En pleine campagne qualificative pour le Mondial-2026, les appels prennent de l’ampleur et mettent les instances internationales du ballon rond sous pression, surtout après qu’une commission d’enquête mandatée par le Conseil des droits de l’Homme de l'ONU a accusé mi-septembre Israël de commettre un génocide dans la bande de Gaza.
Une semaine à peine après cette annonce, un groupe d’une trentaine d’experts nommé par les Nations unies publie un communiqué de presse affirmant qu’Israël doit être exclu du football international - UEFA et Fifa - en réaction au « génocide en cours », estimant que « les instances sportives ne doivent pas fermer les yeux sur les graves violations des droits humains ». Un « génocide » au cours duquel les sportifs palestiniens sont aussi délibérément ciblés.
Depuis deux ans, parmi les plus de 67 000 victimes de la guerre, l'armée israélienne a tué quelque 898 athlètes palestiniens, dont au moins 420 footballeurs. Parmi eux, Hani Al-Masdar, l’entraîneur adjoint de l’équipe nationale de football de Palestine, Mohammed Barakat, attaquant star de l’équipe nationale, mais aussi le « Pelé palestinien » Suleiman Al-Obeid, tué le 6 août dernier alors qu’il attendait de l’aide humanitaire dans le sud de la bande de Gaza.
La mort de ce footballeur de 41 ans avait fait grand bruit. L’UEFA avait réagi en postant sur les réseaux sociaux : « Adieu à Suleiman Al-Obeid, le “Pelé palestinien”. Un talent qui a donné de l’espoir à un nombre incalculable d’enfants, même dans les périodes les plus sombres ». Un message qui avait fait bondir l’Égyptien vedette de Liverpool Mohamed Salah : « Pouvez-vous nous dire comment il est mort, où, et pourquoi ? »
À chaque montée de violence, Israël s’attaque aussi délibérément aux infrastructures sportives - près de 290 en deux ans dans l’enclave palestinienne et en Cisjordanie occupée. En août 2024, le célèbre stade de Yarmouk de la ville de Gaza est directement ciblé par l’armée israélienne. Il n’en reste aujourd’hui plus rien. Inauguré en 1952 et reconstruit maintes fois suite aux attaques israéliennes, ce stade de 9 000 places devient dès le début de cette nouvelle guerre un refuge pour les habitants de Gaza. Mais en décembre, la situation change et le stade devient alors « un camp de torture », témoigne au Monde le président du Comité olympique palestinien Nader Jayousi.
En ce début de mois d’octobre 2025, c’est le siège de la Fédération palestinienne de football (PFA), situé à Jérusalem-Est, qui est ciblé par des tirs de gaz lacrymogènes lancés par l’armée israélienne. « Les installations sportives ont été délibérément détruites et les athlètes ont été empêchés de se déplacer et de participer à des tournois régionaux et internationaux, en violation flagrante des lois et conventions internationales en vigueur », affirme la PFA.
De son côté, la Fédération israélienne de football (IFA) - qui a d’abord fait partie de l’Union des associations asiatiques de football mais qui, face aux boycotts de nombreux pays arabes et musulmans, a été accepté au sein de l’UEFA en 1994 - n’a jamais dénoncé les violations du droit international commises par l’armée de son pays.
Depuis plusieurs décennies, les défenseurs des droits des Palestiniens demandent l’interdiction d’Israël des compétitions mondiales de football. Et depuis le début de la guerre de 2023, malgré les restrictions, les supporters de foot déploient drapeaux et tifos en soutien aux Palestiniens dans les stades du monde entier. Lors de la Super Coupe de l’UEFA le 13 août 2025, une banderole clamait : « Arrêtez de tuer des civils. Arrêtez de tuer des enfants ». Samedi 4 octobre, le club espagnol de football Athletic Bilbao a organisé un événement de solidarité sans précédent avec le peuple palestinien, au stade San Mamés, juste avant son match de Liga face au Real Majorque.
