Commémoration ce 10 Mai de la journée de souvenir des victimes de l’esclavage et de la traite négrière par la France de Napoléon, l’Afrique toujours aux abonnés absents (Par Aly Saleh)

Dimanche 8 Mai 2022

Tout d’abord, je voudrai inviter les uns et les autres à s’interroger sur notre société et sur l’incapacité pour certains à ne pas comprendre le monde dans lequel nous vivons.
J’ai écrit dans l’une de mes chroniques : « on ne hiérarchise pas les crimes contre l’humanité », puis que vous le savez, chaque peuple ressent la douleur qui a été perpétrée contre les siens et il faut l’accepter comme tel.


Et justement pour ces questions-là, l’important ce n’est pas d’avoir raison, mais c’est de pouvoir exprimer ce qui doit l’être, d’écouter également ceux qui ne comprennent pas, de trouver des espaces de dialogue pour apaiser et faire évoluer l’humanité. On ne doit pas accepter que l’on dise que Napoléon Bonaparte est un grand homme au regard de ce qu’il a commis contre les peuples guadeloupéens, haïtiens, africains et à tous les peuples qui ont subi les guerres de cet homme.


Lorsque des jeunes avaient déboulonné, ils déboulonnaient parce qu’ils convoquaient le passé pour dénoncer les inégalités sociales du présent.


En juin 2020, j’avais écrit : « il faut déboulonner Napoléon en France et Faidherbe à Saint-Louis dans la foulée du crime raciste de l’afro-américain, George Floyd aux Etats Unis.
C’est un secret de polichinelle, le racisme fait partie intégrante de l’ADN américain en déperdition. C’est justement de cette Amérique-là, dont les américains n’ont plus besoin, l’humanité en a assez.


Les inégalités ont toujours été là, ce n’est pas nouveau, les révoltes et mouvements qui disent que l’esclavage est toujours là et doit cesser. C’est un problème que l’Amérique n’a jamais résolu, le racisme et la mise en danger permanente des gens dits de couleur, font partie de l’identité américaine ; bref… Tenez, ça me frôle l’esprit, si le gouverneur de Bonaparte, Louis Faidherbe a longuement agonisé, les crimes du conquérant colonial ne sauraient être oubliés. Le devoir de vérité l’exige.



La méthode punitive de Louis Léon César Faidherbe ne laissait que malheur et consternation. Quiconque avait l’arrogance, de lui résister, il incendiait toute sa localité. Un seul résiste, tous payent. Telle était sa devise. Rien ne devait empêcher la machine coloniale d’étaler ses tentacules. C’est ainsi que furent détruites et incendiées beaucoup d’habitations au Sénégal en plus du pillage généralisé du cheptel. C’est au Sénégal pourtant qu’était érigée sa statue sous laquelle était mentionné :  « A son gouverneur Louis Faidherbe, le Sénégal reconnaissant ». Le saviez-vous ?


Faidherbe a mis en place les bases idéologiques de l’occupation française du Sénégal et de l’Afrique occidentale. Il était le grand acteur de cette entreprise coloniale qui ouvrait une ère d’oppression et d’assujettissement. Sa technique d’extermination des villages sénégalais est l’aboutissement d’un stage sinistre de perfectionnement criminel sur le sol algérien. C’est sans gêne qu’il fit part à sa mère de ses exploits funestes, dans une lettre envoyée d’Algérie au mois de juin 1851: « J’ai détruit de fond en comble un charmant village de deux cents maisons et tous les jardins. Cela a terrifié la tribu qui est venue se rendre ».



Donc lorsque j’avais écrit :  « il faut déboulonner Napoléon Bonaparte et Faidherbe » ! Ce n’est pas comme vous l’entendez, puis que je ne parlais pas seulement des statues de Napoléon et de Faidherbe mais je parlais aussi de déboulonner le mythe de façon symbolique et cela ne passe que par raconter l’histoire. Je parlais de dire l’histoire honnêtement sinon les oppositions continueront à persister entre la France et l’Afrique, entre la France et les Antilles…


Nous ne connaissons pas suffisamment notre histoire, il faut tout dire c’est un devoir de mémoire et c’est comme cela que l’on va peut-être faire avancer l’humanité plutôt que d’être dans une confrontation permanente. Sur cette histoire de l’esclavage, Il y’a toujours un double regard et un double langage. Et faire nation aujourd’hui, c’est accepter toute l’histoire dans sa globalité.


