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« Le gendarme qui a tiré sur Abdallah fait partie des éléments du GARSI » (reportage)

Jeudi 25 Avril 2024

En avril 2023, les jeunes du parti Pastef organisent une marche pacifique à Bignona pour protester contre les morts enregistrées lors des manifestations politiques dans la localité. Très vite, un gendarme vient exiger l’arrêt de la procession pourtant autorisée. Une discussion s’engage avec la foule mais un autre groupe de gendarmes fait usage de la force pour disperser la manifestation. A leurs grenades lacrymogènes, les jeunes répliquent par des jets de pierres.

Plusieurs témoins font état d’échanges tendus entre forces de l’ordre sur le terrain à cause de l’excès de zèle de ces gendarmes aux tenues vert kaki venus de Kidira et observés à Bignona à partir du deuxième jour des émeutes de mars 2021.

Ce sont des éléments du Groupe d’Action Rapide – Surveillance et Intervention au Sahel (GARSI). Il s’agit d’une unité de la gendarmerie nationale créée au Sénégal en 2018 avec le soutien financier de l’Union européenne à hauteur de 4,7 milliards FCFA. Le même jour, les éléments du GARSI interpellent violemment le meneur des marcheurs, Ibrahima Coly, coordonnateur à Bignona de la Jeunesse patriotique du Sénégal (JPS).

« On te tuera comme un chat et rien n’arrivera », menace un des hommes de tenue alors que le jeune homme est tabassé par ses compères. De longues heures de torture s’ensuivent : coups de crosse, coups de pied, injures. « Ils m’ont tellement frappé que je ne ressentais plus la douleur à un moment donné », raconte Ibrahima, convaincu d’avoir frôlé la mort. Couvert de sang à cause de ses cinq blessures ouvertes à la tête, les gendarmes l’aspergent d’eau avant de le conduire à l’infirmerie du Camp militaire de Bignona. Mais même affaibli, les maltraitances ne s’arrêtent pas. Pas question de le soigner sous anesthésie ordonne son accompagnateur, l’adjoint du Commandant.


Ibrahima a reconnu deux haut responsables parmi ses bourreaux : le commandant Diop et surtout le supérieur des éléments du GARSI, un certain Capitaine Ba. « C’est lui qui a ouvert le bal en personne. Il a commencé à me frapper dès que je suis arrivé à la brigade, avant de passer le relais au Commandant Diop », ajoute le membre de Pastef qui fait état d’usage de « barres de fer » par les deux hommes.


Il n’aura aucune peine à l’identifier lorsque "La Maison Des Reporters" lui montre un publi-reportage de l’Union Européenne où le Capitaine Serigne Maka Ba explique le soutien de la gendarmerie française, de la Guardia civil espagnole, la Carabinieri (gendarmerie italienne) et de la Garde nationale portugaise dans la formation de l’unité qu’il commande dédiée à la lutte contre la criminalité transfrontalière.

Le Capitaine Ba est aussi visible sur cette photo aux côtés d’instructeurs européens lors d’une session de formation au Sénégal.

Des codétenus de Ibrahima ainsi que des habitants de Bignona interrogés par La Maison Des Reporters ont affirmé reconnaître ce parfait anonyme, habitué des cours de fitness fréquentés par les jeunes à la Place publique Moussa Koly. Cependant, plus personne ne le reverra sur les lieux après les manifestations réprimées.

Dans le reportage de l’UE à Kidira, ville frontalière avec le Mali, plusieurs résidents de la localité se disent rassurés par la présence de cette force de 200 hommes qui aurait fait baisser le grand banditisme dans leur localité. A Bignona, l’impression est toute autre. La présence du GARSI est synonyme de violences exacerbées dans une ville qui figure dans la liste des localités qui ont enregistré le plus de victimes de la répression : six morts entre 2021 et 2024.

« Ils ont fait beaucoup usage de leurs armes, j’étais là, j’étais présent », raconte un journaliste local qui a couvert les émeutes le jour de la mort de Cheikh Coly en mars 2021 et de Mamadou Korka Ba en mars 2023. A la première occasion, il est frappé à l’époque par l’apparente « inexpérience en maintien de l’ordre » de ces « nouveaux » dont Joseph Tendeng garde un mauvais souvenir.  

Le 1er août 2023, jour de l’inculpation d’Ousmane Sonko pour plusieurs charges dont appel à l’insurrection, les jeunes descendent dans la rue pour dénoncer l’arrestation « arbitraire » de leur leader politique. Des éléments du GARSI débarquent d’un pick-up pour mettre fin au mouvement d’humeur.

« C’est aux alentours de 18h qu’ils (les éléments du GARSI) ont commencé à tirer avec des balles réelles et ont touché un de nos camarades à deux reprises, la première balle a touché son tibia, l’autre son genou. Il (le tireur) s’est replié suite à nos jets de pierres. », raconte Joseph. Le lendemain, lui et ses camarades maintiennent la mobilisation. En pleine manifestation, Joe reçoit une balle qui lui troue la joue pour ressortir par derrière son oreille avant de toucher un autre plus jeune manifestant à l’abdomen. « Le gendarme du GARSI qui m’a tiré dessus était à une distance de moins de cinquante mètres », se rappelle-t-il. 

« Le gars qui a tiré sur Abdallah portait une cagoule, je n’ai pas pu l’identifier mais, il fait partie des éléments du GARSI; ils portent tous des uniformes de couleur vert foncé et sur leurs véhicule, l’acronyme GARSI y est écrit et ils n’avaient pas de matériel de maintien d’ordre mais des armes à feu et des bâtons », décrit lui aussi très précisément P. L. D.
Abdallah,  également appelé Abdoulaye Diatta, est mort sous ses yeux, abattu par balle en juin 2022 dans une des ruelles du quartier de Tenghory.

Un autre témoin oculaire, ancien militaire, raconte une scène encore plus terrifiante qui s’est soldée par la mort en mars 2023, de Mamadou Korka Ba, élève en Terminale âgé de 22 ans.

« Ce sont des Sénégalais, ils ont des relations avec nos jeunes et il leur arrivait de leur dire : « Quand vous nous voyez durant les manifestations, il faut partir parce que nous, on ne badine pas ». Ça veut tout dire », Ismaila Ba, Professeur de Lettres à Bignona

« Entre nous et les autres forces de l’ordre, il n’y a jamais eu de perte en vies humaines », peste Joseph. « Il n’y a que les éléments du GARSI qui font usage de leurs armes à feu lors des manifestations. »

A la suite de l’enquête d’Al Jazeera et de la Fondation porCausa, la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen a demandé en mars 2024 à la Commission européenne d’ouvrir une enquête sur le dévoiement du financement de l’unité sénégalaise du GARSI.
https://lamaisondesreporters.sn/a-bignona-la-loi-de-la-terreur-du-garsi/
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