Fin septembre, 48 athlètes de haut niveau, dont l'international français Paul Pogba et l'international marocain Hakim Ziyech, ont signé une tribune dénonçant le génocide à Gaza. « Le sport doit défendre les principes de justice, d’équité et d’humanité », affirmaient-ils en demandant notamment l’exclusion des équipes israéliennes des compétitions organisées par l’UEFA. Parallèlement, de plus en plus de mouvements citoyens promeuvent l’exclusion d’Israël. C’est le cas de Game Over Israël, un mouvement qui mène une campagne internationale mobilisant des acteurs du sport, des associations de défense des droits de l’homme, certaines autorités sportives. Mi-septembre, ce mouvement a diffusé sur des écrans géants de Times Square, à New York, le slogan : « Fédérations de football : boycottez Israël ».
Par ailleurs, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez réclame l’exclusion d’Israël des tournois tandis que le porte-parole du groupe socialiste au Congrès, Patxi López, affirme que la Roja serait prête à boycotter la Coupe du Monde 2026 si Israël se qualifiait. « J'ai entendu la menace stupide du Premier ministre espagnol, a répliqué le président de la fédération israélienne, Moshe Zuares, dans les colonnes du Parisien ce 6 octobre. Je suppose qu’il l’a prononcée après avoir consulté le tableau et compris que nous ne nous qualifierions pas pour la Coupe du Monde [Israël est troisième du classement de son groupe, NDLR]. »
Quant à la Turquie, sa fédération est le seul membre de l'UEFA à demander publiquement qu'Israël soit suspendu des matchs internationaux, qualifiant au passage la situation à Gaza « d'inhumaine et d'inacceptable ».
Ce samedi 11 octobre, les Norvégiens ont reçu Israël. Oslo a annoncé que les recettes de la billetterie vont aller à Médecins sans frontières pour soutenir leurs actions dans la bande de Gaza. Aussi, la présidente de la fédération norvégienne, Lise Klaveness, a réclamé la suspension d'Israël des compétitions internationales. En Italie, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés ce mardi 14 octobre à Udine pour protester « contre le génocide » avant le coup d'envoi du match entre l'Italie et Israël.
Si un club se retire d’un match contre une équipe, quelle qu'elle soit, c’est une défaite automatique de 3-0 pour l'équipe qui boycotte. « Mais si personne ne le fait vis-à-vis d'Israël, c'est surtout parce qu’ils ont tous peur d’être traités d’antisémites, note Romain Molina, journaliste d’investigation, spécialiste du ballon rond. Il y a aussi un autre point à signaler : beaucoup de propriétaires de clubs de football ont des liens avec Israël. L'un des plus grands agents de l'histoire est israélien, Pini Zahavi. C'est lui qui avait ramené la grande équipe du Barça à l'époque, et c'était une énorme victoire diplomatique pour Israël de voir Neymar, Messi etc au mur des Lamentations. »
Des règles de la Fifa et de l’UEFA bafouées
Amnesty International a demandé le 1er octobre à la Fifa et à l’UEFA de suspendre l’IFA de leurs tournois tant qu’elle n’aura pas interdit aux clubs, au moins six, installés dans les colonies illégales sur le Territoire palestinien occupé, de continuer de jouer au sein des championnats israéliens. Car, dans les statuts de la Fifa, l’article 64.2 stipule que « les associations membres et leurs clubs ne sont pas habilités à jouer sur le territoire d’une autre association membre sans l’autorisation de celle-ci ». « L’IFA contribue sans complexe aux violations du droit international commises par Israël en offrant des opportunités sportives et économiques qui aident à soutenir ces colonies illégales », pointe Amnesty.
L’article 3 de la Fifa est aussi très clair : « La Fifa s’engage à respecter tous les droits de l’Homme internationalement reconnus et mettra tout en œuvre pour promouvoir la protection de ces droits ».
