Officiellement, le colonel Alpha Yaya Sangaré a été radié de l’armée malienne pour avoir publié un livre jugé dérangeant par les autorités de transition. Dans les faits, cette décision semble révéler des motivations bien plus politiques, où se mêlent paranoïa sécuritaire, rivalités internes et soupçons liés à la situation financière de l’officier.
Par un décret signé le 12 décembre 2025, le chef de la junte, le général Assimi Goïta, a entériné la radiation de Sangaré, à la suite d’un conseil d’enquête dont les conclusions n’ont jamais été rendues publiques. L’argument avancé renvoie à la publication de son ouvrage « Mali : le défi du terrorisme en Afrique », dans lequel l’officier citait des rapports d’organisations internationales documentant des abus commis par les forces armées lors d’opérations antiterroristes. Des accusations qualifiées de « mensongères » par le ministre de la Défense, Sadio Camara, avant l’arrestation rapide de l’auteur.
Une crainte d’ambition politique
Mais au sein de l’appareil sécuritaire malien, nombreux sont ceux qui estiment que le livre n’a servi que de prétexte. Selon plusieurs sources sécuritaires, la véritable inquiétude des autorités portait sur la montée en influence du colonel Sangaré, perçu comme un officier brillant, bien formé et potentiellement porteur d’une ambition politique naissante.
Ancien commandant de la gendarmerie de Bamako, passé par des formations au Sénégal et aux États-Unis, Alpha Yaya Sangaré jouissait d’une image d’officier « volontariste » et « téméraire ». Un profil qui aurait suscité la méfiance du puissant patron de l’Agence nationale de la sécurité d’État (ANSE), le général Modibo Koné. « Il était vu comme un gradé capable, respecté et doté d’une stature qui pouvait, à terme, en faire une alternative crédible au sein du système », confie une source proche du dossier.
Dans un régime militaire marqué par la concentration du pouvoir et la suspicion permanente de complots, toute figure susceptible d’émerger comme un rival potentiel est rapidement neutralisée. « Koné a vu en lui quelqu’un qui ne se contenterait pas d’un rôle technique », explique une autre source sécuritaire, soulignant que la crainte d’une dérive politique a pesé lourd dans la décision finale.
La question de la fortune personnelle
À ces soupçons d’ambition s’ajoute un autre facteur sensible : la situation financière du colonel. En 2023, Sangaré avait déboursé 110 millions de francs CFA pour permettre la libération de son père, ancien officier de police à la retraite, impliqué dans une affaire de spéculation foncière. Une somme jugée considérable dans un contexte de forte précarité économique et de salaires militaires limités.
Cette capacité financière a nourri les interrogations au sommet de l’État. « Il avait de l’argent, et beaucoup », confie une source sécuritaire. « Cela a renforcé l’idée qu’il pouvait mobiliser des fonds, non seulement pour son influence personnelle, mais aussi pour d’éventuels projets politiques ou de déstabilisation. » Dans l’esprit des dirigeants de la transition, cette combinaison formation internationale, réseaux, moyens financiers constituait un risque majeur.
Issu de l’élite militaire, ancien du Prytanée de Kati, Alpha Yaya Sangaré connaissait personnellement plusieurs figures aujourd’hui au pouvoir. Il était notamment proche du Premier ministre Abdoulaye Maïga, qui avait assisté à la dédicace de son livre avant de s’en démarquer. Cette proximité n’a toutefois pas suffi à le protéger. Progressivement isolé, l’officier a vu ses soutiens se taire, conscients du danger politique que représentait toute prise de position en sa faveur.
Dans une ultime tentative pour éviter l’irréparable, le colonel avait demandé le retrait de son ouvrage de la vente. Les exemplaires ont été détruits, et le livre est devenu introuvable au Mali. Mais la machine était déjà enclenchée. Après les radiations des généraux Néma Sagara et Abass Dembélé en octobre, Sangaré est venu allonger la liste des officiers mis à l’écart.
Un signal politique clair
La radiation d’Alpha Yaya Sangaré apparaît ainsi comme un message adressé à l’ensemble de l’institution militaire : toute velléité d’autonomie intellectuelle, toute ambition politique réelle ou supposée, surtout lorsqu’elle s’appuie sur des ressources financières propres, est perçue comme une menace directe par le pouvoir de transition.
En saisissant la Cour suprême pour contester son décret de radiation, le colonel joue sa dernière carte juridique. Mais au-delà de son cas personnel, son éviction illustre la logique actuelle du pouvoir à Bamako : préserver l’équilibre interne de la junte en neutralisant préventivement toute figure susceptible d’émerger comme un contre-pouvoir, qu’il soit politique, symbolique ou financier.
