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Sherin Khankan : «Nous pouvons avoir des femmes imames dans chaque pays du monde»

Mercredi 18 Octobre 2017

La Danoise Sherin Khankan a lancé en 2016 à Copenhague la mosquée progressiste Mariam, ouverte à tous les musulmans et fondée sur le soufisme. Avec son équipe, elle y célèbre des mariages mixtes, dirige la prière et prononce le sermon du vendredi. L’imame publie ce mercredi le livre La femme est l’avenir de l’Islam (éditions Stock, 19,50 euros), dans lequel elle raconte sa vie, sa lutte contre l’islamophobie, les structures patriarcales et les interprétations conservatrices du Coran. Celle qui souhaite ouvrir une « académie islamique » pour former des imames s’est confiée à 20 Minutes.

Quel est le but de ce livre ?

Je suis une militante politique depuis une quinzaine d’années. J’ai souhaité raconter dans ce livre mon histoire et le processus pour mettre en place la mosquée Mariam. Féministe islamique, j’ai souhaité cette mosquée car lorsque vous devenez une institution, vous devenez plus fort parce que vous avez le pouvoir d’influencer. Nous avons aujourd’hui une mosquée avec des femmes imames. Elles dirigent la prière, délivrent le sermon, luttent contre les structures patriarcales pas seulement dans la mosquée mais aussi dans toute la société. C’est un nouveau récit sur l’islam pour lutter contre l’islamophobie. Cette idée d’un féminisme islamique et d’une mosquée de femmes m’est venue il y a 17 ans à la mosquée Abou Nour de Damas, en Syrie. Depuis, j’ai beaucoup travaillé pour réaliser ce rêve. Je souhaite aujourd’hui inspirer des musulmans du monde entier, comme moi-même j’ai pu être inspirée par d’autres musulmans, afin de changer les structures patriarcales dans l’Islam, dans la société, au sein de la famille.

Pourquoi avoir choisi le titre d’« imame » que vous considérez comme « fondamental » ?

Je fais tout ce qu’un imam fait. J’ai lancé une mosquée, je mène la prière, je délivre le sermon, j’apporte des soins spirituels islamiques, j’ai célébré seize mariages en un an et en prépare une dizaine d’autres, dont certains mixtes. Je prononce aussi des divorces, des conversions… Si je réalise tout cela, il est normal de réclamer le titre d’imame. Par ailleurs, dans les premiers temps de l’Islam, des femmes agissaient comme des imams. C’est donc une réforme sans en être une, car je reviens aux sources et m’inscris dans une tradition de brillantes enseignantes, théologiennes et imames. Je ne suis d’ailleurs pas la seule. Il y a des mosquées féminines avec des femmes imames en Chine depuis 1820, mais aussi aux Etats-Unis, au Canada, en Allemagne ou en Afrique du sud. Et ma vision est que nous pouvons avoir des mosquées avec des femmes imames dans chaque pays du monde.

Vous adressez-vous aux musulmans vivant en Europe, ou à tous les musulmans ?

Je parle à tous les musulmans du monde. J’ai dédié ce livre aux nouvelles générations de musulmans. Pas seulement en Europe, mais dans tout le monde musulman, et notamment au Moyen-Orient. Je suis moi-même le fruit d’une union entre l’Orient et l’Occident [le père de Sherin Khankan est syrien musulman, sa mère finlandaise luthérienne]. J’espère que ce livre sera également publié dans des pays conservateurs, et que je pourrais y donner des conférences pour développer ma vision.

Pourquoi avoir réservé aux femmes la prière du vendredi ?

J’étais ouverte à la mixité. Nous avons eu de longues discussions avec l’équipe et je me suis rangée à la décision du vote qui a écarté l’idée de la mixité. J’en suis finalement heureuse. Je pense que lorsqu’on fait changer les choses, il faut le faire progressivement, intelligemment et avec les gens qui vous entourent. J’ai souhaité que des musulmans nous rejoignent dans notre projet, et pas que nous restions à faire une révolution dans notre coin. Mais rien qu’en ouvrant une mosquée avec des femmes imames, nous sommes allées très loin. Et nous faisons tomber un tabou en célébrant des mariages mixtes. Aujourd’hui, la prière du vendredi est réservée aux femmes. Ce n’est pas définitif. Un jour, elle rassemblera peut-être les femmes et les hommes.

L'imame danoise Sherin Khankan, le 8 août 2016 à in Copenhague au Danemark
L'imame danoise Sherin Khankan, le 8 août 2016 à in Copenhague au Danemark - BETINA GARCIA / SCANPIX DENMARK / AFP

D’où viennent les financements de votre mosquée ?

Nous avons un seul contributeur, Jacob Holdt, qui soutient les minorités depuis des années. Il prête l’appartement de 250m², situé dans le centre-ville de Copenhague, dans lequel est installée la mosquée. Il y a par ailleurs quatre bureaux loués à des associations - dont « Exit Circle », une organisation laïque d’aide aux femmes victimes de violences psychologiques, que je préside - qui paient un loyer.

Quelle est la formation pour devenir « imame » dans votre mosquée ?

Les femmes doivent avoir au minimum un master ou un doctorat en histoire islamique, en études d’arabe, religion, ou des études en lien avec ces domaines. Si vous avez ces diplômes, vous pouvez venir à la mosquée et entrer dans un processus pour devenir une imame. En 2018, nous lancerons une académie islamique où nous allons délivrer des cours de philosophie musulmane, de soufisme, de féminisme islamique, des cours pour diriger la prière et délivrer des soins spirituels. Nous avons un système universitaire danois avec des diplômes en théologie ou en études arabes, mais je crois qu’il manque toujours un environnement et des cours spécifiques pour mener, concrètement, les cérémonies. D’où l’idée de cette académie islamique.

Êtes-vous menacée pour ce que vous êtes et pour votre projet ?

Les menaces de mort que j’ai reçues ne viennent pas de musulmans mais de personnes de l’extrême droite danoise. Plus largement, on porte des accusations contre moi, sans preuve, affirmant que je suis une musulmane radicale car l’association « Exit Circle » a reçu d’importants fonds de l’Etat. Au quotidien, ce sont donc plutôt des violences psychologiques, du harcèlement, des fausses nouvelles… Je préfère cependant parler des soutiens que je reçois. Et notamment celui d’un imam d’une des trois mosquées les plus fréquentées au monde, à Djakarta en Indonésie, où chaque semaine 200.000 fidèles assistent à la prière du vendredi. Il est venu à la mosquée Mariam, il y a prié, il l’a béni et prononcé un discours de soutien. Cela montre que nous ne sommes pas une ultra-minorité, mais soutenue par l’une des plus grandes mosquées dans le monde.

Comment comprenez-vous la laïcité à la française ?

Les personnes ont le droit de pratiquer leur religion dans la sphère privée, mais aussi dans la sphère publique. Et je crois qu’il y a un manque dans l’appréciation française de la laïcité. Pourquoi une femme, si elle est voilée, ne pourrait-elle pas travailler au Parlement ? Cela représente une discrimination qui va à l’encontre de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
20minutes.fr

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