Dans le même temps, la Fédération palestinienne de football (PFA), qui a déjà déposé une plainte officielle en mars 2024, dit avoir conclu un accord avec la Fédération ouest-asiatique de football (WAFF), qui ne fait pas partie de l’UEFA, pour « envoyer des messages et tenir une réunion » avec la Fifa et l’UEFA pour suspendre la participation internationale d’Israël. « Le comité exécutif a appelé à activer les outils juridiques et de droits de l’homme disponibles et à communiquer avec la Fifa et l’UEFA pour les exhorter à adopter une position claire et stricte face à ces violations et à demander des comptes aux parties responsables », selon le communiqué de la PFA relayé par Doha News. Un autre point aussi sur lequel la fédération israélienne peut être suspendue et sur lequel la fédération palestinienne insiste : les chants belliqueux, bellicistes, voire qui appellent au meurtre, de la part de certains clubs israéliens. Les supporters du Maccabi Tel Aviv, à Amsterdam en novembre dernier, scandaient entre autres : « Que l'armée israélienne gagne, pour baiser les Arabes ».
La Fifa, fédération qui dit s'inscrire dans la lutte contre le racisme, les discriminations et les messages de haine, a déjà reporté maintes fois la motion de la Palestine qui visait à interdire Israël sur la scène internationale. En 2016, à l’élection de Gianni Infantino à la tête de la Fifa, l’instance internationale modifie son règlement afin que l’assemblée plénière ne puisse voter sur une résolution d’exclusion d’un membre avant l’approbation préalable du comité exécutif. Cette modification fait suite aux tentatives infructueuses de la Fédération palestinienne de football d’exclure Israël.
Deux poids, deux mesures
Plusieurs exemples de suspension jalonnent l’histoire des grandes instances du football : l’Afrique du Sud en 1961 durant l’apartheid - une décision perçue comme un triomphe historique pour le mouvement mondial visant à mettre fin à la violence et à la ségrégation -, la Yougoslavie pendant la guerre, mais aussi, dernier cas en date, la Russie.
Quatre jours après le début de son offensive en Ukraine, UEFA et Fifa ont de concert exclu la sélection et les clubs russes des compétitions internationales, une sanction qui est toujours en vigueur. « La suspension de la Russie n’était pas une décision politique. C’était dû au fait que plus de 40 fédérations refusaient de jouer contre les Russes. La décision avait donc été prise pour garantir l’intégrité des compétitions [...] Une telle pression n’existe pas, actuellement, au sujet d’Israël », assure au Monde une source de l’instance internationale de football ayant travaillé sur ce dossier. Mais statutairement, la Fifa n’a jamais justifié cette décision.
Fin septembre, selon des révélations du quotidien britannique The Times, une grande majorité des membres du comité et des fédérations l’UEFA étaient « favorables à la suspension » d’Israël. Un vote du comité exécutif de l’UEFA devait avoir lieu fin septembre, sachant que même si l'UEFA prend une décision, elle doit être ratifiée par la Fifa. Mais cette réunion ne s’est jamais tenue, officiellement en raison de la présentation du plan de Donald Trump pour la paix. « Les dirigeants du football européen sont désormais convaincus qu'imposer des sanctions sportives à Israël ne serait pas la bonne décision en plein milieu de négociations de paix », rapportait alors Sky News.
« La proposition de Trump n'absout absolument pas l'UEFA et la Fifa de prendre des décisions, fait remarquer Romain Molina. En fait, ils s'en servent comme prétexte pour justement ne pas décider. C'est juste une question d'intérêt électoral. La guerre les importe peu. Ils ont suspendu la Russie parce qu'il y avait 40 à 50 fédérations qui ont menacé de boycotter. Donc ils se sont dit : “ça peut être dangereux pour notre propre pouvoir, on bannit la Russie”. Ça n'a pas été le cas pour Israël. Donc, tant qu'il n'y a pas ça, Israël ne sera pas suspendu. Ils cherchent toujours des prétextes. »
Ce 2 octobre, la Fifa a appelé à la « paix » à Gaza, tout en affirmant qu’elle ne pouvait « résoudre les problèmes géopolitiques ». Le dirigeant italo-suisse Gianni Infantino a estimé que « le pouvoir du football » était de « réunir les gens dans un monde divisé » en offrant « un message de paix et d'unité », selon un communiqué de l'organisation qui ne mentionne ni Israël ni sa fédération. Infantino, ce même 2 octobre, a félicité le président de la Fédération palestinienne de football (PFA) Jibril Rajoub pour « sa résilience en cette période ». Le président de la PFA, 72 ans, a été brièvement détenu et convoqué par les autorités israéliennes en août 2024 à son retour des JO de Paris.