Avec Jeune Afrique
Par un décret signé le 12 décembre 2025, le chef de la junte, le général Assimi Goïta, a entériné la radiation de Sangaré, à la suite d’un conseil d’enquête dont les conclusions n’ont jamais été rendues publiques. L’argument avancé renvoie à la publication de son ouvrage « Mali : le défi du terrorisme en Afrique », dans lequel l’officier citait des rapports d’organisations internationales documentant des abus commis par les forces armées lors d’opérations antiterroristes. Des accusations qualifiées de « mensongères » par le ministre de la Défense, Sadio Camara, avant l’arrestation rapide de l’auteur.
Une crainte d’ambition politique
Mais au sein de l’appareil sécuritaire malien, nombreux sont ceux qui estiment que le livre n’a servi que de prétexte. Selon plusieurs sources sécuritaires, la véritable inquiétude des autorités portait sur la montée en influence du colonel Sangaré, perçu comme un officier brillant, bien formé et potentiellement porteur d’une ambition politique naissante.
Ancien commandant de la gendarmerie de Bamako, passé par des formations au Sénégal et aux États-Unis, Alpha Yaya Sangaré jouissait d’une image d’officier « volontariste » et « téméraire ». Un profil qui aurait suscité la méfiance du puissant patron de l’Agence nationale de la sécurité d’État (ANSE), le général Modibo Koné. « Il était vu comme un gradé capable, respecté et doté d’une stature qui pouvait, à terme, en faire une alternative crédible au sein du système », confie une source proche du dossier.
Dans un régime militaire marqué par la concentration du pouvoir et la suspicion permanente de complots, toute figure susceptible d’émerger comme un rival potentiel est rapidement neutralisée. « Koné a vu en lui quelqu’un qui ne se contenterait pas d’un rôle technique », explique une autre source sécuritaire, soulignant que la crainte d’une dérive politique a pesé lourd dans la décision finale.
La question de la fortune personnelle
À ces soupçons d’ambition s’ajoute un autre facteur sensible : la situation financière du colonel. En 2023, Sangaré avait déboursé 110 millions de francs CFA pour permettre la libération de son père, ancien officier de police à la retraite, impliqué dans une affaire de spéculation foncière. Une somme jugée considérable dans un contexte de forte précarité économique et de salaires militaires limités.
Cette capacité financière a nourri les interrogations au sommet de l’État. « Il avait de l’argent, et beaucoup », confie une source sécuritaire. « Cela a renforcé l’idée qu’il pouvait mobiliser des fonds, non seulement pour son influence personnelle, mais aussi pour d’éventuels projets politiques ou de déstabilisation. » Dans l’esprit des dirigeants de la transition, cette combinaison formation internationale, réseaux, moyens financiers constituait un risque majeur.
Issu de l’élite militaire, ancien du Prytanée de Kati, Alpha Yaya Sangaré connaissait personnellement plusieurs figures aujourd’hui au pouvoir. Il était notamment proche du Premier ministre Abdoulaye Maïga, qui avait assisté à la dédicace de son livre avant de s’en démarquer. Cette proximité n’a toutefois pas suffi à le protéger. Progressivement isolé, l’officier a vu ses soutiens se taire, conscients du danger politique que représentait toute prise de position en sa faveur.
Dans une ultime tentative pour éviter l’irréparable, le colonel avait demandé le retrait de son ouvrage de la vente. Les exemplaires ont été détruits, et le livre est devenu introuvable au Mali. Mais la machine était déjà enclenchée. Après les radiations des généraux Néma Sagara et Abass Dembélé en octobre, Sangaré est venu allonger la liste des officiers mis à l’écart.
Un signal politique clair
La radiation d’Alpha Yaya Sangaré apparaît ainsi comme un message adressé à l’ensemble de l’institution militaire : toute velléité d’autonomie intellectuelle, toute ambition politique réelle ou supposée, surtout lorsqu’elle s’appuie sur des ressources financières propres, est perçue comme une menace directe par le pouvoir de transition.
En saisissant la Cour suprême pour contester son décret de radiation, le colonel joue sa dernière carte juridique. Mais au-delà de son cas personnel, son éviction illustre la logique actuelle du pouvoir à Bamako : préserver l’équilibre interne de la junte en neutralisant préventivement toute figure susceptible d’émerger comme un contre-pouvoir, qu’il soit politique, symbolique ou financier.
Avec Jeune Afrique