résonnent comme un appel pressant à la paix, à la réconciliation et à l’espérance. De Dakar à Ziguinchor, en passant par Thiès et Kolda, les pasteurs de l’Église catholique sénégalaise ont saisi l’occasion de la naissance du Christ pour interpeller les fidèles et l’ensemble de la société sur les défis qui traversent le pays.

Le lundi 23 décembre, Mgr André Guèye, archevêque de Dakar, a prononcé son message de Noël en invitant les fidèles à accueillir le message paisible de la Nativité. S’adressant aux « frères et sœurs en Christ, amis croyants, hommes et femmes de bonne volonté », le prélat a souligné que Noël révèle « la plénitude de l’amour de Dieu qui est déjà venu, prenant notre condition de chair, en l’Enfant Jésus ».

Pour l’archevêque, la paix annoncée par les anges, « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime », concerne aussi bien le cœur de chaque personne que la société dans son ensemble. « Noël qui révèle la gloire de Dieu dans l’humilité de l’enfant qui naît, Noël donc rime avec la paix et fait naître l’espérance d’une paix véritable dans les cœurs, dans les familles, dans la société, dans notre pays et dans le monde, une paix fruit de la justice et de la vérité, une paix renforcée et pérennisée par le pardon et la miséricorde », a-t-il déclaré.

Dans une analyse lucide de la situation nationale, Mgr Guèye a évoqué les besoins de paix à plusieurs niveaux. Il a mentionné la Casamance où le chef de l’État a lancé un appel à la réconciliation, les tensions sociales marquées par la violence physique, verbale et numérique, les acteurs politiques appelés à privilégier le dialogue, les frontières qui réclament vigilance et prière pour la sécurité, les écoles et universités où la concertation doit primer sur la confrontation, l’océan menacé par la migration irrégulière, ainsi que les catastrophes naturelles liées aux changements climatiques. L’archevêque a ensuite interpellé les chrétiens sur leur responsabilité personnelle : « Il nous faut tout d’abord accueillir ce message paisible de Noël, par lequel Dieu offre de nouveau à chacun et à chacune d’entre nous sa paix, pour nous réconcilier avec nous-mêmes, lorsque nous sommes en guerre contre nous-mêmes, pour nous réconcilier avec Dieu lui-même, lorsque, en tant que croyants, nous nous laissons aller dans les ténèbres du mal, au lieu de marcher dans la lumière de son amour, pour nous réconcilier avec les autres, dans la famille, au bureau, au marché, dans le quartier, et ailleurs ».

Par ailleurs, le prélat a particulièrement sensibilisé sur la sobriété, citant le pape Léon XIV qui invite à limiter les dépenses de Noël pour penser aux autres, aux plus pauvres et aux plus vulnérables. Il a invité à prier pour les enfants qui n’auront aucun cadeau et pour ceux affectés par la misère et la guerre.

Le lendemain, mardi 23 décembre, Mgr Albert Sène, administrateur diocésain de Thiès, a centré son message sur deux symboles forts de Noël : la lumière et les cadeaux. « Ils ne sont pas de simples éléments décoratifs ou traditionnels. Ils expriment en profondeur le sens même de Noël et le mystère que nous célébrons », a expliqué le prêtre.

S’appuyant sur la prophétie d’Isaïe, « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière », Mgr Sène a rappelé que cette clarté a un visage : Jésus. « Jésus est cette lumière donnée par Dieu à l’humanité. Il est lumière parce qu’il nous révèle le vrai visage de Dieu : non pas un Dieu lointain, violent ou vengeur, mais un Dieu proche, humble et plein de miséricorde », a-t-il affirmé.

Sans détour, l’administrateur diocésain a évoqué les réalités difficiles que traverse le Sénégal : « Notre pays, le Sénégal traverse plusieurs ténèbres, ténèbres idéologiques, où les repères se brouillent et où les discours opposent au lieu de rassembler. Ténèbres politiques, marquées par la méfiance, les tensions, les divisions et parfois la violence. Ténèbres sociales, faites de chômage des jeunes, de cherté de la vie, de pauvreté persistante, de précarité des familles et de découragement ».

Face à ces obscurités, Mgr Sène a proclamé une vérité d’espérance : « Noël nous dit avec force : aucune obscurité n’est trop profonde pour la lumière de Dieu. Là où Jésus est accueilli, la nuit recule ».

Concernant le symbole des cadeaux, le responsable diocésain a souligné que Dieu nous a fait le plus grand des présents en donnant son Fils : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. À Noël, Dieu ne nous donne pas quelque chose. Il se donne lui-même ».