« Il faut reprendre aussi les déclarations exceptionnelles de l'un des membres du comité exécutif de l'UEFA, le Grec Theodore Theodoridis, raconte Romain Molina. L'année dernière, au sujet des différences de traitement entre la Russie et Israël, il avait eu le culot de déclarer : “Mais, ça se passe au Moyen-Orient". Donc en gros, “ça ne nous concerne pas”. Mais Israël est un membre de l'UEFA ! Donc en fait, c'est quand ça les arrange. C'est exceptionnel. » La différence des réactions de l’UEFA et de la Fifa à la guerre en Ukraine et à celle à Gaza semble reposer avant tout sur le degré d’indignation suscité au sein de leurs membres et non sur la gravité des crimes commis.
Un « deux poids deux mesures » dénoncé aussi par l’ancienne star internationale de football Éric Cantona le 17 septembre à Londres. « Infantino coupe l'herbe sous le pied de l'UEFA, par crainte d’une velléité de l'UEFA sous influence qatarienne, évidemment, de suspendre Israël », explique Romain Molina.
Des instances « apolitiques » acquises aux États-Unis et à Israël
Les pressions extérieures sur la Fifa et l’UEFA n’y peuvent donc rien. C’est uniquement sous la pression des membres de ces instances que la situation peut évoluer. Le Qatar est, pour la première fois en deux ans, entré dans le jeu après les bombardements israéliens sur Doha le 9 septembre dernier. Nasser al-Khelaïfi, propriétaire du PSG, est aussi membre du comité exécutif de l’UEFA. L’instance européenne est très imbriquée avec le Qatar par des contrats de droits TV et de sponsoring. Doha n'est pas membre de l'UEFA mais néanmoins, il bénéficie de ce poids politique et de lobbying. « Ça montre bien l'hypocrisie, s'insurge le journaliste d'investigation. Tant que ça ne concerne pas notre sol, c'est bon. Globalement, c'est ça que ça veut dire. Quand du jour au lendemain on attaque sur notre sol, il faut qu'Israël soit suspendu. C’est très cynique. »
Mais l’administration Trump fera « tout son possible pour mettre fin à toute tentative visant à exclure l’équipe nationale israélienne de football de la Coupe du monde 2026 », a déclaré le 25 septembre dernier un porte-parole du département d’État américain au New York Times, alors qu’officiellement, les gouvernements n’ont aucun rôle dans les décisions sportives de la Fifa comme de l’UEFA.
Les États-Unis, co-organisateurs de la Coupe du monde 2026, se disent être un soutien inconditionnel d’Israël, et le président Donald Trump est aussi un très proche du patron de la Fifa Gianni Infantino, un homme qui participe aux G7, G20, assemblées générales de l’ONU et qui était également présent ce 13 octobre à Charm el-Cheikh pour la signature du plan de paix dans la bande de Gaza.
« Il a politisé comme jamais une institution sportive. Il rêve du prix Nobel avant de devenir secrétaire général des Nations unies. Lors du congrès annuel de la Fifa, il y a quelques mois, il est arrivé en retard de deux heures parce qu'il était en tournée avec Donald Trump. Tant que Trump est là, explique Romain Molina, Infantino ne bougera pas d’un pouce. Infantino est fasciné par Trump, mais aussi il adore Netanyahu, il adore les gens comme ça. Comme il adorait Poutine avant, il adore Kagamé. »
Un patron qui est aussi un grand ami d’Israël. « C’est un véritable ami personnel et un ami d’Israël. Son élection rendra difficile toute tentative d’imposer des sanctions au football israélien », a affirmé l’ancien président de la Fédération israélienne de football et membre du comité exécutif de l’UEFA, Avi Luzon, lors de l’élection d’Infantino en 2016.
Mais si demain les fédérations des grandes nations comme l'Angleterre, la France, l'Espagne, le Portugal ou l’Italie, demandaient la suspension d’Israël, la Fifa n’aurait pas le choix. « Ils ne pourront pas dire que tout le monde est antisémite, quand même ! ironise Romain Molina. Donc Infantino sera obligé. » Car depuis plus d’un demi-siècle, la Fédération israélienne de football viole les statuts de l'UEFA et de la Fifa. Et que le plan de paix de Donald Trump pour la bande de Gaza soit acté ne change rien à ce constat.