L’idée ce n’est pas de convoquer l’histoire pour aujourd’hui régler des comptes, mais c’est pour savoir comment notre société peut construire un avenir commun pour ne pas être prisonnier de l’histoire. Certes il n’y avait pas la loi Taubira de 2001 du nom de l’ex député guyanaise Christiane Taubira, reconnaissant la traite négrière et l’esclavage comme deux crimes contre l’humanité.


Et pourtant bien avant cela les Nations-Unies avaient légiféré sur la question. Faut-il attendre des lois pour savoir lorsque des pays, des peuples dominent d’autres pour qualifier cela de crimes contre l’humanité ? Non, on ne peut pas absoudre ces crimes commis par Napoléon et Faidherbe, ni d’ailleurs, ceux commis par Hitler, ce dernier, je vous le dis, était un grand admirateur du 1er cité.

Allez, faisons un peu d’histoire vous comprendrez mieux...
1789 est l’année de la déclaration des droits de l’homme, 5 ans plus tard, le 14 février 1794 la France abolit l’esclavage dans ses colonies des Antilles, Guadeloupe, Martinique et St Domingue. Mais le 17 Mai 1802 la douce France du petit général devenu l’empereur Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage aux Antilles sauf en Haïti qui a payé cher pour sa liberté.Le 27 Avril 1848 sous l’impulsion de Victor Schoelcher est décrétée l’abolition de l’esclavage dans les possessions françaises. Ce sera la seconde abolition.

Le 10 Mai 2001, la loi Taubira, votée par le parlement français puis par le sénat faisant de l’esclavage et de la traite négrière, deux crimes contre l’humanité. Le 10 Mai est, depuis 21 ans en France, la journée officielle du souvenir des victimes de l’esclavage, une première victoire arrachée après plusieurs années de lutte menées par tant de descendants de déportés d’Afrique. C’est pourquoi il est important, de rendre hommage à tous ces héros qui, au sacrifice de leur vie, ont pris les armes contre les colons et esclavagistes des années de lumières.

Juste rappeler le sacrifice du martiniquais Louis Délgrés colonel de l’armée française, né d’une mère esclave, qui préférera prendre les armes contre la France de Napoléon et le régiment du général Antoine Richepanse plutôt que d’obéir à l’ordre de rétablir l’esclavage.
Le 10 Mai 1802, Délgrés fera placarder toute la ville de Basse-terre, un appel à l’insurrection, la bataille est engagée, les combats sont violents et meurtriers. Délgrés et ses soldats noirs sont défaits et sont priés de quitter le fort Charles et de se replier à Matouba, là plutôt que de se rendre ?, Délgrés et les siens préféreront se faire sauter en allumant des barils de poudre. Délgrés et ses 300 héros sont aujourd’hui des figures emblématiques pour les antillais, des symboles du martyr pour la liberté.
« Vivre libre ou mourir » disaient-ils.

En Haiti, ils furent nombreux, tous esclaves à se lever et à se battre. Et là, les figures encore emblématiques s’appellent Dutty Boukman qui, dans la nuit du 14 Août 1791, au Bois-Caïman, organisa une cérémonie vaudou pour un grand nombre d’esclaves pour les rendre invulnérables avant d’ordonner le soulèvement général et aussi François Makandal, mort à Cap-Français le 20 janvier 1758, un esclave marron, meneur de plusieurs rébellions dans le nord-ouest de l’île de Saint-Domingue et bien d’autres.

