"Il nous est arrivé, en une journée, de délivrer 60 autorisations d’inhumation"

Jeudi 4 Février 2021

Sa renommée est répandue. Au-delà d’être le lieu du «repos éternel» pour beaucoup de Mourides, s’y organise toute une vie autour des pompes funèbres, les fossoyeurs...


Sa renommée est répandue. Bakhiya est le plus grand cimetière de Touba. Au-delà d’être le lieu du «repos éternel» pour beaucoup de Mourides, s’y organise toute une vie : les pompes funèbres, les fossoyeurs, la débrouille tout autour, le contraste entre le «dedans» et le «dehors»…

La température n’est pas des plus agréables. Il est pourtant 10 heures et le soleil ne flamboie point au cimetière de Bakhiya, plus grande nécropole de Touba ouverte en 2014 sur recommandation de Serigne Sidy Mokhtar Mbacké alors Khalife général des Mourides. Le lieu et ses alentours grouillent de monde. Une vie à la fois bienséante et agitée s’y déroule. Recréant l’ambiance de la gare routière, les chauffeurs de taxis papotent à côté d’une gargote bien prisée. Une mosquée s’y tient majestueuse. Une tasse de café à la main, le masque sous le menton, Serigne Diop veille au respect de l’ordre de départ et d’arrivée des véhicules de transport. Les vendeuses d’eau, sceaux à la main, se faufilent entre les groupuscules venus inhumer un des leurs ou se recueillir sur une tombe d’un proche.

À l’intérieur, les morts goûtent au calme du lieu malgré le flux des «vivants». Aux abords, la vie continue. Impossible d’entrer sans passer par le bureau d’état civil équipé d’un ordinateur. Une équipe de trois personnes dirigée par Serigne Cheikh Abdou Bakhoum s’occupe de la «paperasse» pour les enterrements. Ils ont été particulièrement éprouvés au cours de cette année 2020 avec un «record d’enterrement depuis l’ouverture de ce cimetière». «Il nous est arrivé, en une journée, de délivrer 60 autorisations d’inhumation. Toutefois, la moyenne journalière tourne autour de 30 à 45», renseigne le chef du bureau, sans cependant établir une corrélation entre le nombre de morts et la pandémie de Covid-19. Pour l’année 2020, indique Abdoulaye Diop, un des coordonnateurs de la Dahira Moukhadimatoul Khidma, il y a eu 12.272 enterrements au cimetière de Bakhiya contre 10.635 en 2019. Bakhiya offre un contraste saisissant avec un «dedans» empli de tranquillité et un «dehors», encombré d’un cortège funèbre, particulièrement animé. Les activités lucratives tout autour brisent la lourdeur et attiédissent l’atmosphère de deuil. Ici, ça bouillonne. Des corbillards en provenance de divers horizons  y débarquent à un intervalle régulier, comme à la gare routière. Bakhiya a bâti sa renommée. Et le flot de voitures et d’hommes venus d’horizons divers en est une illustration achevée.

Si près des morts…

La Dahira Moukhadimatoul Khidma, chargée de la sécurité des abords de la nécropole, en est consciente. C’est pourquoi elle s’échine à en faire un lieu doté de toutes les «commodités». Les pompes funèbres de Touba, une de ses branches, se sont procuré un nouvel appareil d’une valeur de 900.000 FCfa pour rendre plus opérationnelle la morgue.  Il s’agit de  deux chambres froides avec une armoire à six places chacune. L’achat de corbillards et la diversification des sites d’enterrement sont des projets en cours. «Ce ne sont pas seulement les habitants de Touba qui sont inhumés à Bakhiya. Des corps en provenance de toutes les localités du pays et de la diaspora nous parviennent. La volonté de beaucoup de Mourides, c’est d’y être enterrés», confie Abdoulaye Diop.

Le service d’état civil, installé avec l’appui de la commune de Touba qui prend en charge le personnel, travaille de concert avec celui de la morgue. Onze mille FCfa suffisent pour les frais d’inhumation (lavage mortuaire, linceul, savon, parfum, couture, tombe, pierre tombale, morgue). Des hommes et des femmes d’âge mûr y gagnent leur vie. Ils cohabitent avec la mort. Un vieil homme, pelle à la main, est l’un d’eux. «Je creuse des tombes à longueur de journée, tout en sachant qu’un jour quelqu’un d’autre le fera pour moi. L’essentiel est que je gagne honnêtement ma vie ici». Une vie auprès des morts. 
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