RFI
Une semaine à peine après cette annonce, un groupe d’une trentaine d’experts nommé par les Nations unies publie un communiqué de presse affirmant qu’Israël doit être exclu du football international - UEFA et Fifa - en réaction au « génocide en cours », estimant que « les instances sportives ne doivent pas fermer les yeux sur les graves violations des droits humains ». Un « génocide » au cours duquel les sportifs palestiniens sont aussi délibérément ciblés.
Depuis deux ans, parmi les plus de 67 000 victimes de la guerre, l'armée israélienne a tué quelque 898 athlètes palestiniens, dont au moins 420 footballeurs. Parmi eux, Hani Al-Masdar, l’entraîneur adjoint de l’équipe nationale de football de Palestine, Mohammed Barakat, attaquant star de l’équipe nationale, mais aussi le « Pelé palestinien » Suleiman Al-Obeid, tué le 6 août dernier alors qu’il attendait de l’aide humanitaire dans le sud de la bande de Gaza.
La mort de ce footballeur de 41 ans avait fait grand bruit. L’UEFA avait réagi en postant sur les réseaux sociaux : « Adieu à Suleiman Al-Obeid, le “Pelé palestinien”. Un talent qui a donné de l’espoir à un nombre incalculable d’enfants, même dans les périodes les plus sombres ». Un message qui avait fait bondir l’Égyptien vedette de Liverpool Mohamed Salah : « Pouvez-vous nous dire comment il est mort, où, et pourquoi ? »
À chaque montée de violence, Israël s’attaque aussi délibérément aux infrastructures sportives - près de 290 en deux ans dans l’enclave palestinienne et en Cisjordanie occupée. En août 2024, le célèbre stade de Yarmouk de la ville de Gaza est directement ciblé par l’armée israélienne. Il n’en reste aujourd’hui plus rien. Inauguré en 1952 et reconstruit maintes fois suite aux attaques israéliennes, ce stade de 9 000 places devient dès le début de cette nouvelle guerre un refuge pour les habitants de Gaza. Mais en décembre, la situation change et le stade devient alors « un camp de torture », témoigne au Monde le président du Comité olympique palestinien Nader Jayousi.
En ce début de mois d’octobre 2025, c’est le siège de la Fédération palestinienne de football (PFA), situé à Jérusalem-Est, qui est ciblé par des tirs de gaz lacrymogènes lancés par l’armée israélienne. « Les installations sportives ont été délibérément détruites et les athlètes ont été empêchés de se déplacer et de participer à des tournois régionaux et internationaux, en violation flagrante des lois et conventions internationales en vigueur », affirme la PFA.
De son côté, la Fédération israélienne de football (IFA) - qui a d’abord fait partie de l’Union des associations asiatiques de football mais qui, face aux boycotts de nombreux pays arabes et musulmans, a été accepté au sein de l’UEFA en 1994 - n’a jamais dénoncé les violations du droit international commises par l’armée de son pays.
Depuis plusieurs décennies, les défenseurs des droits des Palestiniens demandent l’interdiction d’Israël des compétitions mondiales de football. Et depuis le début de la guerre de 2023, malgré les restrictions, les supporters de foot déploient drapeaux et tifos en soutien aux Palestiniens dans les stades du monde entier. Lors de la Super Coupe de l’UEFA le 13 août 2025, une banderole clamait : « Arrêtez de tuer des civils. Arrêtez de tuer des enfants ». Samedi 4 octobre, le club espagnol de football Athletic Bilbao a organisé un événement de solidarité sans précédent avec le peuple palestinien, au stade San Mamés, juste avant son match de Liga face au Real Majorque.