Mgr Sène a ensuite traduit ce message en interpellations concrètes pour la société sénégalaise : « Quand la vie politique devient un champ de bataille, Noël rappelle que le vrai pouvoir est le service. Quand la société est tentée par l’exclusion et la stigmatisation, Noël rappelle que le vrai leadership est le don de soi. Quand l’économie oublie l’homme, Noël rappelle que la richesse véritable est le partage ».

Le matin du 24 décembre, l’évêché de Ziguinchor a vécu un moment chargé de symboles. La célébration de l’arbre de Noël organisée pour les enfants a coïncidé avec la visite du président de la République, Bassirou Diomaye Faye, en tournée économique en Casamance.

Accueilli par Mgr Jean-Baptiste Valter Manga, le chef de l’État a participé à cette fête dans une atmosphère de convivialité et de fraternité. De nombreux enfants, rassemblés pour célébrer Noël à l’évêché, ont offert un bouquet de fleurs au président, geste simple mais lourd de sens dans cette région marquée par des décennies de tensions. La rencontre s’est poursuivie par un entretien en tête-à-tête entre le président et le prélat sur les questions de paix et de réconciliation en Casamance.

Après le départ du chef de l’État, Mgr Manga a délivré son message de Noël, saluant chaleureusement cette présence présidentielle qui a donné à cette célébration « une portée toute particulière ».

L’évêque a exprimé sa « profonde gratitude pour l’honneur » fait à l’Église diocésaine, qualifiant cette visite de « signe fort d’attention, de proximité et de considération envers les populations de cette région, et plus largement envers toutes les communautés qui aspirent à la paix, à la stabilité et à l’espérance ».

Établissant un lien direct entre le message de Noël et l’appel présidentiel à la réconciliation, Mgr Manga a déclaré : « Le message que nous portons aujourd’hui rejoint profondément l’appel que vous avez lancé en faveur de la réconciliation, du vivre-ensemble et de la cohésion nationale. L’Enfant Jésus que nous nous apprêtons à célébrer cette nuit ne vient pas avec des armes ni avec des discours de division, il vient désarmer les cœurs, ouvrir des chemins de dialogue et rappeler que la paix commence toujours par la reconnaissance de l’autre comme un frère ou une sœur ».

S’adressant particulièrement aux enfants qui avaient accueilli le président, le prélat a souligné leur place centrale dans la célébration : « Chers enfants, je suis particulièrement heureux de vous voir si nombreux ce matin. Cette rencontre autour de l’arbre de Noël est d’abord pour vous. Vous êtes la joie de cette journée, vous êtes la promesse de demain. Noël vous appartient d’une manière toute spéciale, car Jésus est venu au monde comme vous : petit, fragile, confiant ».

Faisant de la présence des enfants un appel à la responsabilité collective pour bâtir la paix, Mgr Manga a ajouté : « En vous regardant, nous comprenons mieux pourquoi nous devons travailler sans relâche pour bâtir un avenir de paix. Un avenir où chaque enfant peut grandir dans la sécurité, aller à l’école, rêver, jouer et espérer. Vous nous rappelez que la paix n’est pas une idée abstraite, mais une responsabilité concrète envers les générations futures ».

S’adressant directement au président qui venait de quitter l’évêché, l’évêque a souligné : « Monsieur le Président, votre présence parmi ces enfants, à la veille de Noël, est un message en soi. Elle dit que la paix se construit aussi par des gestes simples, par la proximité, par l’écoute et par l’attention portée aux plus petits. C’est souvent par eux que Dieu nous parle le plus clairement ».

Avant de conclure, Mgr Manga a formulé un vœu d’espérance : « Je formule le vœu que Noël 2025 soit pour notre pays un temps de renouveau, de confiance retrouvée et d’engagement renouvelé en faveur de la paix durable. Que chacun, à son niveau, accepte d’être artisan de réconciliation, semeur d’espérance et bâtisseur de fraternité ».

Cette rencontre entre l’autorité religieuse et l’autorité politique, à la veille de Noël et dans le contexte casamançais, revêt une dimension symbolique forte. Elle témoigne d’une volonté partagée de dialogue et de recherche de solutions durables pour la paix dans cette région qui aspire à la réconciliation.

