Crise au sommet : ce que révèle le duel Diomaye–Sonko, selon le sociologue Pascal Oudiane

Mardi 25 Novembre 2025

La première grande secousse politique du tandem Diomaye–Sonko bouscule le Sénégal. Pour le sociologue Dr. Pascal Oudiane, ce conflit n’a rien d’un accident : il illustre une mécanique propre à tout parti politique, où loyauté et vérité entrent fatalement en collision. La crise actuelle interroge moins les hommes que le fonctionnement même du PASTEF et, plus largement, la capacité des partis à tolérer la pensée critique.

Le Dr. Oudiane rappelle que le parti politique repose sur une homogénéité idéologique qui rend le pluralisme interne presque impossible. Un parti fonctionne comme un bloc, avance avec une seule ligne et sanctionne toute divergence publique, assimilée à une dissidence. Dans le contexte sénégalais de 2025 – exécutif bicéphale, forte attente citoyenne, opposition en repositionnement – la moindre différence entre Diomaye Faye et Ousmane Sonko prend une dimension stratégique. Un parti fragmenté devient vulnérable, d’où la pression pour maintenir un front uni.


Le sociologue exprime une pensée contraire ouvre une brèche où l’adversaire peut s’engouffrer. D’où cette logique implacable : « Adhérer à une idée non parce qu’elle est vraie, mais parce qu’elle appartient à son camp, c’est fabriquer une pensée mécanique. » La discipline du parti devient ainsi un renoncement à la liberté intérieure. Durkheim parlerait de coercition sociale ; Simone Weil, elle, jugeait que les partis étouffent l’esprit libre. Dans ce schéma, le militant comme le dirigeant doit parfois taire ses réserves, réprimer son esprit critique ou défendre des positions auxquelles il ne croit pas. Il va plus loin en estimant que  tout responsable politique finit par devoir choisir qui trahir. « Trahir sa pensée en se soumettant au parti, ou trahir le parti en disant sa vérité. Dans les deux cas, il y a faute morale. » Lorsque la discipline impose de mentir au public, le dilemme devient aigu : refuser, c’est trahir le parti ; accepter, c’est trahir sa conscience ; se taire, c’est trahir les citoyens. « Dans un parti, mentir devient parfois structurel », affirme-t-il.


Les partis font donc taire les dissidences pour préserver l’efficacité, la cohésion et la conquête du pouvoir. « Les idées ne triomphent pas parce qu’elles sont vraies, mais parce que la force est de leur côté. » Dans un Sénégal polarisé, cette logique est encore plus dure.


Le clash Diomaye–Sonko apparaît ainsi comme une fissure structurelle plutôt que personnelle. Tant que la ligne était unique, l’équilibre tenait. Mais dès qu’émerge une divergence – idéologique, stratégique ou institutionnelle –, la mécanique partisane se retourne contre ses propres dirigeants. Deux figures dotées d’une légitimité forte ne peuvent afficher des visions opposées sans menacer l’unité militante.


Cette crise ouvre enfin un débat crucial : la démocratie sénégalaise peut-elle évoluer vers un pluralisme interne réel ? L’exécutif peut-il fonctionner durablement avec deux voix fortes ? Et surtout, peut-on gouverner en vérité dans un système où l’unité partisane prime sur la liberté de pensée ? Autant de questions qui annoncent peut-être un tournant majeur dans la manière dont les Sénégalais conçoivent le pouvoir, la loyauté et l’éthique politique.
 
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