Fin septembre, 48 athlètes de haut niveau, dont l'international français Paul Pogba et l'international marocain Hakim Ziyech, ont signé une tribune dénonçant le génocide à Gaza. « Le sport doit défendre les principes de justice, d’équité et d’humanité », affirmaient-ils en demandant notamment l’exclusion des équipes israéliennes des compétitions organisées par l’UEFA. Parallèlement, de plus en plus de mouvements citoyens promeuvent l’exclusion d’Israël. C’est le cas de Game Over Israël, un mouvement qui mène une campagne internationale mobilisant des acteurs du sport, des associations de défense des droits de l’homme, certaines autorités sportives. Mi-septembre, ce mouvement a diffusé sur des écrans géants de Times Square, à New York, le slogan : « Fédérations de football : boycottez Israël ».
Par ailleurs, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez réclame l’exclusion d’Israël des tournois tandis que le porte-parole du groupe socialiste au Congrès, Patxi López, affirme que la Roja serait prête à boycotter la Coupe du Monde 2026 si Israël se qualifiait. « J'ai entendu la menace stupide du Premier ministre espagnol, a répliqué le président de la fédération israélienne, Moshe Zuares, dans les colonnes du Parisien ce 6 octobre. Je suppose qu’il l’a prononcée après avoir consulté le tableau et compris que nous ne nous qualifierions pas pour la Coupe du Monde [Israël est troisième du classement de son groupe, NDLR]. »
Quant à la Turquie, sa fédération est le seul membre de l'UEFA à demander publiquement qu'Israël soit suspendu des matchs internationaux, qualifiant au passage la situation à Gaza « d'inhumaine et d'inacceptable ».
Ce samedi 11 octobre, les Norvégiens ont reçu Israël. Oslo a annoncé que les recettes de la billetterie vont aller à Médecins sans frontières pour soutenir leurs actions dans la bande de Gaza. Aussi, la présidente de la fédération norvégienne, Lise Klaveness, a réclamé la suspension d'Israël des compétitions internationales. En Italie, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés ce mardi 14 octobre à Udine pour protester « contre le génocide » avant le coup d'envoi du match entre l'Italie et Israël.
Si un club se retire d’un match contre une équipe, quelle qu'elle soit, c’est une défaite automatique de 3-0 pour l'équipe qui boycotte. « Mais si personne ne le fait vis-à-vis d'Israël, c'est surtout parce qu’ils ont tous peur d’être traités d’antisémites, note Romain Molina, journaliste d’investigation, spécialiste du ballon rond. Il y a aussi un autre point à signaler : beaucoup de propriétaires de clubs de football ont des liens avec Israël. L'un des plus grands agents de l'histoire est israélien, Pini Zahavi. C'est lui qui avait ramené la grande équipe du Barça à l'époque, et c'était une énorme victoire diplomatique pour Israël de voir Neymar, Messi etc au mur des Lamentations. »
Des règles de la Fifa et de l’UEFA bafouées
Amnesty International a demandé le 1er octobre à la Fifa et à l’UEFA de suspendre l’IFA de leurs tournois tant qu’elle n’aura pas interdit aux clubs, au moins six, installés dans les colonies illégales sur le Territoire palestinien occupé, de continuer de jouer au sein des championnats israéliens. Car, dans les statuts de la Fifa, l’article 64.2 stipule que « les associations membres et leurs clubs ne sont pas habilités à jouer sur le territoire d’une autre association membre sans l’autorisation de celle-ci ». « L’IFA contribue sans complexe aux violations du droit international commises par Israël en offrant des opportunités sportives et économiques qui aident à soutenir ces colonies illégales », pointe Amnesty.
L’article 3 de la Fifa est aussi très clair : « La Fifa s’engage à respecter tous les droits de l’Homme internationalement reconnus et mettra tout en œuvre pour promouvoir la protection de ces droits ».
Dans le même temps, la Fédération palestinienne de football (PFA), qui a déjà déposé une plainte officielle en mars 2024, dit avoir conclu un accord avec la Fédération ouest-asiatique de football (WAFF), qui ne fait pas partie de l’UEFA, pour « envoyer des messages et tenir une réunion » avec la Fifa et l’UEFA pour suspendre la participation internationale d’Israël. « Le comité exécutif a appelé à activer les outils juridiques et de droits de l’homme disponibles et à communiquer avec la Fifa et l’UEFA pour les exhorter à adopter une position claire et stricte face à ces violations et à demander des comptes aux parties responsables », selon le communiqué de la PFA relayé par Doha News. Un autre point aussi sur lequel la fédération israélienne peut être suspendue et sur lequel la fédération palestinienne insiste : les chants belliqueux, bellicistes, voire qui appellent au meurtre, de la part de certains clubs israéliens. Les supporters du Maccabi Tel Aviv, à Amsterdam en novembre dernier, scandaient entre autres : « Que l'armée israélienne gagne, pour baiser les Arabes ».
