Casamance : crise au CNAMS, les agents sans salaire depuis des mois

Jeudi 20 Novembre 2025

Le Programme de Déminage Humanitaire de la Casamance traverse une crise interne d’une gravité inédite. Le Centre national d’action antimines au Sénégal (CNAMS), structure publique placée sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères, peine aujourd’hui à assurer la continuité de ses missions essentielles, au risque de compromettre la sécurité des populations retournées dans les zones affectées.

Basé à Ziguinchor et créé par le décret n°2006-784 du 18 août 2006, le CNAMS est l’organe opérationnel chargé de mettre en œuvre la politique nationale de lutte antimines : coordination du déminage, assistance aux victimes, sensibilisation communautaire et accréditation des organisations spécialisées. Depuis près de vingt ans, son action a permis de sécuriser des milliers d’hectares et de relancer des activités socio-économiques dans une région meurtrie par plusieurs décennies de conflit.

Aujourd’hui, ce pilier de la stabilité en Casamance est au bord de la paralysie. Les agents du CNAMS reconnaissent que l’État a fait du déminage une priorité nationale, en particulier dans le cadre du “Plan Diomaye pour la Casamance”. Ils saluent également l’augmentation de 50 % du budget du Projet d’Assistance à la Lutte Antimines en Casamance (PALAC). « La volonté politique est là, elle est réelle, et nous la saluons », déclarent-ils.


« L’État a placé le déminage au cœur de son agenda pour la Casamance, et cela devait nous permettre d’accélérer les opérations. » Mais cette dynamique a été brisée par une crise interne jugée « très préoccupante ». Selon les agents, le dysfonctionnement majeur vient de l’incapacité de la Direction à mobiliser le budget 2025, pourtant disponible depuis février. « Depuis des mois, notre budget existe mais n’est pas mobilisé. Résultat : nous ne pouvons plus travailler. »


« Nous avons plus de sept mois d’arriérés de salaires, et même l’eau, l’électricité et l’internet ont été coupés. » Outre cette situation critique, les travailleurs du CNAMS dénoncent une série de problèmes administratifs graves : Absence du Directeur pendant cinq mois, sans communication claire ; Activités conduites « en ignorant totalement le personnel sur le terrain » ; Collaboration « avec des retraités et d’anciens stagiaires » au détriment des techniciens formés ; Gestion « irrégulière et opaque » du carburant confiée à un prestataire retraité ; Blocage des dossiers stratégiques : planification 2026, demande d’extension de zones à traiter ; « Opacité totale dans l’exécution du budget ». « Nous sommes dans l’incompréhension la plus totale. Le programme ne peut pas fonctionner ainsi. Nous travaillons dans une région encore minée. Les retards, ce ne sont pas juste des statistiques : ce sont des vies en danger», alertent les agents.


Plus d’1,2 million de m² encore à déminer

Le ralentissement brutal des opérations survient alors que plus de 1 200 000 m² doivent encore être dépollués dans des zones où les populations reviennent progressivement s’installer. Pour les agents, l’impact est immédiat : « Chaque jour perdu met des villages entiers en danger. » « Le déminage n’est pas un service administratif ordinaire : c’est une mission de vie ou de mort. »

Un risque pour la Casamance en pleine reconstruction

Dans un contexte où la région amorce un tournant historique vers la paix et le développement, l’arrêt de certaines activités du CNAMS inquiète fortement. Le programme assure non seulement la dépollution des sols, mais aussi : la sécurisation des champs et pistes rurales, la protection des enfants, la relance agricole, et l’accompagnement des personnes mutilées.


Face à cette situation, les agents lancent un appel solennel : « Nous demandons une intervention urgente des autorités pour sauver le programme de déminage. »
« La volonté politique existe. Il faut maintenant rétablir la gouvernance interne et nous permettre de travailler. » Ils appellent au rétablissement rapide : de la chaîne administrative, de la mobilisation budgétaire, du paiement des salaires, et de la coordination technique indispensable.

Le CNAMS est au cœur de la politique nationale de sécurisation de la Casamance. Sa crise interne intervient au moment où l’État augmente les moyens, renforce la vision stratégique et affiche une détermination historique pour solder définitivement la question des mines. Les agents le rappellent avec gravité : « Si le CNAMS s’effondre, c’est tout le processus de retour à la paix en Casamance qui vacille. »
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