Mais l’histoire occidentale ne retiendra que Toussaint Louverture, un général né esclave, un neg-congo comme on dit en Haïti. Pour les français, il fit la guerre aux espagnols et aux anglais, il pacifia l’ile de St-Domingue véritable mine d’or. Son sucre et son rhum assuraient la richesse de la France Bonapartiste. Mais lorsqu’en 1802, Napoléon, avec la complicité de Joséphine de Beauharnais,  sa 1ére femme décide de rétablir l’esclavage, il a dit des mots extrêmment dûrs: « je suis pour les blancs car je suis blanc.


Je n’ai pas d’autres raisons et celle-ci est la bonne. Comment peut-on accorder de la liberté à des africains, à des hommes qui n’avaient aucune culture ? ». Jugez-en vous-même ! Alors l’empereur Napoléon, lorsqu’il a voulu rétablir l’esclavage pour satisfaire les intérêts des colons, le Général Toussaint Louverture, l’empereur Jean Jacque Dessalines,  le roi Henry Christophe et leurs milliers de soldats entrèrent en guerre contre la France. Aprés avoir vaincu une première expédition militaire celle du Général français.



Charles Victoire Emmanuel Leclerc , époux de Pauline Bonaparte, la sœur de Napoléon Bonaparte, Toussaint Louverture, après d’âpres combats, négocia avec le Général Jean-Baptiste Donatien Rochambeau à la tête de la seconde expédition militaire. Trahi et kidnappé, François Toussaint Louverture sera déporté au fort de joux où il mourra de faim et de froid le 7 Avril 1803. Napoléon Bonaparte avait aussi dit au sujet de tout cela : « je ne laisserai jamais des épaulettes de général sur les épaules d’un nègre ». Cependant l’esclavage ne sera jamais rétabli en Haïti. Après avoir été rançonné par la France, Haïti deviendra la première république noire le 1er Janvier 1804.


Pour être libre, Haïti a payé 150 millions de francs-or. Le roi Louis Philipe 1er l’amènera plus tard à 90 millions de franc-or, c’est à dire aujourd’hui 17 milliards d’euro. Haiti a dû emprunter auprès des bailleurs de fonds français, pour une double paie ou double dette.
Haïti n’a fini de rembourser qu’au milieu du 20ème siècle voilà la réalité. L’histoire retiendra aussi que, lorsqu’en Octobre 1802, la 1ére expédition de Leclerc arrive en Haïti pour rétablir l’esclavage, ce sont des pires crimes qui ont été perpétrés. Napoléon avait dit:  » je ne veux pas qu’on laisse vivre des hommes et des femmes, des collines, des montagnes, des personnes éduquées, il ne faut laisser que les enfants de 12 ans pour pouvoir les remettre en esclavage ».


Imaginez-vous ?
Il y’a eu des massacres horribles, des hommes et des femmes amenés au large et jetés dans la mer. Il y’avait tellement de corps que les poissons ne mangeaient que de la chair humaine. Les soldats de Leclerc et Rochambeau après, se plaignaient de cela. Il y’avait d’autres modes de tortures, comme ce que l’on appelait l’étouffoir où l’on mettait dans des caves de bateaux, de jeunes hommes et femmes avec du gaz de souffre comme dans les chambres à gaz pour les asphyxier comme du temps de Adolphe Hitler qui, je l’ai dit plus haut, était l’adirateur de Napoléon c’est pour cela qu’il a mené les mêmes conquêtes et connu les mêmes défaites.
Retenez que tous les deux ont commis des crimes contre l’humanité. Vous conviendrez donc avec moi que Napoléon Bonaparte était non seulement raciste, mais il était également inculte.



C’est ainsi durant près de 400 ans, des millions d’africains seront les esclaves des européens et du dit nouveau monde. Les pires sévices seront infligés à ces êtres humains, fouettés jusqu’au sang, fer rougi enfoncé dans les parties intimes, attachés jour et nuit sous le soleil, hommes et femmes violés par des maitres pervers.