La Fifa, fédération qui dit s'inscrire dans la lutte contre le racisme, les discriminations et les messages de haine, a déjà reporté maintes fois la motion de la Palestine qui visait à interdire Israël sur la scène internationale. En 2016, à l’élection de Gianni Infantino à la tête de la Fifa, l’instance internationale modifie son règlement afin que l’assemblée plénière ne puisse voter sur une résolution d’exclusion d’un membre avant l’approbation préalable du comité exécutif. Cette modification fait suite aux tentatives infructueuses de la Fédération palestinienne de football d’exclure Israël.
Deux poids, deux mesures
Plusieurs exemples de suspension jalonnent l’histoire des grandes instances du football : l’Afrique du Sud en 1961 durant l’apartheid - une décision perçue comme un triomphe historique pour le mouvement mondial visant à mettre fin à la violence et à la ségrégation -, la Yougoslavie pendant la guerre, mais aussi, dernier cas en date, la Russie.
Quatre jours après le début de son offensive en Ukraine, UEFA et Fifa ont de concert exclu la sélection et les clubs russes des compétitions internationales, une sanction qui est toujours en vigueur. « La suspension de la Russie n’était pas une décision politique. C’était dû au fait que plus de 40 fédérations refusaient de jouer contre les Russes. La décision avait donc été prise pour garantir l’intégrité des compétitions [...] Une telle pression n’existe pas, actuellement, au sujet d’Israël », assure au Monde une source de l’instance internationale de football ayant travaillé sur ce dossier. Mais statutairement, la Fifa n’a jamais justifié cette décision.
Fin septembre, selon des révélations du quotidien britannique The Times, une grande majorité des membres du comité et des fédérations l’UEFA étaient « favorables à la suspension » d’Israël. Un vote du comité exécutif de l’UEFA devait avoir lieu fin septembre, sachant que même si l'UEFA prend une décision, elle doit être ratifiée par la Fifa. Mais cette réunion ne s’est jamais tenue, officiellement en raison de la présentation du plan de Donald Trump pour la paix. « Les dirigeants du football européen sont désormais convaincus qu'imposer des sanctions sportives à Israël ne serait pas la bonne décision en plein milieu de négociations de paix », rapportait alors Sky News.
« La proposition de Trump n'absout absolument pas l'UEFA et la Fifa de prendre des décisions, fait remarquer Romain Molina. En fait, ils s'en servent comme prétexte pour justement ne pas décider. C'est juste une question d'intérêt électoral. La guerre les importe peu. Ils ont suspendu la Russie parce qu'il y avait 40 à 50 fédérations qui ont menacé de boycotter. Donc ils se sont dit : “ça peut être dangereux pour notre propre pouvoir, on bannit la Russie”. Ça n'a pas été le cas pour Israël. Donc, tant qu'il n'y a pas ça, Israël ne sera pas suspendu. Ils cherchent toujours des prétextes. »
Ce 2 octobre, la Fifa a appelé à la « paix » à Gaza, tout en affirmant qu’elle ne pouvait « résoudre les problèmes géopolitiques ». Le dirigeant italo-suisse Gianni Infantino a estimé que « le pouvoir du football » était de « réunir les gens dans un monde divisé » en offrant « un message de paix et d'unité », selon un communiqué de l'organisation qui ne mentionne ni Israël ni sa fédération. Infantino, ce même 2 octobre, a félicité le président de la Fédération palestinienne de football (PFA) Jibril Rajoub pour « sa résilience en cette période ». Le président de la PFA, 72 ans, a été brièvement détenu et convoqué par les autorités israéliennes en août 2024 à son retour des JO de Paris.