De son côté, Mgr Jean-Pierre Bassène, évêque de Kolda, a placé son message sous le signe de l’universalité et de la diversité. « C’est Noël, cet événement majeur du calendrier chrétien, car marquant la naissance de Jésus Christ, « Dieu-avec-nous », accomplissement de l’attente millénaire d’un Sauveur pour toute l’humanité », a-t-il rappelé.

Le prélat a insisté sur la dimension permanente du message de Noël : « C’est encore Noël, ce jour, qui se prolonge en temps de grâces et de bénédictions où, unissant nos cœurs et nos efforts pour l’avènement d’un monde plus juste et plus fraternel, nous sommes invités à re-découvrir la beauté et l’urgente nécessité de la solidarité et du partage ».

Formulant un souhait audacieux, Mgr Bassène a déclaré : « Plaise à Dieu qu’il soit chaque jour Noël, parce que hommes, femmes, jeunes gens et enfants de tous horizons, et goûtant sans cesse au fruit savoureux de la diversité, sous toutes ses formes, nous œuvrons ensemble à hâter l’avènement du Règne de Dieu, un Règne où l’homme est élevé à sa dignité la plus grande ».

Son message se termine par un vœu de paix pour le Sénégal : « Que Jésus, l’Enfant de la crèche et le Prince de la paix, apporte paix et sérénité à nos cœurs, à nos familles et à notre cher pays, le Sénégal ».

L’analyse de ces quatre messages révèle une remarquable convergence thématique et pastorale. Les pasteurs sénégalais partagent le même diagnostic sur les maux qui affligent le pays : tensions politiques, violence sociale, précarité économique, chômage des jeunes, divisions idéologiques. Tous situent le mystère de Noël non comme une évasion spirituelle, mais comme une lumière qui éclaire et interpelle les réalités concrètes. La paix annoncée par les anges n’est pas abstraite, elle se décline en réconciliation personnelle, familiale, sociale et politique.

Les responsables de l’Église catholique sénégalaise ont choisi de ne pas se cantonner à un discours purement théologique. Ils ont pris position sur les questions qui préoccupent les citoyens : la cohésion nationale, le dialogue politique, la justice sociale, la protection de l’enfance, la solidarité avec les plus vulnérables. La présence du président de la République à l’évêché de Ziguinchor lors de la célébration de l’arbre de Noël témoigne d’une volonté de dialogue entre l’État et les autorités religieuses, dans un contexte où la recherche de la paix en Casamance demeure un enjeu national majeur.

Au-delà du diagnostic, les prélats ont lancé un appel pressant à la conversion personnelle et collective. Mgr Guèye invite à la réconciliation avec soi-même, avec Dieu et avec les autres. Mgr Sène exhorte à accueillir la lumière de Dieu pour devenir « des porteurs de lumière, des témoins d’amour et des artisans de paix ». Mgr Manga rappelle que « la paix se construit aussi par des gestes simples, par la proximité, par l’écoute et par l’attention portée aux plus petits ». Mgr Bassène souligne « l’urgente nécessité de la solidarité et du partage ». Ces messages traduisent une ecclésiologie de l’engagement, où les chrétiens sont appelés à être sel de la terre et lumière du monde, non par des discours, mais par des actes concrets de fraternité, de justice et de paix.

En conclusion de son message, Mgr Guèye a ouvert une perspective d’espérance pour l’année qui vient : « Que la célébration joyeuse de cette fête de Noël dans nos villages et nos villes, nous prépare à traverser l’année 2026, dans la paix, la joie et la sérénité, la bonne santé, malgré les tiraillements de la vie quotidienne. Bonne fête, joyeux Noël et bonne année 2026 ». Cette ouverture vers 2026 est significative. Les pasteurs ne se contentent pas de célébrer Noël comme un moment fugace de joie. Ils invitent à faire de l’esprit de Noël, celui du don, de la clarté et de la réconciliation, une orientation durable pour affronter les défis de l’année nouvelle.

Dans un Sénégal traversé par des tensions multiples, les vœux de Noël 2025 des responsables catholiques résonnent comme un appel prophétique à ne pas se laisser enfermer dans les ténèbres. Ils rappellent que la clarté est plus forte que l’obscurité, que le don est plus puissant que l’égoïsme, et que la réconciliation est possible quand les cœurs s’ouvrent à la fraternité. À l’image de l’Enfant de la crèche, fragile mais porteur d’espérance infinie, les catholiques sénégalais sont invités à devenir des bâtisseurs de paix dans une société qui en a besoin. Noël 2025 n’est pas seulement une fête à célébrer, c’est un engagement à vivre.

Source: https://ucs.sn/
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