Et á tous ces historiens qui aujourd’hui, tentent de minimiser le crime de l’esclavage en évoquant la responsabilité de quelques chefs africains dans la déportation, juste leur dire qu’aucun africain ne leur a demandé d’infliger de telles tortures à ces êtres humains africains.
Car ces crimes ont été commis par la douce France, pays des droits de l’homme et cette posture s’ajoute aux injustices que vivent aujourd’hui les descendants des esclaves.

Il n’est de secret pour personne que dans ce pays qu’est la France, lorsque vous êtes noir et que vous voulez légitimement faire entendre la voix de l’universel, dire à quel point les épisodes de l’histoire non enseignés qui expliquent le racisme et les discriminations, méritent d’être mis sur la place publique afin d’apaiser les colères, d’apaiser les mémoires et de regarder tous dans le même sens. Lorsque vous êtes dans cette dynamique, vous êtes sans jeu de mot facile blacklisté, c’est justement de cela dont il s’agit. On ne peut pas réécrire l’histoire, ce sont des faits qu’il faut analyser.


C’est à dire qu’il y a un temps où l’esclavage, la domination de l’un sur l’autre est acceptable parce qu’il n’y avait pas de loi et aujourd’hui parce qu’il ya une loi, il faudrait qu’il y’ait un autre regard, une autre considération. On ne doit pas l’accepter.  D’ailleurs ne trouvez-vous pas étonnant que le Président français et les autres sur les plateaux ne rappellent pas les faits en ce qui concerne le rétablissement de l’esclavage de 1794 à 1802 à St Domingue comme à la Guadeloupe où les esclaves étaient libres depuis 8 ans ?

Depuis des décennies les noirs portent le fardeau de l’image du nègre vaincu, tantôt oncle Sam tantôt l’homme à abattre : Marcus Garvey, Martin Luther king, Steve Biko, Béhanzin, Almamy Samory Touré, Malcom X, Thomas Sankara, Kwame Nkrumah, Lat Dior Diop, Rosa Parks, Alboury Ndiaye, Thomas Sankara et je m’arrête là.


Pour que la France accepte son histoire le 23 Mai 1998 en France, des milliers de français pour la plupart afros, ont marché. Quelques jours plus tard une seconde marche est organisée à l’appel du comédien Luc St Eloi et puis Claudy Siar journaliste/animateur sur Rfi, président du Conseil représentatif des français d’outre-mer et ex délégué interministériel pour l’égalité des chances des français d’outre-mer sous Sarkozy, fut le premier à organiser le 23 Avril 1993 une telle marche pour secouer l’arbre du mépris et de l’oubli.


Durant longtemps, bien des antillais ont eu du mal à accepter leur africanité, cela s’explique en partie par l’image d’un continent vaincu, que l’idéologie esclavagiste puis colonialiste a toujours dépeint comme une terre sauvage, que la civilisation n’avait pas touché de sa grâce. Ajouté à cela la conversion forcée des esclaves puis des colonisés, à leur religion chrétienne et l’obligation d’abandonner leur croyance animiste ou musulmane. Aujourd’hui les descendants des victimes de l’esclavage sont les victimes du racisme et de toutes sortes de formes de discrimination. Et les États Africains n’ont malheureusement pas compris que c’est avant tout l’Afrique qui doit écrire son histoire et instaurer une journée du souvenir de l’esclavage.



Au Sénégal, l’ancien Président Abdoulaye Wade avait retenu la date du 27 Avril pour rendre hommage aux victimes africaines du plus grand génocide de tous les temps, le choix du 27 Avril correspond, disait-il à la date d’abolition de la traite négrière dans les colonies françaises en 1848. Le 18 Novembre 2018, le monde avait commémoré la toute première journée internationale de l’esclavage, de la colonisation et de la migration en souvenir de tous les déportés de la terre du départ, berceau de l’humanité, à tous les opprimés d’Afrique et à tous les damnés de la terre pour reprendre Frantz Fanon.


C’est tellement important que ce jour-là arrive enfin car avec cette reconnaissance, ce sera une autre victoire de la terre mère et de tous les africains et afros de la diaspora.


Aly Saleh Journaliste/Chroniqueur
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