« Il faut reprendre aussi les déclarations exceptionnelles de l'un des membres du comité exécutif de l'UEFA, le Grec Theodore Theodoridis, raconte Romain Molina. L'année dernière, au sujet des différences de traitement entre la Russie et Israël, il avait eu le culot de déclarer : “Mais, ça se passe au Moyen-Orient". Donc en gros, “ça ne nous concerne pas”. Mais Israël est un membre de l'UEFA ! Donc en fait, c'est quand ça les arrange. C'est exceptionnel. » La différence des réactions de l’UEFA et de la Fifa à la guerre en Ukraine et à celle à Gaza semble reposer avant tout sur le degré d’indignation suscité au sein de leurs membres et non sur la gravité des crimes commis.
Un « deux poids deux mesures » dénoncé aussi par l’ancienne star internationale de football Éric Cantona le 17 septembre à Londres. « Infantino coupe l'herbe sous le pied de l'UEFA, par crainte d’une velléité de l'UEFA sous influence qatarienne, évidemment, de suspendre Israël », explique Romain Molina.
Des instances « apolitiques » acquises aux États-Unis et à Israël
Les pressions extérieures sur la Fifa et l’UEFA n’y peuvent donc rien. C’est uniquement sous la pression des membres de ces instances que la situation peut évoluer. Le Qatar est, pour la première fois en deux ans, entré dans le jeu après les bombardements israéliens sur Doha le 9 septembre dernier. Nasser al-Khelaïfi, propriétaire du PSG, est aussi membre du comité exécutif de l’UEFA. L’instance européenne est très imbriquée avec le Qatar par des contrats de droits TV et de sponsoring. Doha n'est pas membre de l'UEFA mais néanmoins, il bénéficie de ce poids politique et de lobbying. « Ça montre bien l'hypocrisie, s'insurge le journaliste d'investigation. Tant que ça ne concerne pas notre sol, c'est bon. Globalement, c'est ça que ça veut dire. Quand du jour au lendemain on attaque sur notre sol, il faut qu'Israël soit suspendu. C’est très cynique. »
Mais l’administration Trump fera « tout son possible pour mettre fin à toute tentative visant à exclure l’équipe nationale israélienne de football de la Coupe du monde 2026 », a déclaré le 25 septembre dernier un porte-parole du département d’État américain au New York Times, alors qu’officiellement, les gouvernements n’ont aucun rôle dans les décisions sportives de la Fifa comme de l’UEFA.
Les États-Unis, co-organisateurs de la Coupe du monde 2026, se disent être un soutien inconditionnel d’Israël, et le président Donald Trump est aussi un très proche du patron de la Fifa Gianni Infantino, un homme qui participe aux G7, G20, assemblées générales de l’ONU et qui était également présent ce 13 octobre à Charm el-Cheikh pour la signature du plan de paix dans la bande de Gaza.
« Il a politisé comme jamais une institution sportive. Il rêve du prix Nobel avant de devenir secrétaire général des Nations unies. Lors du congrès annuel de la Fifa, il y a quelques mois, il est arrivé en retard de deux heures parce qu'il était en tournée avec Donald Trump. Tant que Trump est là, explique Romain Molina, Infantino ne bougera pas d’un pouce. Infantino est fasciné par Trump, mais aussi il adore Netanyahu, il adore les gens comme ça. Comme il adorait Poutine avant, il adore Kagamé. »
Un patron qui est aussi un grand ami d’Israël. « C’est un véritable ami personnel et un ami d’Israël. Son élection rendra difficile toute tentative d’imposer des sanctions au football israélien », a affirmé l’ancien président de la Fédération israélienne de football et membre du comité exécutif de l’UEFA, Avi Luzon, lors de l’élection d’Infantino en 2016.
Mais si demain les fédérations des grandes nations comme l'Angleterre, la France, l'Espagne, le Portugal ou l’Italie, demandaient la suspension d’Israël, la Fifa n’aurait pas le choix. « Ils ne pourront pas dire que tout le monde est antisémite, quand même ! ironise Romain Molina. Donc Infantino sera obligé. » Car depuis plus d’un demi-siècle, la Fédération israélienne de football viole les statuts de l'UEFA et de la Fifa. Et que le plan de paix de Donald Trump pour la bande de Gaza soit acté ne change rien à ce constat.
RFI