Comme ce fut le cas l’an dernier pour Amílcar Cabral, l’Afrique et sa diaspora célèbrent cette année le centenaire de Frantz Fanon. Une commémoration qui dépasse le simple hommage mémoriel pour s’inscrire dans une réflexion profonde sur l’héritage politique, intellectuel et moral de l’un des plus grands penseurs de la décolonisation.
Dans une contribution dense et engagée, le Pr Abdoulaye Bathily souligne que « la contribution théorique et le militantisme exemplaires de Fanon à la révolution africaine ont inspiré toute une génération et continuent de fasciner à juste titre la jeunesse d’aujourd’hui ». Pour l’historien et homme politique, l’actualité de Fanon tient à la force d’une pensée qui a su embrasser, avec une rare profondeur, les enjeux complexes de l’émancipation nationale.
Selon le Pr Bathily, « sa pensée féconde a couvert avec une rare profondeur le champ complexe de la politique de la décolonisation et de l’émancipation nationale ». Médecin psychiatre de formation, Frantz Fanon fut également un pionnier dans l’analyse des traumatismes psychologiques engendrés par la domination coloniale. « Médecin psychiatre, il a été le pionnier dans le domaine complexe de la “psychologie des profondeurs” relative au traumatisme du colonisé dans les sociétés dominées par l’exploitation et le racisme », rappelle-t-il.
Avec le recul historique, l’œuvre de Fanon apparaît plus actuelle que jamais. « Le temps qui passe continue de confirmer la dimension universelle de l’œuvre de Fanon comme une des plus audacieuses et généreuses productions de l’esprit humain à travers les âges », estime le Pr Abdoulaye Bathily. Dès lors, poursuit-il, « l’hommage unanime qui lui est rendu à travers le monde est donc amplement mérité ».
Mais pour l’auteur, célébrer Fanon ne saurait se limiter à une reconnaissance posthume. « Dans ce cas comme dans d’autres, l’hommage rendu aux morts est en même temps une interpellation à l’adresse des vivants », insiste-t-il. La commémoration du centenaire doit ainsi servir de levier pour une introspection collective sur le parcours des révolutions africaines depuis les indépendances.
« La célébration du chantre de la révolution africaine doit être l’occasion d’une réflexion critique sans complaisance sur les succès et les échecs de cette révolution et les perspectives d’avenir de notre continent », affirme-t-il, avertissant que les défis actuels de la géopolitique mondiale « ne peuvent être relevés par des analyses simplistes et encore moins par des expédients opportunistes à la mode ».
Face à ces enjeux, le Pr Bathily appelle à un retour aux fondamentaux de la pensée fanonienne. « La sincérité, la rigueur intellectuelle et morale, l’humilité, la lucidité stratégique et tactique qui caractérisent la pensée et l’engagement de Fanon doivent inspirer tous ceux qui s’affichent sur la route de la transformation réelle et non imaginaire de l’Afrique d’aujourd’hui », martèle-t-il.
Enfin, l’universitaire invite les sociétés africaines à tirer les leçons de leur histoire pour rompre avec les cycles d’échecs. « Il est question de tirer les leçons des tragédies vécues pour éviter les chemins de Sisyphe et emprunter définitivement la voie de Prométhée », écrit-il, une voie à laquelle « aspirent les peuples d’Afrique dans leur quête d’un UBUNTU salvateur ».